Art Gothique et Roman : Architecture, Histoire et Symboles

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L'Art Gothique

Origine du terme

Le concept d'« art gothique » a été initialement utilisé par Giorgio Vasari de manière péjorative, le qualifiant d'art barbare (en référence aux Goths).

Au XIIIe siècle, le terme a été étendu pour devenir un concept historique. Plus tard, au XIXe siècle, l'art gothique a incarné l'idéal des romantiques allemands.

La notion de « néo-gothique » (ou Gothic Revival) désigne les tentatives de construire des bâtiments dans le style des siècles précédents.

Contexte et développement

L'art gothique émerge en France entre le XIIe et le XIIIe siècle. Il se caractérise par un amour intense de la nature, perçue comme un reflet de la création divine. Son essor a été soutenu par les grands commanditaires de l'époque.

Historiquement, son développement coïncide avec la consolidation des villes et l'importance des pèlerinages. De nombreux ordres religieux, comme les Franciscains et les Dominicains, ne sont plus isolés mais deviennent des ordres prêcheurs, attirant les fidèles dans les églises urbaines.

L'église gothique est conçue pour les grands centres urbains. Ses origines sont liées à la figure du « religieux mendiant » et à l'idéal de pauvreté prôné par ces nouveaux ordres.

L'art gothique est influencé par les pouvoirs politiques (pape, empereur) et des événements sociaux majeurs comme la Peste noire de 1348. Des changements sociaux importants marquent cette période :

  • La bourgeoisie, libérée de la tutelle des seigneurs féodaux, acquiert un pouvoir économique et contribue aux grands chantiers pour asseoir son prestige social.
  • Un changement culturel majeur est la création des universités.

L'Architecture Gothique

Pour répondre aux nouveaux besoins spirituels et sociaux, l'architecture a dû évoluer vers une plus grande majesté.

Éléments techniques clés

Techniquement, les éléments les plus caractéristiques du style gothique sont l'arc brisé et la voûte sur croisée d'ogives.

Un nouveau système structurel est mis en place, basé sur le plan en croix latine. L'utilisation d'un système de poussées et de contrebutements (arcs-boutants et contreforts) permet de se passer des murs porteurs épais de l'époque romane. Le poids des voûtes est concentré sur des piliers, ce qui libère les murs et permet l'intégration de grandes verrières.

La structure est articulée grâce à la croisée d'ogives, qui répartit le poids de la voûte sur quatre points d'appui. L'arc brisé connaîtra des évolutions au cours de la période gothique : équilatéral, en lancette, etc.

Les voûtes les plus courantes sont la voûte quadripartite et la voûte sexpartite. Au XVe siècle, des voûtes plus complexes apparaissent, comme la voûte à liernes et tiercerons, créant des réseaux complexes semblables à des toiles d'araignée.

Le système de voûtes et d'arcades repose sur des piliers auxquels sont adossées des demi-colonnes de plus en plus nombreuses. Cela confère aux cathédrales gothiques une impression de légèreté et de dynamisme. Le transept reste saillant, mais souvent moins que dans l'art roman.

Le chevet voit le nombre de chapelles augmenter dans le déambulatoire et les bas-côtés. Les grandes fenêtres laissent pénétrer la lumière, créant une atmosphère aérienne et divine.

Arts plastiques et peinture

Les arts plastiques se développent principalement à travers les vitraux, qui illustrent des thèmes bibliques et des vies de saints. La peinture sur panneau ou fresque se manifeste surtout en Italie et en Flandre à partir du XIIIe siècle, avec des artistes naturalistes comme Duccio et Giotto.

Le Gothique International

Aux XIVe et XVe siècles se développe le Gothique International, un style caractérisé par un goût courtois, des formes stylisées et des thèmes religieux raffinés.

Le Gothique en Europe

En Allemagne

L'architecture gothique allemande apparaît dans le deuxième tiers du XIIIe siècle.

La cathédrale de Cologne

La cathédrale de Cologne (commencée au XIIIe siècle) adopte le modèle français en termes de hauteur et d'élancement, accentuant la verticalité. Elle se compose de cinq nefs et d'un chevet avec déambulatoire. La nef centrale est plus haute que les bas-côtés. Les rosaces sont surmontées d'arcs en ogive et la façade est de type harmonique (en H).

