Crise et Dictature en Espagne (1917-1930)

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Causes du Coup d'État de Primo de Rivera

Depuis 1917, l'Espagne était plongée dans une profonde crise économique et sociale. Combinée au manque de prestige et au blocage du système constitutionnel, cette crise exposait le pays à un grave danger de révolution sociale. La décomposition du régime de la Restauration était évidente : instabilité parlementaire chronique, opposition croissante des nationalistes et des républicains, et division au sein des partis dynastiques. Dans une Europe où les systèmes parlementaires étaient remplacés par des régimes autoritaires ou dictatoriaux pour éviter la révolution sociale, le danger d'une telle révolution en Espagne était perçu comme réel par l'oligarchie, et ce, depuis 1917.

À Barcelone, le *pistolerisme* sévissait depuis 1922, avec le capitaine général Primo de Rivera à sa tête. En Andalousie, les années 1918, 1919 et 1920 sont connues comme le "triennat bolchevique". Enfin, l'armée joua un rôle provocateur, depuis l'adoption de la Loi des Juridictions et sa confrontation avec la société civile, en particulier après le désastre d'Anoual et l'enquête parlementaire qui suivit avec le rapport Picasso. Pour éviter les conséquences de ce rapport, certains militaires, et même le roi Alphonse XIII, adoptèrent une position ambiguë et finirent par accepter une dictature.

Le Corporatisme de la Dictature et la Position de l'UGT

La dictature copia certaines institutions et formes corporatistes italiennes (comités paritaires, Organisation Corporative Nationale...), mais la nature fasciste du régime fut très superficielle. Le plus important fut la tentative de résoudre les conflits sociaux par la création de comités paritaires, organes d'arbitrage dans les entreprises. Composés de dix membres (cinq représentants des travailleurs, cinq des organisations patronales et deux du ministère du Travail), ils visaient à résoudre les conflits du travail.

Pour faire fonctionner le système, le dictateur obtint la coopération des socialistes et des syndicats libres. En revanche, il marginalisa et persécuta la CNT et le PCE, qui furent mis hors la loi. Les socialistes collaborèrent pour deux raisons principales : une politique modérée et réformiste, après l'échec de 1917, visant à améliorer la vie des travailleurs, et la marginalisation de la CNT, laissant l'UGT sans concurrence. Cette collaboration entraîna de vives critiques.

Politique Économique de la Dictature de Primo de Rivera

La dictature de Primo de Rivera accentua certaines tendances fondamentales du capitalisme du premier tiers du XXe siècle :

  • Nationalisme économique renforcé : création du monopole d'État sur les importations, le raffinage et la distribution de pétrole (CAMPSA), auparavant détenu par des sociétés européennes. De grands monopoles furent accordés (tabac, téléphone...) et la politique protectionniste traditionnelle fut poursuivie.
  • Pouvoir de l'oligarchie financière : les grandes banques continuèrent de se développer.
  • Amélioration des infrastructures : construction de routes, élargissement du réseau ferroviaire et plan hydraulique pour augmenter l'irrigation et l'électrification (Lorenzo Pardo conçut la création de bassins hydrographiques).

Les années de la dictature furent, en moyenne, des années de croissance économique, grâce à la situation internationale favorable (les "années folles") et à la création d'emplois générée par les travaux publics. Cependant, cette politique aggrava la crise séculaire des finances publiques, multipliant la dette et entraînant une chute brutale de la peseta. L'arrivée de la Grande Dépression (1929) révéla que le succès de la politique économique de la dictature n'avait été que circonstanciel.

Le Pays et l'Armée Espagnole : Justification du Coup d'État

Le texte dépeint une image de misère qui avait commencé en 1898 avec la guerre désastreuse contre les États-Unis, entraînant la perte des dernières colonies espagnoles. Il met en évidence les conflits sociaux (assassinats, vols, indiscipline sociale, propagande communiste – le PCE avait été créé en 1921), particulièrement préoccupants à Barcelone et en Andalousie ("triennat bolchevique").

