Abus de Position Dominante : Définition, Critères et Sanctions
Classé dans Droit et jurisprudence
Écrit le en français avec une taille de 9,36 KB
Abus de Position Dominante : Définition et Sanctions
L'abus de position dominante est une pratique commerciale interdite par le Code de commerce en matière de concurrence. Cet article détaille ses critères de définition et les sanctions prévues par la loi.
Sommaire
- Définition de l'abus de position dominante
- Régime juridique applicable
- Existence d'une position dominante
- Exploitation abusive d'une telle position
- Objet ou effet restrictif de concurrence sur un marché
- Sanctions applicables
- Exemptions prévues
Définition de l'abus de position dominante
L'abus de position dominante, ou exploitation abusive de position dominante, est l'une des deux pratiques prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce, la seconde étant l'abus de dépendance économique.
Cette infraction relève également du droit communautaire de la concurrence en cas d'affectation du commerce intracommunautaire. L'abus de position dominante est prohibé dans les mêmes conditions que l'entente (pratique anticoncurrentielle visée par l'article L. 420-2 du Code de commerce). Ainsi, cette prohibition s'applique lorsque les pratiques « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ».
Régime juridique de l'abus de position dominante
À la différence de l'article L. 420-1, l'article L. 420-2 vise les pratiques mises en œuvre « par une société ou un groupe de sociétés ». Ceci s'explique par la nature même des pratiques incriminées : dans la mesure où les abus de domination résultent d'un pouvoir de marché, ils ne peuvent être commis que par une ou plusieurs entreprises.
Pour qu'il y ait abus de position dominante au sens de l'article L. 420-2, trois conditions doivent être réunies :
- L'existence d'une position dominante ;
- Une exploitation abusive de cette position ;
- Un objet ou un effet restrictif de concurrence sur un marché.
Il convient d'examiner successivement ces différents points.
Existence d'une position dominante
Le concept de position dominante n'est pas défini par les textes. Cependant, la jurisprudence a consacré une définition élaborée par les autorités et juridictions communautaires : « la position dominante concerne une position de puissance économique détenue par une société qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en question en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs ».
Dans la mesure où la position dominante s'entend sur un marché de produits ou de services déterminé, l'appréciation d'une telle position passe nécessairement par une définition préalable du marché pertinent, ce qui suppose de mesurer le degré de substituabilité des produits ou services susceptibles de constituer ledit marché.
Le simple constat de la forte part de marché d'une entreprise n'est pas suffisant pour conclure à lui seul à l'existence d'une position dominante. Néanmoins, si l'entreprise concernée bénéficie d'une avance technologique telle qu'elle lui permet une augmentation de ses prix sans crainte d'une érosion de sa clientèle, cette entreprise peut être considérée comme ayant une position dominante. Il en est de même pour une entreprise qui détient des marques ayant une très forte notoriété auprès des consommateurs, à tel point que les distributeurs n'ont pas la possibilité de se passer de ces marques.
Le cas de position dominante le plus caractéristique est la position de monopole, a fortiori si cette situation n'est pas ponctuelle (dans le cas où une entreprise est la première à intervenir sur un nouveau marché) mais résulte de la difficulté pour d'autres opérateurs d'entrer sur ledit marché (existence de barrières à l'entrée de natures réglementaire, technologique ou autres...).
Exploitation abusive d'une telle position
L'article L. 420-2 recense des pratiques susceptibles de constituer un abus de position dominante, notamment :
- Le refus de vente ;
- Les ventes liées ;
- Des conditions de vente discriminatoires ;
- La rupture des relations commerciales au motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
Cette liste n'est pas exhaustive. La Commission européenne a en outre publié un guide de mise en œuvre de l'article 102 TFUE (note 1).
En fait, la notion d'abus de position dominante recouvre deux concepts différents :
- Les abus illicites par eux-mêmes : Il s'agit de comportements contrevenant déjà à une définition juridique. Dès qu'ils sont mis en œuvre par une entreprise en position dominante, de tels agissements sont constitutifs d'abus au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Relèvent notamment de cette catégorie les pratiques listées au premier alinéa de l'article L. 420-2 ainsi que tout autre agissement visé plus généralement par le régime jurisprudentiel de la concurrence déloyale.
- Les comportements qui ne sont abusifs uniquement parce que l'entreprise occupe une position dominante : Certaines pratiques considérées comme admissibles au niveau de la concurrence lorsqu'elles émanent d'entreprises ne détenant qu'une position faible sur leur marché et étant de ce fait soumises à une concurrence effective, deviennent anticoncurrentielles dès qu'elles émanent d'une entreprise en position dominante. D'une manière générale, sont considérés comme abusifs tous les agissements qui excèdent les limites d'une concurrence normale venant d'une entreprise en position dominante et qui ne trouvent d'autre justification que la suppression des concurrents effectifs ou potentiels ou le fait d'obtenir des avantages injustifiés (par exemple : éviction des concurrents, dispositions contractuelles imposées à leurs partenaires économiques qui assurent le pouvoir de l'entreprise dominante sur le marché, toutes formes de pratiques commerciales concernant des clients ou concurrents de l'entreprise dominante visant à l'octroi ou au maintien d'avantages non justifiés, pratiques de prix prédateurs).
Objet ou effet restrictif de concurrence sur un marché
Il convient de rechercher si le comportement abusif possède un objet ou un effet restrictif de la concurrence. Comme l'a rappelé la Cour de cassation, seule une atteinte sensible à la concurrence est susceptible de caractériser une pratique anticoncurrentielle (note 2). De ce fait, ne peuvent être sanctionnés que les abus de position dominante dont les effets, actuels ou potentiels, sont suffisamment tangibles. En outre, l'infraction d'abus de position dominante n'est susceptible d'être constituée que s'il existe un lien de causalité entre le pouvoir de domination de l'entreprise et l'abus lui étant imputé. Dit autrement, l'exploitation abusive doit être réalisée par l'utilisation de la position dominante.
L'effet anticoncurrentiel de pratiques de ce genre peut se produire sur un autre marché de produits ou de services que celui sur lequel l'entreprise en question occupe une position dominante. Ainsi, lorsqu'une entreprise en position dominante sur un marché donné subordonne l'octroi de remises sur ses produits localisés sur ce marché à l'achat de ses autres produits situés sur un autre marché, c'est ce dernier qui est plus particulièrement touché.
Sanctions applicables en cas d'abus
Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut potentiellement prononcer des injonctions et infliger des sanctions aux auteurs des pratiques incriminées. Celles-ci sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à la sévérité du dommage causé à l'économie, à la situation de la société sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de telles pratiques. Ces sanctions sont prises individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chacune des sanctions.
Le montant maximal de la sanction est de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé enregistré au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui lors duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En cas de consolidation ou de combinaison des comptes de l'entreprise concernée en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires concerné est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante.
L'abus de position dominante peut aussi être condamné par les juridictions de droit commun (par exemple, à la suite d'une action en concurrence déloyale). Enfin, en vertu de l'article L. 420-6 du Code de commerce, une juridiction pénale peut potentiellement être saisie et condamner chaque personne physique qui aura pris une part individuelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre des pratiques relevant de l'article L. 420-2.