La compétence universelle en droit international : entre efficacité et souveraineté
Classified in Droit et jurisprudence
Written at on français with a size of 13,16 KB.
Séance 7 : La compétence universelle
Nuria Bou López
« Pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la compétence universelle constitue un outil central pour assurer la prévention et garantir la répression de violations graves du droit international humanitaire… » (Assemblée Générale, Sixième Commission, 20 octobre 2015).
Le présent texte est le rapport Joinet de l’ONU, concrètement du CDH, du 2 octobre 1997, qui traite de l’impunité. Le principe 22 se trouve intégré dans la partie B qui porte sur la répartition de la compétence entre les juridictions nationales, étrangères et internationales.
Il évoque la possibilité pour les États d’agir, en cas de crime grave qui n’est pas commis sur leur territoire mais en dehors, à travers la dite clause de compétence universelle. Actuellement, il existe encore un fort débat sur l’application de ce principe dans la majorité des États, et en réalité la plupart des États ne l’appliquent pas dans le sens originel de cette clause.
La problématique du texte se concentre surtout sur la convergence de la souveraineté d’un État avec la clause de compétence universelle, c’est-à-dire une compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes, comme principe qui devrait régir la société internationale. Il faut bien comprendre le rôle que jouent les États et la compétence qu’ils ont par rapport à des crimes, considérés comme graves par le droit international, qui n’ont aucune relation avec leur territoire ou leur population. Il s’agit ici de voir si cette clause de compétence universelle devient ou non une sorte de principe de justice universelle.
Concernant le plan, nous allons premièrement aborder la question de la convergence entre une possible clause de compétence universelle et la souveraineté nationale d’un État (I), puis nous aborderons la question de l’intervention d’un État dans une affaire étrangère, sous prétexte de clause de compétence universelle en cas de commission d’un crime grave (II).
I. La convergence entre une possible utilisation de la clause de compétence universelle et la souveraineté nationale d’un État
Il faut bien définir cette clause de compétence universelle pour pouvoir bien comprendre le rôle qu’elle peut jouer dans les relations entre les États et la moralité de l’impunité qui peut se produire si cette clause n’était pas utilisée ou si elle n’existait pas.
A. La compétence universelle comme principe dans un souci d’efficacité de la loi internationale
Classiquement, la compétence d’une juridiction d’un État à l’égard d’un crime est limitée aux principes de territorialité et de personnalité ; ce qui signifie qu’elle ne peut s’exercer que si le crime a été commis sur le territoire de cet État ou si le criminel est l’un de ses ressortissants.
L’expression compétence universelle est vraiment ambiguë. Premièrement, elle évoque l’idée qu’un État s’arroge le droit de juger des crimes commis dans le monde entier, même s’ils ne présentent pas le moindre lien avec son territoire : crimes commis ailleurs, par des criminels qui n’ont pas sa nationalité, sur des victimes qui ne l’ont pas non plus… En réalité, la plupart des États ne la pratiquent pas comme une compétence « universelle » car ils exigent un lien avec leur territoire : la présence du suspect. Ce n’est donc qu’une extension, à des faits commis hors du territoire, de la compétence traditionnelle du tribunal du lieu d’interpellation du suspect.
Concernant la relation qu’il existe entre cette clause de compétence universelle et la souveraineté d’autres États, il faut dire qu’il n’existe pas d’atteinte à cette souveraineté car il ne s’agit pas de donner aux tribunaux nationaux la vocation à enquêter sur tous les crimes de la planète, mais de, lorsque se trouve par exemple en France l’auteur d’un des « crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale » (Statut de Rome), qu’il soit interpellé en vue soit de son extradition, si possible, vers une juridiction mieux à même de le juger, soit de son jugement en France.
Il s’agit d’éviter que les auteurs de faits aussi graves soient libres d’aller et venir en toute impunité sur notre territoire, par exemple si leur pays ne demande pas leur extradition.
D’autre part, en droit international, il est admis que cette extension de compétence ne heurte pas la souveraineté des autres États depuis un arrêt de la Cour permanente internationale de justice rendu en 1927, il s’agit de l’affaire du Lotus.
La communauté internationale veut veiller à une sorte de justice à niveau universel face à des crimes graves qui sont commis.
B. La compétence universelle comme mesure contre l’impunité
Ce genre de disposition légale sert à empêcher l’impunité de crimes graves, en particulier les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, qui seraient commis dans des régions particulièrement instables dont les habitants, citoyens du monde, ne bénéficieraient pas de protection légale adéquate.
Le passage de la responsabilité de la procédure de l’exécutif vers le judiciaire la neutralise en n’en laissant pas la responsabilité au système politique soumis aux aléas de biais idéologiques. Toutefois, l’exécutif conserve une certaine latitude dans la mise en œuvre de ces procédures.
Les quatre Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles additionnels ont prévu une compétence universelle des juridictions nationales à l’égard des violations graves du droit international humanitaire. Tout État partie à ces conventions est compétent pour juger toute personne présumée coupable d’infractions graves se trouvant sur son territoire quelle que soit la nationalité de cette personne ou le lieu où elle a commis les infractions.
