Analogie et Création de Normes par le Juge
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Différence entre Norme par Analogie et Norme Législative
Quelle est la différence entre la nouvelle règle qui découle de l'analogie et la norme issue de la création législative ? La nouvelle norme créée par analogie est spécifiquement valable pour le cas traité. Son origine est une norme législative préexistante, mais générique. C'est en ce sens que l'on reconnaît le pouvoir créateur de la justice : lorsque, constatant une lacune juridique (un écart), le juge comble ce vide en utilisant l'analogie, créant ainsi un nouveau droit pour le cas spécifique.
Il ne s'agit pas ici d'une simple interprétation large ou d'une extension du droit de la femme mariée à la femme non mariée. Il s'agit de la création d'une nouvelle norme, particulière et concrète, à partir d'une norme générique et abstraite.
La justice peut ainsi positiver, à travers la jurisprudence, des revendications sociales de groupes que le législateur n'a pas encore reconnues comme un droit. On peut appeler cela une fonction correctrice de la loi, anticipant parfois l'action du législateur.
Approches Judiciaires et Sources du Droit
Certains juges, plus conservateurs, reconnaissent seulement les droits minimaux (par exemple, la sécurité sociale pour la femme mariée). D'autres, cependant, ont élargi cette sphère, définissant par exemple des règles pour l'union stable (distinguant les juges progressistes des juges traditionnels). La jurisprudence (l'affaire jugée) constitue une source de droit particulière, caractérisée par son aspect concret et spécifique.
Le droit se manifeste sous diverses formes ; il n'existe pas une unique voie de production du droit. Socialement, le droit n'apparaît pas toujours de la même manière. La loi est une forme d'existence du droit, la jurisprudence en est une autre. D'autres mécanismes, comme l'arbitrage, existent également.
Modèles Alternatifs de Justice
Modèle Complémentaire à la Justice Traditionnelle (3ème Modèle Alternatif)
Ce modèle vise à compléter la justice traditionnelle.
Caractéristiques et Questionnements :
- La justice traditionnelle est-elle accessible à tous ? Qu'en est-il de la classe moyenne ?
- Initiative : Pouvoir exécutif.
- Mécanismes : Tribunaux spéciaux pour les petites créances, alternatives aux organes de justice traditionnels.
- Procédure : Conciliation, procédure simplifiée, orale et sommaire.
- Principes : Justice informelle, flexibilité, démocratisation de l'accès à la justice (exemple du Brésil).
- Objectifs : Apaisement social, gestion de la violence latente.
- Défis : Risque d'encombrement similaire à la justice traditionnelle ? Réelle sortie de la violence ? Adéquation de la réponse sociétale à la réglementation ?
Notes sur le Modèle Complémentaire :
L'appareil judiciaire devrait viser la résolution des conflits et la création de normes permettant de résoudre ces conflits futurs. Le droit sert de lien entre la loi et la société.
Ce modèle part du constat que le système traditionnel de justice est souvent inefficace et inadéquat, incapable de traiter tous les conflits, fonctionnant sur provocation et étant souvent lent en raison des procédures formelles. La justice traditionnelle peut favoriser un accès inégalitaire, bénéficiant principalement aux très riches ou aux très pauvres (via l'aide juridictionnelle), tandis que la classe moyenne rencontre des obstacles croissants.
Une société démocratique exige un accès effectif à la justice. L'État doit donc se démocratiser. Au Brésil, par exemple, l'État a créé des tribunaux spéciaux via un processus de déréglementation. Cette justice alternative se veut informelle, orale, ne nécessitant pas toujours d'avocats et limitant les recours. C'était une initiative de l'exécutif pour répondre aux besoins sociétaux, favorisant la conciliation où les deux parties font des concessions.
Cependant, au Brésil, cette justice alternative tend à ressembler à la justice traditionnelle, car elle reste fondée sur les codes et lois de l'État, et les conciliateurs sont souvent des juges. De plus, elle souffre également d'encombrement.
La société brésilienne peine à s'organiser pour résoudre ses conflits de manière autonome, se tournant fréquemment vers l'État. Une exception notable est le jury populaire, limité aux crimes contre la vie.
Modèle de Transformation de l'Ordre Étatique (2ème Modèle Alternatif - Textes d'Eliane Botelho)
Ce modèle décrit un mouvement visant à utiliser le système juridique existant pour le transformer de l'intérieur.
Principes :
- Mouvement : Utilisation alternative du droit au sein même du système juridique étatique positivé.
- Objectif : Affirmation des exigences des classes populaires, conquête de l'espace public et transformation de l'État en agent de régulation des revendications populaires.
- Acteurs Clés : Avocats engagés.
- Méthode : Exploitation des lacunes, ambiguïtés et contradictions du droit positif par des interprètes qualifiés (juges, avocats).
- Cadre : Action au sein de la législation existante, soumise aux règles fondées sur d'autres lois.
- Exemple : Constitution Fédérale brésilienne de 1988 (CF/88), art. 226, reconnaissant l'union stable entre homme et femme comme entité familiale, formalisant une réalité sociale.
Notes sur le Modèle de Transformation :
L'alternative émane ici de l'État lui-même. Au sein du système juridique étatique, un mouvement, souvent mené par des avocats, cherche à subvertir l'ordre traditionnel. Le système juridique moderne, caractérisé par la primauté du droit étatique et la séparation des pouvoirs, est ici le terrain d'action.
Les acteurs de ce mouvement (avocats, juges) sont à la pointe de la transformation, répondant à des demandes que la société adresse au pouvoir judiciaire, souvent issues des classes défavorisées. Il s'agit de formaliser et de positiver des exigences sociales, non pas par le législateur (vision classique), mais au sein du système déjà positivé, par la magistrature qui le subvertit. Cela souligne le rôle créateur du pouvoir judiciaire, qui positive ce qui est socialement perçu et vécu comme un droit.
Ce mouvement articule le social (ses exigences) et l'étatique (la justice). La société présente ses revendications à la justice, qui les formalise via une utilisation alternative du droit. La solution n'est pas parallèle mais intégrée au droit étatique. Le droit existant est reconnu mais transformé par les acteurs du système.
L'exemple de l'art. 226 CF/88 illustre la réglementation d'une situation (l'union stable) en fonction de l'expérience historique et sociale brésilienne, reflétant une nouvelle vision de la famille. Le monde change, et la Constitution, même en termes généraux, reflète ce changement. Avant qu'un droit ne soit formellement positivé par le législateur, sa reconnaissance peut émerger politiquement ou jurisprudentiellement.
Même si la loi est ambiguë ou silencieuse, le juge doit statuer (principe du non liquet). Face à une lacune (absence de norme pour un fait donné), le juge ne peut refuser de juger. Il doit produire la norme nécessaire, par exemple par analogie. L'analogie permet de créer une nouvelle règle en se basant sur une norme existante pour un cas similaire. Le droit positif peut ainsi être utilisé de manière créative là où il n'existe pas de disposition spécifique.
Prenons l'exemple de la lutte pour les droits des femmes au Brésil. Un courant au sein de la justice reconnaît les lois existantes pour la femme mariée (partage des biens, pension, etc.). Ce même courant constate l'absence de loi spécifique pour la femme en union stable. D'un côté, une loi existe ; de l'autre, un fait social n'est pas encadré par la loi, créant une lacune. Le juge, tenu de décider, ne peut se fonder sur l'inexistence du droit. Il doit créer la norme manquante, souvent par analogie avec les règles applicables à la femme mariée, utilisant ainsi le droit positif de manière alternative pour combler un vide législatif.