Analyse de la Descente des Révoltés dans "La Fortune des Rougon" de Zola

Classé dans Langue et de philologie

Écrit le en français avec une taille de 4,85 KB

Introduction : Le Contexte de "La Fortune des Rougon"

La Fortune des Rougon est un roman d'Émile Zola qui ouvre le cycle des Rougon-Macquart. La vie de cette famille va être bouleversée par la Révolution de 1848 survenue à Paris. En effet, les Rougon vont devenir animateurs du mouvement conservateur qui s’installe à Plassans. Puis, Eugène, qui a espionné pour le compte des bonapartistes, fait adhérer ses parents à la cause napoléonienne avant le coup d’État du 2 décembre 1851. Ainsi commence sa fortune.

Cet extrait relate la descente des révoltés républicains vers Plassans, ville de province que l’on assimile souvent à Aix-en-Provence où Zola a passé son enfance. Il s’agit de la description romanesque d’une bande de révoltés provençaux républicains. Zola semble y abandonner ses vues naturalistes en magnifiant la relation de faits historiques mineurs en un tableau fantastique et épique. Il s’agit donc d’abord de l’évocation d’une scène nocturne propice aux illusions. Zola passe insensiblement à une vision épique en développant la métaphore d’un cours d’eau torrentueux pour finir sur les accents guerriers d’une Marseillaise, symbole de cette révolte.

Développement : L'Évolution de la Représentation des Insurgés

A – Une Scène Nocturne Propice aux Illusions

Zola évoque une scène nocturne d’hiver à peine éclairée par « les bleuâtres clartés de la lune », parsemée de « trou[s] de ténèbres » qui pourraient cacher des hommes. « La bande » n’est perceptible que comme d’indistinctes « masses noires ». De plus, comme le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte a eu lieu le 2 décembre, nous avons un repère temporel qui explique « la paix morte et glacée de l’horizon » et « la campagne endormie ». Cette atmosphère nocturne et funèbre permet à l’esprit effrayé d’assister à un spectacle fantastique.

Zola produit donc une scène onirique par des grossissements successifs. Nous notons l’invasion du paysage par « de nouvelles masses noires » inquiétantes, « qui semblaient ne pas devoir s’épuiser », comme dans un cauchemar où l’esprit assiste impuissant et fasciné à la projection de ses peurs. Ainsi que dans la plupart des scènes d’angoisse, la lune diffuse sur l’eau « de mystérieux reflets d’étain fondu » ; le paysage laisse échapper « des voix humaines », « un peuple invisible et innombrable ».

Sous la plume de Zola, la nature devient anthropomorphique : à plusieurs reprises nous pouvons noter des personnifications. Les « rochers », les « pièces de terre labourées », les « prairies », les « bouquets d’arbres », les « moindres broussailles », laissent « sortir des voix humaines » si bien que « la campagne » tout entière « cri[e] vengeance et liberté. »

B – La Métaphore du Cours d’Eau pour Rendre la Force Collective

Il semble pourtant que Zola ne veuille pas laisser son lecteur sur cette impression d’effroi instinctif. Il ne veut pas rendre la force des insurgés repoussante : elle est simplement le résultat d’un phénomène naturel. Les masses s’organisent, la « bande » devient « bataillons », mais surtout la « route » se transforme en « fleuve ».

Pour rendre compte de la force des révoltés, Zola utilise le rassemblement des petits ruisseaux. Les groupes sont collectés pour devenir un « torrent » qui grossit, « roul[e] des flots vivants », dévale la pente vers la ville en contrebas. La métaphore veut rendre compte de l’« élan superbe, irrésistible ». Les insurgés sont un cataclysme impressionnant. La référence est d’autant plus juste que le climat méditerranéen est connu pour ses torrents dévastateurs qui ravinent brusquement les terres arides en hiver.

Ce grossissement impétueux est rendu par un allongement des phrases de la première à l’antépénultième. Ainsi Zola associe-t-il la révolte des hommes aux événements naturels perturbateurs. Il va même plus loin en réveillant la nature endormie dans la mort hivernale par un printemps anticipé. Cet anachronisme renforce l’insupportable injustice, et la juste colère du peuple.

C – La Marseillaise : Condensation de l’Âme de la Révolte

Plus qu’aux éléments visuels, Zola va donner de l’importance aux sons. Ce qui rend particulièrement terrifiant le groupe en marche, c’est le bruit qu’il produit. De tous temps, les armées lancées à l’assaut ont cherché à se donner du courage et à paralyser leur ennemi par les coups, les sonneries et les hurlements. Les révoltés reproduisent instinctivement ces comportements guerriers.

De même qu’au début, les groupes étaient épars avant de se regrouper en une masse compacte, de même « les chants » du début sont disparates, puis vont « enfl[er] ».

Entrées associées :