La structure présente de nombreux faisceaux de colonnettes qui s'élancent verticalement, et l'ensemble du mur extérieur est richement décoré de gâbles et de pinacles.

En Angleterre

Le gothique anglais se caractérise par une tendance à la hauteur et une utilisation précoce de voûtes complexes.

L'influence française est notable, malgré un certain isolement stylistique.

L'architecture gothique anglaise adopte un plan allongé à trois ou cinq nefs, souvent avec deux transepts qui rompent la longueur de l'édifice. Une tour est parfois placée à la croisée du transept principal. Le chevet est généralement plat (sans déambulatoire).

La cathédrale de Salisbury

La cathédrale de Salisbury (XIIIe siècle) est un exemple majeur du premier gothique anglais (Early English). Dominée par des lignes horizontales, elle est surmontée d'une immense tour-lanterne à la croisée du transept. Sa façade-écran (plus large que la nef) comporte trois portails. À l'intérieur, la couverture est une simple voûte quadripartite. Les éléments décoratifs y sont relativement sobres.

En Italie

En Italie, où la tradition romaine est restée forte, le style gothique a eu une acceptation limitée. Les aspects techniques et décoratifs ont été adoptés, mais l'élan vertical caractéristique du gothique français n'a jamais été pleinement recherché.

L'architecture gothique italienne s'est surtout développée via les ordres mendiants (Franciscains, Dominicains). Ils ont adopté un type d'église simple, avec une ou deux nefs, un chevet en pierre couvert d'une voûte simple, mais préféraient souvent une charpente en bois pour la nef, ce qui permettait des supports plus légers.

La cathédrale de Sienne

La cathédrale de Sienne (XIIIe siècle) illustre bien ces particularités. La hauteur y est moins importante, et elle utilise des matériaux classiques comme le marbre polychrome. Les portails de la façade mêlent arcs en plein cintre et arcs brisés. La rosace est très grande, mais les fenêtres des nefs sont plus petites, conformément à une structure plus classique et moins ajourée.

L'Art Roman

Contexte Historique

Le style dit « roman » s'est développé principalement en Europe entre le Xe et le XIIe siècle.

Deux foyers principaux ont vu naître les premières formes de l'art roman : l'Italie du Nord et la Bourgogne française (avec le monastère de Cluny). Les variations régionales s'expliquent par le morcellement politique du monde féodal et une économie agraire. Dans ce contexte rural, l'église et le monastère sont les édifices les plus importants.

L'amélioration des communications, du commerce et de l'artisanat favorise la diffusion de nouveaux concepts artistiques.

Les Pèlerinages

À partir de la seconde moitié du Xe siècle, l'Europe connaît un renouveau. Certains monastères, possédant d'importantes reliques, deviennent des centres de pèlerinage majeurs, attirant foules, prestige et richesses. Les principales destinations sont Rome, Jérusalem et Saint-Jacques-de-Compostelle.

Le long de ces routes, les édifices partagent des éléments communs, ce qui a valu à l'art roman le surnom d'« art des routes de pèlerinage ». Ce flux a contribué à la diffusion de la culture et à la renaissance urbaine, avec pour objectif principal le salut de l'âme des pèlerins.

La Société Féodale

L'art roman est la manifestation artistique de la société féodale, dominée par la noblesse et l'Église. La terre étant la source de toute richesse et de tout pouvoir, les nobles et les moines sont les commanditaires quasi exclusifs des artistes.

  • Le monastère est construit au cœur des domaines agricoles.
  • La cathédrale devient le symbole de la ville renaissante.
  • De nombreux moines sont également des maîtres d'œuvre.
  • Le château fort est la demeure du seigneur. Ce sont des constructions solides avec des tours, des palissades et des fossés.

Ces édifices sont construits pour des raisons de prestige politique, afin de manifester le pouvoir de leurs commanditaires.

L'Architecture Romane

Les débuts de ce style sont étroitement liés à l'influence de l'abbaye de Cluny.

Cette influence se propage à travers l'Europe via les routes de pèlerinage, transmise par les moines qui sont souvent les architectes de l'époque. L'art roman devient ainsi un style international.

Organisation et symbolisme de l'église

Le monument principal est l'église, un édifice chargé de symbolisme. Elle est souvent construite à l'image du corps humain :

  • L'autel dans le chevet (la tête)
  • Le transept (les bras)
  • La nef (le torse et les jambes)
  • Les tours à la façade (les pieds)

L'église symbolise également le passage du terrestre au céleste. La nef longitudinale guide les fidèles vers l'autel. Le transept et la coupole de la croisée représentent un espace de transition, l'union entre le monde terrestre et le monde céleste. La lumière, filtrée, purifie et rapproche du divin dans l'abside.

