Les Cortes de Cadix et la Révolution Libérale Espagnole

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Contexte : Guerre et double gouvernement

Au cours de la guerre d'indépendance, deux gouvernements parallèles ont coexisté :

  • Le gouvernement de Joseph Ier, qui régnait en vertu de la Constitution de Bayonne. Les institutions et les hauts fonctionnaires de l'Ancien Régime l'ont accepté, ainsi que certains intellectuels et personnalités culturelles (les afrancesados) attirés par la modernisation introduite par le régime bonapartiste en Espagne.
  • Le gouvernement patriotique ou anti-français (aussi appelé espagnol).

Ce fut une véritable révolution, car cela signifiait s'emparer de la souveraineté nationale, tout en acceptant implicitement la légitimité de la monarchie de Ferdinand VII.

Des juntes à la convocation des Cortes

Les juntes locales apparurent en premier, puis les provinciales. Finalement, en septembre 1808, la Junte Suprême Centrale fut formée à Aranjuez, devenant le gouvernement de la résistance. Malgré leur caractère révolutionnaire, ces différentes juntes étaient principalement composées de membres des classes dirigeantes (nobles, clergé, magistrats municipaux, généraux ou bourgeois éclairés), auxquels le peuple était habitué à obéir.

En plus de diriger la guerre, la Junte assuma la tâche de réformer les institutions de l'Ancien Régime. Après de longues discussions, il fut conclu que seules des Cortes du royaume, élues au suffrage universel (masculin indirect), pourraient approuver les réformes nécessaires au nom du pays. Ainsi, la Junte Centrale convoqua les Cortes Generales à Cadix, puis se dissolut en janvier 1810 pour laisser place à un Conseil de Régence.

En septembre 1810, la session des Cortes fut inaugurée. Le même jour, le Conseil de Régence transmit les pleins pouvoirs aux Cortes, leur permettant ainsi de réaliser le processus révolutionnaire.

Œuvre révolutionnaire des Cortes de Cadix

Dissolution de l'Ancien Régime

Les Cortes de Cadix, influencées par les libéraux, entreprirent la dissolution de l'Ancien Régime, c'est-à-dire de ses fondements politiques, sociaux et économiques. Bien que cette révolution fût essentiellement sur le papier (puisque le retour de Ferdinand VII en 1814 supprima les réformes libérales), elle lança le processus vers une monarchie constitutionnelle tout au long du XIXe siècle.

Constitution de 1812 et lois associées

Il y eut deux œuvres majeures des Cortes :

  • L'élaboration de la première Constitution de l'histoire de l'Espagne (1812).
  • Un ensemble de lois ordinaires importantes qui complétaient l'esprit des décisions incluses dans le texte constitutionnel.

Ces mesures entraînèrent, avec la Constitution, le démantèlement des bases économiques et sociales de l'Ancien Régime.

Composition et tendances politiques des Cortes

Origine sociale des députés

La composition des Cortes varia au fil du temps. Compte tenu de l'impossibilité pour la plupart des députés élus de se déplacer en raison de la guerre, il fut décidé qu'ils seraient remplacés par des suppléants présents à Cadix. La plupart des membres provenaient des classes moyennes urbaines : fonctionnaires, avocats, commerçants et professions libérales. Il y avait également une centaine d'ecclésiastiques et environ cinquante membres de l'aristocratie.

Les trois courants politiques majeurs

On distinguait trois tendances politiques :

Absolutistes (serviles)

Ils défendaient l'État absolutiste. Ils étaient opposés à la convocation des Cortes comme assemblée constituante et n'acceptaient pas le pouvoir révolutionnaire des juntes.

Modérés (jovellanistes)

Ils maintenaient une position centriste. Composés essentiellement d'une partie des Ilustrados qui, contrairement aux afrancesados, n'avaient pas accepté l'autorité de Joseph Ier. Ils suivaient les idées de Jovellanos (d'où leur nom). Ils préconisaient une voie médiane entre l'absolutisme et la souveraineté nationale pleine et entière des Cortes. Les jovellanistes estimaient que les Cortes devaient limiter le pouvoir du roi et que la noblesse et l'Église devaient y être représentées (modèle bicaméral). Leurs réformes devaient être modérées, visant à adapter les lois traditionnelles de la monarchie espagnole (la « constitution historique »).

Libéraux

Ce secteur, composé de jeunes qui formeront plus tard le « Parti libéral » (incluant Agustín Argüelles, Calvo de Rozas, Quintana), comprenait que la souveraineté avait été transférée par la révolution aux juntes et aux pouvoirs qui en émanaient. Les Cortes devaient donc représenter la souveraineté nationale et posséder un pouvoir constituant.

Domination et idées libérales

En général, les idées libérales dominèrent, surtout au début, car les réfugiés et l'ambiance à Cadix étaient favorables aux réformes. Le libéralisme avait pénétré en Espagne depuis la France après la Révolution, malgré la censure officielle, mais resta très minoritaire jusqu'à ce que la guerre offre l'occasion à ses défenseurs de le propager.

L'atmosphère révolutionnaire et patriotique de Cadix, ville la plus cosmopolite du pays et symbole de la résistance, favorisa la réalisation des idéaux libéraux dans la Constitution de 1812. Les libéraux exigeaient un système politique libre et parlementaire, fondé sur la souveraineté nationale, par opposition à l'absolutisme monarchique.

Convaincus qu'une société devait être organisée selon les capacités des individus, les libéraux défendaient le droit d'intervention politique prioritaire pour les plus riches (qui avaient "quelque chose à défendre") et les plus « notables » ou « capables », comme on les appelait dans le langage libéral espagnol. Cette préférence se traduisait dans leurs idées par la limitation du droit de vote et de l'éligibilité via le suffrage censitaire (bien que la Constitution de 1812 ait établi un suffrage universel masculin indirect complexe), rompant ainsi avec les privilèges de naissance de l'Ancien Régime.

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