Contrats Électroniques: Réglementation, Formation et Litiges
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Introduction
Comme tout contrat traditionnel, le contrat électronique est soumis aux mêmes conditions de validité, à savoir la réunion de quatre conditions fondamentales: le consentement, la capacité, l’objet et la cause. De plus, les relations qui naissent de l’acte entre contractants ne dérogent pas du cadre des relations résultant d’un acte traditionnel, car l’accord entre parties ne s’éloigne pas du fait d’un transfert de propriété, l’offre d’un produit ou un service donné. Mais le fait que le contrat électronique ressemble en quelque sorte à un acte traditionnel en matière de règles et en matière de relations qui en résultent, ne peut nous permettre de nier sa particularité liée au moyen utilisé qui est l’internet, qui sort de l’habituel et qui est marqué par son caractère universel ou transfrontalier. Ce qui pose autant de problématiques tant sur le plan national qu’international et favorise la multiplication des cas de conflit de lois et de juridictions en matière des litiges susceptibles de naître à l’occasion d’un contrat de commerce électronique contenant des éléments d’extranéité.
Pour mettre les lumières sur ce sujet, on a adopté un plan de trois titres: le premier est consacré à la réglementation du e-commerce au niveau national et international, le deuxième porte sur la formation du contrat électronique et le troisième et dernier titre est dédié à la loi applicable et aux juridictions compétentes.
I. La Réglementation du Commerce Électronique
A. Au Niveau International
La Loi Type sur le Commerce Électronique du 16/12/1996
Le 16 décembre 1996, la Commission des Nations Unies pour le Développement du Commerce International (CNUDCI) a adopté la loi type sur le commerce électronique. Cette loi type est certainement la référence la plus marquée qui a pu organiser et préciser les conditions de formation et d’exécution des contrats de commerce électronique. Elle présente une étape importante dans le processus d’adaptation du droit aux techniques nouvelles de communication.
La Loi Type sur les Signatures Électroniques du 12 Décembre 2001
Le 12 décembre 2001, la CNUDCI a adopté la loi type sur les signatures électroniques afin de donner un cadre réglementaire international à l’utilisation des dites signatures et des moyens d’authentification dans les contrats électroniques du commerce international.
Chacune des deux lois types susdites dispose à la fin de son contenu d’un guide précis et détaillé pour son incorporation dans les lois nationales. Cela s’est ainsi vérifié par la transposition de ces mêmes règles, en partie ou en totalité, dans les lois nationales de plusieurs pays, notamment en Europe et au Canada, ainsi qu’une certaine réadaptation de ses règles et usages dans les lois au Maroc.
La Convention des Nations Unies sur l’Utilisation de Communications Électroniques dans les Contrats Internationaux du 23 Novembre 2005
La convention sur les communications électroniques vise à faciliter l'utilisation des communications électroniques dans le commerce international en garantissant que les contrats conclus et les autres communications échangées par voie électronique ont la même validité et la même force obligatoire que leurs équivalents papiers traditionnels. Cette convention est venue confirmer l’importance et la portée de la signature électronique dans le commerce électronique.
La Directive Européenne n°1999/93 sur la Signature Électronique du 13 Décembre 1999
Celle-ci met en place un cadre juridique harmonisé en matière de signature électronique qui s'articule autour de deux objectifs: la reconnaissance juridique des signatures électroniques et l'établissement d'un cadre juridique pour l'activité des prestataires de services de certification.
La Directive Européenne n° 2000/31/CE sur le Commerce Électronique du 8 Juin 2000
Elle institue au sein du marché intérieur un cadre pour le commerce électronique garantissant la sécurité juridique pour les entreprises et pour les consommateurs. Elle établit des règles harmonisées sur des questions comme les exigences en matière de transparence et d’information imposées aux fournisseurs de services en ligne, les communications commerciales, les contrats par voie électronique ou les limites de la responsabilité des prestataires intermédiaires.
B. Au Niveau National
Le Maroc dispose déjà d’un arsenal juridique pouvant encadrer le e-commerce, on peut citer:
- Le DOC (droit des contrats, droit des biens, droit de la responsabilité civile);
- Le code de la famille qui régit la capacité des contractants;
- Le code de commerce;
- Loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle;
- Loi n°2-00 relative aux droits d’auteur et droits voisins;
- Loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence;
- Loi n°07-03 complétant le code pénal, relative à l’atteinte aux systèmes de traitement automatisé des données du 11 Novembre 2003;
- La loi n°24-96 relative à la poste et aux télécommunications du 7 août 1997, qui a introduit la concurrence dans le secteur de télécommunication (suite à la libéralisation du secteur et la privatisation du de l’opérateur historique) et la création de l’ANRT qui est un établissement public visant à réguler les télécommunications;
- Loi n°31-08 relative à la protection des consommateurs (loi qui offre aux consommateurs le droit d’information et droit de rétractation).
En plus de ce dispositif juridique, le Maroc, afin d’harmoniser ses lois avec les normes internationales régissant le commerce électronique et surtout avec celles de son partenaire européen, a promulgué, en 2007 et en 2009, deux lois phares en la matière, il s’agit de la loi n° 53-05 relative à l'échange électronique des données juridiques et la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel.