Les fondations symbolisent le Christ, tandis que le monde souterrain représente le mal.

Structure et éléments architecturaux

Le plan dominant est la croix latine, avec une nef longitudinale et un transept, mais des plans en croix grecque existent également.

Le chevet se termine par des absides semi-circulaires. Des chapelles rayonnantes peuvent être greffées sur le transept ou sur un déambulatoire entourant l'abside principale (comme à Saint-Jacques-de-Compostelle).

À l'extérieur, l'édifice se présente comme un assemblage de volumes géométriques clairs.

À la croisée du transept, on trouve souvent une coupole sur trompes ou sur pendentifs, surmontée d'une tour-lanterne appelée dôme.

La façade est souvent flanquée de deux tours.

Un vestibule, appelé narthex, peut précéder la nef. S'il est ouvert, on parle d'atrium.

Dans les monastères, un cloître, galerie couverte soutenue par des arcs et des colonnes, entoure une cour centrale.

La couverture la plus courante est la voûte en berceau, renforcée par des arcs doubleaux qui reposent sur des piliers cruciformes.

Les bas-côtés sont souvent couverts de voûtes d'arêtes (croisement de deux voûtes en berceau).

Les absides sont couvertes par une voûte en cul-de-four (quart de sphère).

Ces couvertures lourdes sont soutenues par des murs épais, des colonnes et des piliers. Les chapiteaux des colonnes, souvent disproportionnés, sont sculptés de motifs géométriques, de personnages ou d'animaux et ont généralement la forme d'une pyramide tronquée inversée.

Les murs sont faits de pierres de taille bien appareillées. Les fenêtres, ou baies, sont petites et couvertes d'arcs en plein cintre pour ne pas affaiblir la structure.

Les portails sont décorés d'archivoltes (arcs concentriques). Le tympan est couvert de bas-reliefs. Si le portail est large, un pilier central, le trumeau, soutient le linteau.

Les corniches sous les toits sont souvent décorées de modillons sculptés (motifs végétaux, géométriques, têtes d'animaux, etc.).

Les églises de pèlerinage

La France et l'Italie exercent une forte influence qui étend le style à toute l'Europe. Sa diffusion suit les chemins de pèlerinage, notamment vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Les églises de pèlerinage, comme Sainte-Foy de Conques, sont de grandes dimensions, avec un plan conçu pour accueillir les foules et manifester la puissance d'une Église triomphante.

L'Art Roman en Espagne

Zone des Pyrénées catalanes

Cette région subit l'influence du sud de la France et de l'Italie. Le premier art roman catalan se caractérise par des murs épais et des décorations d'arcatures lombardes.

Zone castillane-léonaise

Cette zone est influencée par la Bourgogne française (Cluny) et présente un style plus évolué.

Les principales églises de pèlerinage en Espagne sont la cathédrale de Jaca, San Martín de Frómista, San Isidoro de León et Saint-Jacques-de-Compostelle.

La cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle (1075-1140)

La basilique de Compostelle est le chef-d'œuvre de l'art roman espagnol.

L'évêque Diego Peláez a initié sa construction avec l'ambition de surpasser les grandes églises françaises.

Selon le Codex Calixtinus, le maître d'œuvre Bernard l'Ancien a commencé les travaux par le chevet et le déambulatoire.

Le maître Esteban a ensuite achevé le transept.

Son plan est en croix latine avec trois nefs, un large transept également à trois nefs, un déambulatoire et des chapelles rayonnantes. La nef centrale est couverte d'une voûte en berceau, tandis que les bas-côtés sont surmontés de tribunes couvertes par des demi-berceaux.

L'édifice est conçu pour permettre aux pèlerins de circuler et de vénérer la tombe du saint.

Les tribunes sont vastes et parcourent l'ensemble du bâtiment, au-dessus des bas-côtés.

C'est une organisation très fonctionnelle qui concilie la circulation des foules avec la célébration des offices.

Elle présente des innovations pour l'époque, comme de grandes fenêtres, des contreforts robustes et des influences islamiques (arcs polylobés ou outrepassés).

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