L'Apologie de Socrate : Défense, Procès et Sagesse
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Introduction à l'Apologie de Socrate
La philosophie exposée dans l'Apologie de Platon est entièrement composée d'un aveu honnête de l'ignorance, car toute la sagesse de Socrate découle de la reconnaissance de son ignorance, résumée par la célèbre phrase : « Je sais que je ne sais rien. » Socrate demande au jury de ne pas le juger sur la forme de ses paroles, mais sur la vérité qu'elles révèlent. Il déclare qu'il s'exprimera simplement, avec les mêmes mots qu'il utilise dans les assemblées et les réunions publiques, sans artifice rhétorique. Pourtant, il se révèle être un maître de la rhétorique, non seulement éloquent et persuasif, mais aussi capable de jouer avec le jury.
Les Accusateurs de Socrate
Les trois hommes qui accusent Socrate sont :
- Anytus : Fils d'un éminent Athénien, Anytus apparaît également dans le dialogue platonicien Ménon. Il y intervient de manière inattendue alors que Socrate et Ménon discutent de la possibilité d'enseigner la vertu. Socrate soutient, preuves à l'appui, que de nombreux Athéniens ont eu des enfants moins vertueux que leurs parents. Anytus est offensé et avertit Socrate que dénigrer de telles personnes lui causera des problèmes.
- Meletus : Meletus est le seul des trois accusateurs à prendre la parole durant la défense de Socrate. Il présente ses charges, auxquelles Socrate répond. Meletus accuse Socrate d'athéisme et de corruption de la jeunesse à travers ses enseignements.
- Lycon : On sait peu de choses de Lycon, mais selon Socrate, il était le représentant des orateurs.
La Stratégie de Défense de Socrate
Socrate commence par dire au jury que leurs esprits ont été empoisonnés par ses ennemis alors qu'ils étaient jeunes et impressionnables, et que sa réputation de sophisme a été imposée par ces ennemis, qu'il décrit comme méchants et jaloux. Il précise cependant qu'ils resteront anonymes.
Socrate déclare qu'il doit réfuter deux types d'accusations différentes :
- Les anciennes accusations : celles selon lesquelles il serait un criminel curieux qui enquête sur les phénomènes célestes et terrestres.
- Les accusations légales plus récentes : celles de corrompre la jeunesse et de croire en des choses surnaturelles de sa propre invention, plutôt qu'aux dieux de la vieille polis.
Les Anciennes Accusations : Rumeurs et Préjugés
Ces anciennes accusations, dit-il, sont le résultat d'années de rumeurs et de préjugés, et ne peuvent donc pas être facilement réfutées. Socrate donne une forme juridique à ces « accusations informelles » en les formulant ainsi : « Socrate commet un crime en enquêtant sur les phénomènes célestes et souterrains, car, disent-ils, il rend l'argument le plus faible le plus fort, il instruit les autres, et il ne croit pas aux dieux, c'est-à-dire qu'il est athée. » Il ajoute que ces allégations sont nées de la bouche d'un poète comique, à savoir Aristophane.
Socrate et les Sophistes
La défense passionnée de Socrate contre l'accusation de sophisme n'est rien de plus qu'une distraction des accusations les plus graves. En effet, les sophistes n'étaient pas condamnés à mort en Grèce ; au contraire, ils étaient souvent recherchés par les parents pour l'éducation de leurs enfants. Socrate affirme qu'il ne peut être confondu avec un sophiste, car ces derniers sont sages (ou se croient tels) et sont bien rémunérés, alors que lui est pauvre et déclare ne rien savoir.
L'Oracle de Delphes et la Mission de Socrate
Socrate explique que tous ses problèmes ont commencé avec une visite à l'oracle de Delphes. Son ami Chéréphon s'y est rendu pour demander si quelqu'un était plus sage que Socrate, et le dieu a répondu que non. Lorsque Chéréphon en a parlé à Socrate, celui-ci a pris cela comme une énigme, car il prétendait n'avoir ni grande ni petite sagesse, mais il savait qu'il était contraire à la nature des dieux de mentir.