Le règle général est que les clauses de compétence universelle devraient être prévues dans tous les instruments internationaux de droits de l’homme appropriés ; « en ratifiant ces instruments, les États s’engagent, par l’effet d’une telle clause, à rechercher, faire rechercher et poursuivre, en vue de leur jugement ou de leur extradition, les personnes à l’égard desquelles il existe des charges précisées concordantes selon lesquelles elles ont pu violer les principes relatifs aux droits de l’homme prévus par lesdits instruments. Ils ont en conséquence l’obligation de prendre les mesures législatives ou autres de droit interne permettant de rendre effective la mise en œuvre de la clause de compétence universelle. » (Principe 21 du rapport Joinet relative aux mesures destinées à renforcer l’efficacité des clauses conventionnelles de compétence universelle). Selon ce principe, les clauses de compétence universelles demeurent donc une obligation à respecter pour les États dans la lutte contre l’impunité. C’est la ratification qui rend possible l’application de cette clause et pourtant l’accomplissement de l’engagement des États à poursuivre les auteurs des crimes graves de droit international pénal.
C’est donc, en l’absence d’une ratification de ces clauses de compétence universelle, que les États ont donc une compétence extraterritoriale pour poursuivre ces auteurs qui ont commis des violations. Les États ont alors, une compétence extraterritoriale pour pouvoir tout le temps accomplir leur engagement avec la communauté internationale dans la lutte contre l’impunité. On peut dire que c’est une sorte d’exception qui rend possible l’engagement principal que c’est protéger les droits de l’homme contre les violations et punir leurs auteurs.
II. L’intervention d’un État dans une affaire étrangère en cas de commission d’un crime grave
D’abord, nous allons aborder la question de la territorialité de la clause de compétence universelle et ensuite nous verrons l’encadrement des crimes qui peuvent être poursuivis avec une clause de compétence universelle.
Il faut bien comprendre ce qu’un crime grave représente pour le droit international pour pouvoir encadrer cette intervention étatique qui peut se réaliser en cas de commission de ce crime.
A. La notion d’extraterritorialité de la clause de compétence universelle
Selon le texte, les États sont compétents pour intervenir dans une affaire étrangère et ils peuvent prendre des mesures, même de droit interne, pour établir une compétence « extraterritoriale », c’est-à-dire, en dehors de leurs frontières, pour punir des crimes graves selon le droit international. Cela repose sur l’idée que ces crimes « ne relèvent pas seulement du droit pénal interne, mais aussi d’un ordre répressif international auquel la notion des frontières est étrangère ».
Le principe 22 du rapport Joinet déclare cette idée, mais la réalité est bien distincte car les États normalement pour utiliser cette clause de compétence universelle exigent un lien de territorialité.
En France, la compétence extraterritoriale est réglementée par deux dispositions du Code de procédure pénale.
D’une part, l’article 689 prévoit un mécanisme général : « les auteurs ou complices d’infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre Ier du code pénal ou d’un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu’une convention internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l’infraction ».
D’autre part, l’article 689-1 limite cette compétence aux infractions prévues par certaines conventions internationales.
Ainsi, la compétence universelle telle que définie par cette législation peut être mise en œuvre uniquement si l’inculpé se trouve sur le territoire français et uniquement pour les crimes de torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de terrorisme, les infractions relatives à la protection physique des matières nucléaires, celles relatives à la sécurité de la navigation maritime et de l’aviation civile, celles relatives à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne et à la lutte contre la corruption des fonctionnaires européens.
Ne font donc pas partie des infractions pouvant permettre l’application de la compétence universelle, le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
B. Encadrement des crimes dans le droit pénal international qui peuvent conduire à l’utilisation de la clause de compétence universelle
Le « droit international pénal » sert à nommer l’ensemble de règles qui visent à instaurer des mécanismes de répression pénale dans l’ordre international. Il s’agit donc de règles internationales qui visent à prohiber certains comportements, qui attachent à la violation de ces normes des sanctions pénales ou d’ordre punitif et qui prévoient des procédures permettant d’assurer la répression de ces infractions internationalement consacrées.
Selon le texte : « les États peuvent prendre, dans un souci d'efficacité, des mesures dans leur législation interne, pour établir leur compétence extraterritoriale sur les crimes graves selon le droit international ». Donc seulement ce genre de crimes peuvent être punis sous prétexte de clause de compétence universelle, en dehors de ces crimes les États ne sont donc compétents pour prendre aucune mesure.
La compétence universelle est obligatoire aux yeux du droit international, dans une certaine mesure et pour certains crimes seulement. En effet, les pays qui ont adhéré à différentes conventions de protections de droits fondamentaux se retrouvent obligés par ces mêmes conventions de réprimer les crimes les plus graves :
- Les crimes de guerres : rechercher les suspects présents sur le territoire et les poursuivre ou les dénoncer à d'autres juridictions qui les poursuivront sous des charges suffisantes (Convention de Genève, art. commun 49/50/129/146).
- Les crimes contre l'humanité doivent être réprimés là où ils sont commis. L’État du lieu d’arrestation est titulaire de l’obligation d’assurer les poursuites s’il n’extrade pas l’auteur vers un autre État.
- Les crimes de génocide : seuls les États où a eu lieu le génocide doivent poursuivre, les autres États n’ont d’autre obligation que celle d’extrader ces auteurs vers l’État du lieu du crime (article VII de la Convention de Paris pour la prévention et la répression du crime de génocide). La jurisprudence de la Cour internationale de justice ne limite pas l'obligation qu'a ainsi chaque État de prévenir et de réprimer le crime de génocide territorialement.
- Les crimes économique, et écologique, national, transnational et planétaire.