Il soulève la question du Maroc après le désastre d'Anoual et les "passions suscitées par la question des responsabilités", mises en lumière par la commission d'enquête parlementaire et le rapport Picasso, qui éclaboussèrent l'armée, le gouvernement et la Couronne. Enfin, il aborde la question des nationalismes périphériques, en plein essor après 1898, notamment en Catalogne et au Pays Basque, et de la confrontation entre ces mouvements nationalistes et l'armée dans le contexte de la Loi des Juridictions.

Définition de Miguel Primo de Rivera

Miguel Primo de Rivera était un militaire et homme politique espagnol, président du Directoire militaire puis du Directoire civil, qui exerça les fonctions de dictateur (1923-1930), se transformant en "chirurgien de fer" dont parlait Joaquín Costa, avec l'assentiment du roi Alphonse XIII. Le 1er septembre 1929 marque le début du déclin de la dictature : Primo de Rivera ne bénéficiait plus du soutien suffisant du roi et de l'armée face à l'opposition croissante. En janvier 1930, il démissionna et s'exila à Paris.

Le Système Politique Imposé après le Coup d'État

Le nouveau régime commença par la formation d'un Directoire militaire qui suspendit la Constitution, interdit les partis politiques et les syndicats, et destitua tous les représentants élus. La répression toucha principalement la CNT, les nationalistes, les médias et les intellectuels. En 1925, le Directoire militaire fut remplacé par un Directoire civil, incluant de jeunes politiciens de droite comme Calvo Sotelo.

La tentative de consolider la dictature par un régime institutionnel antidémocratique échoua :

  • Les formes et institutions copiées de l'Italie (comités paritaires, Conseil des corporations...) restèrent superficielles.
  • L'Union Patriotique, parti officiel du dictateur, ne devint jamais un parti de masse, n'attirant que les conservateurs et les traditionalistes.

La dictature abolit la Mancommunauté de Catalogne, interdit l'usage public de la sardane... Ce mouvement nationaliste se radicalisa (Estat Català de Francesc Macià tenta d'organiser un soulèvement armé), créant des difficultés pour les dirigeants de la Ligue Régionaliste qui avaient initialement accueilli favorablement les intentions du dictateur.

Le Protectorat Espagnol au Maroc

Le Rif (Maroc) était une zone accordée à l'Espagne lors de la Conférence internationale d'Algésiras (1906). Cette conférence fut convoquée en raison des doutes, notamment britanniques et allemands, concernant l'expansion française en Afrique du Nord. Il fut décidé que la France et l'Espagne se partageraient la tutelle du Maroc.

La présence espagnole répondait non seulement à la protection de Ceuta et Melilla, mais aussi à divers intérêts :

  • Certaines sections de l'armée cherchaient à rétablir leur prestige après le désastre de 1898.

Le Désastre d'Anoual et la Crise de la Restauration

Le désastre d'Anoual eut des conséquences importantes. Il unifia l'armée, profondément divisée entre *espanyolistes* (partisans de l'abandon du conflit, comme Miguel Primo de Rivera) et *africanistes* (partisans de la guerre), contre les politiciens qu'ils accusaient de ne pas fournir les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs au Maroc. Cela encouragea la rébellion militaire contre le Parlement, considéré comme incompétent, surtout après les conclusions du rapport Picasso.

Le Débarquement d'Al Hoceima

Le débarquement d'Al Hoceima, le 8 septembre 1925, fut une opération militaire menée par l'armée et la marine espagnoles, avec un contingent français allié, qui marqua un tournant dans la guerre du Rif. Il est considéré comme le premier débarquement amphibie de l'histoire mondiale. Des chars furent utilisés pour la première fois lors d'un débarquement. Ce fut également la première fois que des forces aériennes, navales et terrestres furent placées sous un commandement unifié (Primo de Rivera), créant le concept moderne de débarquement amphibie.

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