La Chose Jugée en Droit Chilien

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La Chose Jugée en Droit Chilien

1. Concept

La doctrine de la chose jugée est l'effet produit par une décision de justice, finale ou interlocutoire, en vertu de laquelle la question tranchée ne peut plus être rediscutée entre les parties. Cet effet ne s'applique pas à toutes les décisions judiciaires, mais seulement aux jugements définitifs et aux ordonnances interlocutoires fermes. Les décisions relatives à l'exécution des jugements n'ont pas non plus cet effet.

Le fondement de la chose jugée réside dans la nécessité de donner un terme aux litiges et d'assurer la stabilité des situations juridiques. Il repose sur le principe de sécurité juridique et vise à éviter les décisions contradictoires.

2. Caractéristiques

a. Chef

L'article 177 du Code de Procédure Civile (CPC) dispose que la chose jugée ne peut être invoquée que par la partie qui a obtenu gain de cause et par ceux qui bénéficient légalement de la décision. Elle peut donc être opposée par la partie gagnante comme par la partie perdante.

b. Responsabilité

Si la partie ne soulève pas l'exception de chose jugée, il est entendu qu'elle y renonce et le tribunal ne peut la déclarer d'office.

c. Relativité

La présomption de vérité attachée à la chose jugée ne s'applique qu'aux parties au procès. L'effet de la chose jugée est relatif, conformément à l'article 31, alinéa 21 du Code Civil (CC). Il existe cependant des cas de chose jugée absolue, qui s'applique à tous (articles 315, 1246 et 2513 CC), mais ce sont des exceptions.

d. Irrévocabilité

Les décisions de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée sont en principe irrévocables. Ni les tribunaux ni le législateur ne peuvent modifier la situation juridique ainsi établie. Il existe toutefois des exceptions :

  • Litiges non contentieux : Les actes judiciaires non contentieux sont révocables et ne produisent donc pas la chose jugée.
  • Procès de bail : Conformément à l'article 615 CPC, les jugements rendus en matière de bail n'empêchent pas l'exercice d'actions ordinaires sur les mêmes questions.
  • Jugement exécutoire : Selon l'article 478 CPC, le jugement exécutoire produit les effets de la chose jugée en matière civile, sauf réserve de droits ou d'exceptions, qui peuvent être rediscutées au fond.

3. Exigences de la Chose Jugée

Selon l'article 177 CPC, la chose jugée ne peut être invoquée que si la nouvelle demande et la demande antérieure présentent une triple identité :

a. Identité des Personnes

Le demandeur et le défendeur doivent être les mêmes entités juridiques dans les deux procès. L'identité physique n'est pas requise, seule l'identité juridique compte. Des questions importantes se posent :

  • Successeur à titre singulier : Si le successeur a acquis le droit après que la décision soit devenue définitive, la chose jugée lui est opposable, mais pas s'il l'a acquis avant.
  • Co-créanciers solidaires : Le débiteur peut opposer la chose jugée à un co-créancier sur la base d'un procès intenté par un autre co-créancier.
  • Responsables conjoints et solidaires : Une décision favorable au débiteur sur une exception personnelle n'affecte pas les autres co-débiteurs. S'il s'agit d'une exception commune, la chose jugée ne produit pas d'effet sur les autres co-débiteurs.
  • Co-créanciers ou co-débiteurs d'une obligation indivisible : L'échec de l'action à l'égard de l'un affecte les autres.

b. Identité de la Chose Demandée

Il y a identité de chose demandée lorsque la prestation juridique réclamée dans le nouveau procès est la même que celle réclamée dans le procès précédent. C'est la matérialité de l'objet revendiqué qui compte, et non la qualification juridique.

c. Identité de la Cause de la Demande

La cause de la demande est le fondement juridique immédiat de l'action (article 177 CPC). Il faut distinguer la cause immédiate de la cause lointaine. La jurisprudence chilienne n'a pas tranché la question de savoir laquelle des deux doit être prise en compte pour l'identité de la cause.

4. Manières d'Invoquer la Chose Jugée

La chose jugée peut être invoquée de plusieurs manières :

  • Par action (articles 175 et 176 CPC)
  • Comme exception dilatoire (article 304 CPC)
  • Comme fin de non-recevoir (articles 309 et 310 CPC)
  • Comme fondement d'un appel
  • Comme motif d'un appel extraordinaire en la forme (article 768 CPC n°6)
  • Comme motif d'un recours en cassation au fond
  • Comme base de recours en révision (article 810 CPC n°4)

5. Effets des Jugements Répressifs en Matière Civile

Les actions civiles nées d'une infraction peuvent être exercées séparément, sauf l'action récursoire (article 511 et 171 CPC). L'action civile peut être suspendue jusqu'à la fin de la procédure pénale (article 50, alinéa 20 et article 167 CPC).

a. Cas de Condamnation

La condamnation pénale produit toujours la chose jugée en matière civile (articles 178 CPC et 13 CPP). Le tribunal civil ne peut examiner des preuves ou des arguments incompatibles avec la décision pénale (article 180 CPC).

b. Cas d'Acquittement ou de Rejet

En règle générale, l'acquittement ou le rejet ne produit pas la chose jugée en matière civile (article 179, alinéa 10 CPC). Il existe des exceptions :

  • Non-existence du crime ou du délit : La chose jugée se produit si la décision est fondée sur la non-existence des faits ou sur leur caractère accidentel.
  • Absence de lien entre le fait et le défendeur : Cette exception n'est pas absolue, car la responsabilité du fait d'autrui peut subsister.
  • Absence de preuve contre le défendeur : La chose jugée peut être invoquée, mais seulement par ceux qui ont participé au procès pénal.

6. Effets des Jugements Civils en Matière Pénale

a. Règle Générale

Les jugements civils ne produisent pas la chose jugée en matière pénale (article 14, alinéa 2 CPP).

b. Exceptions

  • L'action civile résultant d'une infraction privée est éteinte par l'exercice de l'action publique.
  • Aucune action civile ne peut être intentée si la question a déjà été tranchée par un tribunal civil.
  • Le juge pénal doit se conformer aux décisions des tribunaux civils sur les questions civiles relevant de sa compétence.

7. La Chose Jugée des Décisions Étrangères

a. Exequatur

L'exequatur est nécessaire pour l'exécution des décisions étrangères (articles 242 à 245 CPC). Il est accordé en vertu de traités internationaux, du principe de réciprocité, ou si la décision répond à certaines conditions.

b. Chose Jugée

Les jugements étrangers produisent la chose jugée au Chili, mais la question de savoir si l'exequatur est requis est débattue. L'opinion majoritaire tend à l'exiger.

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