Socrate entreprend alors de résoudre ce paradoxe (comment l'ignorant pourrait-il être la personne la plus sage de la ville ?) et tente de montrer que l'oracle ne s'est pas trompé. Après avoir proclamé la parole de l'oracle, il procède à interroger systématiquement les politiciens, les poètes et les artisans. Il détermine finalement que :
- Les politiciens sont des imposteurs.
- Les poètes ne comprenaient pas leurs propres œuvres aussi bien que les visionnaires et les prophètes ne comprenaient pas leurs visions.
- Les artisans n'étaient pas épargnés par la prétention.
Socrate dit que ces interrogations lui ont valu une réputation de bavard ou de curieux, mais c'est de là qu'il tire sa mission de vie : prouver que la vraie sagesse appartient exclusivement aux dieux, et que la sagesse humaine a peu ou pas de valeur.
Réfutation des Accusations Formelles
Corruption de la Jeunesse
La première accusation à laquelle Socrate répond est celle de Meletus concernant la corruption de la jeunesse. Lors de son interrogatoire, Socrate soutient que personne ne corrompt intentionnellement autrui, car cela risquerait de lui nuire à l'avenir. La charge la plus grave dont il est accusé semble être la corruption de la jeunesse par l'enseignement d'une forme d'athéisme. Socrate affirme que si Meletus est convaincu de cette corruption, c'est peut-être parce que les pièces d'Aristophane ont influencé l'esprit de son auditoire quand il était jeune.
Socrate prétend n'avoir jamais été un enseignant au sens traditionnel, car il n'a pas « imprimé » ses connaissances aux autres. Pour cette raison, il ne pouvait être coupable de ce dont les autres citoyens l'accusaient. Il demande : si quelqu'un a été corrompu, pourquoi ne témoigne-t-il pas ? S'ils ont été lésés, pourquoi leur famille n'est-elle pas intervenue en leur nom ? De nombreuses familles de ces jeunes gens assistent d'ailleurs au procès pour la défense de Socrate.
Accusation d'Athéisme
Socrate se défend ensuite contre l'accusation d'athéisme. Il procède à réfuter cette charge en interrogeant Meletus jusqu'à ce que ce dernier se contredise, affirmant que Socrate est à la fois athée et qu'il croit en des demi-dieux et des esprits. Socrate humilie ainsi Meletus.
Pour conclure cette partie, Socrate rappelle aux jurés qu'il ne fera pas appel aux astuces communes de pleurs pour les émouvoir et obtenir leur compassion.
La Valeur de Socrate pour Athènes
Dans l'une des parties les plus controversées de l'œuvre, Socrate affirme qu'il a fait plus de bien à Athènes que son intérêt pour ses concitoyens, que la richesse est une conséquence de la bonté, et que les dieux ne permettent pas qu'un homme bon soit lésé par un homme pire que lui.
Le Verdict et la Peine
Après avoir été reconnu coupable, Socrate propose comme peine une amende d'une mine d'argent (100 drachmes), n'ayant pas les moyens de payer plus. Ses amis se proposent d'augmenter ce montant à 30 mines. Cependant, l'alternative de peine proposée par Socrate, perçue comme une provocation, irrite le jury.
Le jury, considérant cette somme comme dérisoire comparativement à la peine de mort proposée par l'accusation, opte pour la peine capitale. 360 jurés votent pour la peine de mort par la ciguë, et seulement 141 votent pour l'amende de 3 000 drachmes.
Socrate déclare que la mort doit être une aubaine, soit :
- L'anéantissement, apportant la paix à tous ses soucis.
- Une migration vers un autre lieu où les âmes des gens célèbres qu'il connaît pourront poursuivre leurs travaux d'interrogation.
Les Derniers Mots de Socrate
L'Apologie de Socrate se conclut par l'affirmation qu'il n'a aucune rancune contre ceux qui l'ont accusé et condamné. Dans un acte de confiance totale, il demande de prendre soin de ses trois fils à mesure qu'ils grandissent, en veillant à ce qu'ils progressent dans leurs propres intérêts.
À la fin, Socrate prononce ses célèbres dernières paroles : « Il est temps pour moi de mourir, et pour vous de vivre. Qui de nous aura le meilleur sort ? Nul ne le sait, sauf les dieux. »