La Loi n° 53-05 Relative à l'Échange Électronique des Données Juridiques
La loi susmentionnée a pour objectif de consacrer la force probante de l’écrit électronique à l’équivalence de l’écrit sur support papier, la reconnaissance juridique de la signature électronique. Elle détermine également le cadre juridique applicable aux opérations effectuées par les prestataires de services de certification électronique, ainsi que les règles à respecter par ces derniers et les titulaires des certificats électroniques délivrés. En outre, la loi institue une autorité nationale d’agrément et de surveillance de la certification.
- La signature électronique simple: pour sa validité, il convient d'utiliser un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache (art. 417-2).
- La signature électronique sécurisée: pour sa validité, il faut que l'identité du signataire soit assurée et que l'intégrité de l'acte juridique soit garantie (art. 417-3).
La Loi n° 09-08 Relative à la Protection des Personnes Physiques à l'Égard du Traitement des Données à Caractère Personnel
Elle a pour objectif de protéger les particuliers contre les abus d’utilisation des données de nature à porter atteinte à leur vie privée.
II. La Formation des Contrats en Ligne
A. L'Offre et l'Acceptation Électronique
Différentes règles s'appliquent au contrat en ligne: d'abord les règles de fonds applicables à tous les contrats, ensuite des règles spéciales. La formation du contrat en ligne résulte de la rencontre des volontés résultant d'une offre et d'une acceptation entre personnes à distance. Dans notre contexte juridique, la formation du contrat est soumise aux dispositions du DOC et de la loi 53-05 relative à l'échange électronique introduit dans l'article 65 du DOC.
B. La Preuve Électronique
Quant à la preuve électronique, l'article 417-1 du DOC a donné la même force probante à l'écrit sous forme électronique que celui qui est sur papier, à condition qu'il puisse être dûment identifié la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
III. Le Contrat International de Commerce Électronique: Loi Applicable et Juridiction Compétente
A. La Juridiction Compétente
Dans le cadre international, il n’existe ni juridictions ni règles uniformes relatives au règlement judiciaire de litiges contractuels. Chaque État règle alors la question selon ses propres règles unilatérales de droit international privé.
1. L’Absence de Règles Spécifiques au Contrat International
La législation marocaine ne comporte pas des dispositions relatives et spécifiques au problème de compétence internationale. Le juge marocain doit donc appliquer les règles de compétence territoriale interne en vue de résoudre les conflits de juridictions sur le plan international. Il apparaît donc que les règles transposables à l’échelle internationale sont celles prévues par les articles 27 et 28 du CPC.
2. La Clause Attributive de Compétence
Dans les contrats de commerce international, le mode de solution d’éventuels litiges relève le plus souvent des prévisions contractuelles des parties. Certes, dans le cadre du commerce électronique, une entreprise désirant opérer sur l’internet devra lever autant que possible les incertitudes dans la phase préparatoire plutôt qu’à l’occasion d’un procès. C’est pourquoi les parties – et spécialement les commerçants – auront tendance à insérer dans les contrats des clauses attributives de compétence.
B. La Loi Applicable
Vu le caractère transnational du réseau numérique mondial, plusieurs lois peuvent se trouver en conflit en cas de litiges nés des contrats électroniques conclus via ce vecteur et comportant des éléments d’extranéité. À l’heure actuelle, il n’existe pas de règles propres à la résolution des conflits de lois propres au commerce électronique. L’on voit appliquer donc les règles de conflit régissant les contrats en général.
1. L’Autonomie de la Volonté
Les parties peuvent désigner par une clause particulière la loi applicable au contrat et s’accordent à soumettre leur éventuel litige à la loi d’un ou plusieurs pays. Ce principe d’autonomie de la volonté est consacré par l’art 13 du DCC qui dispose: «Les conditions de fond et les effets des contrats sont déterminés par la loi à laquelle les parties ont eu l'intention expresse ou tacite de se référer.».
a) La Volonté Expresse
Dans ce cas, les parties ont manifesté clairement leur intention à se référer, de faire gouverner leur rapport à une ou plusieurs lois étrangères. Le juge dans ce cas doit considérer la loi applicable, celle choisie par les parties.
b) La Volonté Tacite
Le juge dans ce cas peut déduire la volonté implicite des parties à se référer à une loi à partir de certains indices tel que par exemple: dans un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, le 12 mars 1985, qui a appliqué la loi brésilienne à un contrat se référant expressément à une loi de ce pays sur le droit d’auteur, pourtant abrogé, pour régler les modalités du transfert des droits.
2. Le Rattachement du Contrat en l’Absence de Choix
En l’absence d’une stipulation expresse ou tacite des parties sur la loi applicable au contrat, la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, prévoit deux solutions, selon s’il s’agit des contrats conclus entre professionnels (B to B) ou entre un professionnel et consommateur (B to C).
a) Les Contrats entre Professionnels
Dans ce cas il faudra appliquer l’article 4 al. 1 de la convention de Rome qui dispose: «Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.». En plus l’alinéa 2 du même article dispose: «il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale.».
b) Les Contrats entre un Professionnel et un Consommateur
Ce type de contrat est régi par l’article 5 de la convention de Rome qui vise à protéger le consommateur qui le définit comme étant celui qui contracte «pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle». Les contrats visés par cet article sont ceux dont l’objet est la fourniture d’objets mobiliers corporels, de services ou le financement de telles fournitures.