Droit Administratif Français : Chronologie et Jurisprudence Clés
Classé dans Droit et jurisprudence
Écrit le en français avec une taille de 13,5 KB
Séance 1: Fondements du Droit Administratif
- 1641 : Édit de Saint-Germain – Le roi interdit aux parlements de traiter les affaires de l'administration.
- 1790 : Lois des 16 et 24 août – Distinction des fonctions administratives et judiciaires.
- 1799 : Constitution de l'an VIII – Création du Conseil d'État avec un rôle consultatif.
- 1872 : Le Conseil d'État rend des décisions contentieuses.
- 8 février 1873 : Arrêt Blanco (Tribunal des Conflits) – Établit le critère du service public, la responsabilité de l'État, l'autonomie du droit administratif et son caractère jurisprudentiel.
- 1903 : Arrêt Terrier (CE) et 1910 : Arrêt Thérond (CE) – Apparition de la notion de service public et sa définition (trois éléments : juridique, organique, matériel).
- 1912 : Arrêt Société des Granits Porphyroïdes des Vosges (CE) – Application du droit privé si les conditions sont identiques à celles d'une personne privée.
- 1921 : Arrêt Société Commerciale de l'Ouest Africain (dit "Bac d'Eloka") (TC) – L'administration peut exercer une activité de droit privé, soumise aux règles du droit privé.
- 1938 : Arrêt Caisse Primaire "Aide et Protection" (CE) – Une personne privée peut gérer un service public.
Séance 2: Organisation Administrative et Contrôle
- 1992 : Loi du 6 février relative à l'administration territoriale de la République (collectivités territoriales et services déconcentrés).
- 1992 : Décret du 1er juillet fixant les grands traits de l'administration étatique, notamment le principe de subsidiarité.
- 1997 : Décret attribuant au préfet (et non plus au ministre) la compétence pour prendre certaines décisions.
- 7 mai 2015 : Décret remplaçant celui de 1992.
- 23 juillet 2010 : Arrêt Association Handitech (CE) – Le refus d'une Autorité Administrative Indépendante (AAI) n'est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir.
- 27 mars 2011 : Décision du Conseil Constitutionnel sur le Défenseur des Droits, confirmant son statut d'AAI.
- 27 avril 2011 : Arrêt Recommandations de la HAS (CE) – Les actes réglementaires de la Haute Autorité de Santé (HAS) peuvent être sanctionnés par le Juge Administratif (JA).
- 10 novembre 1944 : Arrêt Lagneur (CE) – Limites à l'obligation d'obéissance hiérarchique : manifestation illégale et compromission du service public.
- 30 juin 1950 : Arrêt Quéralt (CE) – Le pouvoir hiérarchique s'exerce sur l'ensemble des agents, même sans texte.
- 4 juin 1992 : Arrêt Association des Anciens Élèves de l'ENA (CE) – Pas de tutelle sans texte.
Séance 3: Collectivités Territoriales et Contrôle de Légalité
- 18 janvier 2001 : Arrêt Commune de Venelles (CE) – Le Conseil d'État fonde le principe de libre administration des collectivités territoriales.
- 2 juillet 2010 : QPC Commune de Dunkerque (CC) – La fusion de deux communes ne viole pas le principe de libre administration.
- 29 juin 2001 : Arrêt Commune de Mons-en-Barœul (CE) – La clause de compétence générale n'autorise pas une collectivité territoriale à intervenir dans un domaine déjà attribué à une autre.
- La loi du 16 décembre 2010 a supprimé cette clause de compétence générale pour la remplacer par des compétences d'attribution.
- 18 avril 1902 : Arrêt Commune de Néris-les-Bains (CE) – Le Conseil d'État reconnaît la possibilité pour une collectivité de contester devant les juges une décision prise par une autorité de tutelle.
- 18 novembre 2007 : Arrêt Société Fermière de Campoloro (CE) – Le juge administratif se place sur le terrain de la responsabilité : le préfet a l'obligation d'exercer le contrôle de légalité des décisions. S'il laisse passer une décision illégale et que cela entraîne un préjudice, l'État doit indemniser le préjudice découlant de l'absence d'exercice du contrôle de légalité (seulement en cas de faute grave).
- Le déféré préfectoral est un recours exercé par le préfet auprès du Tribunal Administratif (TA) pour s'assurer de la légalité d'un acte. Il repose sur le principe de transmission des actes des collectivités territoriales aux préfets.
- 4 novembre 1994 : Arrêt Département de la Sarthe (CE) – Le champ d'application des actes susceptibles d'être déférés est large : il concerne des actes soumis ou non à transmission.
- Dans l'arrêt Brasseur du 25 janvier 1991 (CE), le Conseil d'État a admis que les préfets n'étaient pas tenus de déférer aux tribunaux administratifs les actes dont ils avaient constaté l'illégalité et qu'ils n'avaient pas réussi à faire modifier par la collectivité. En conséquence, le contrôle de légalité n'a aucun caractère automatique, marquant un retour à l'appréciation d'opportunité.
Séance 4: L'Émergence de la Juridiction Administrative
- L'apparition de la juridiction administrative : l'Édit de Saint-Germain (1641) interdit aux parlements de traiter les affaires de l'administration.
- Lois des 16 et 24 août 1790 : les fonctions administratives et judiciaires sont distinctes.
- 1799 : La Constitution de l'an VIII crée le Conseil d'État avec un rôle consultatif.
- Loi du 24 mai 1872 : Le Conseil d'État rend des décisions contentieuses.
- 1889 : Arrêt Cadot (CE) – Abandon de la théorie du ministre-juge. Le Conseil d'État devient le juge de droit commun de l'administration.
- L'article 64 de la Constitution garantit l'indépendance des juges judiciaires. La juridiction administrative n'y est pas explicitement mentionnée. C'est la décision du Conseil Constitutionnel du 22 juillet 1980 qui consacre l'indépendance des juridictions administratives.
- Décision du Conseil Constitutionnel du 23 juillet 1980 : La séparation des deux ordres de juridiction est un Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République (PFRLR).
- Le Juge Administratif (JA) dispose d'un bloc de compétences minimales.
- Le Conseil d'État a une double fonction :
- Fonction consultative : Il rend des avis.
- Obligatoires : sur les projets de loi (article 39 de la Constitution) et les projets d'ordonnance (article 38 de la Constitution). Les dispositions d'un projet de loi non soumises au Conseil d'État avant d'être déposées au Parlement sont inconstitutionnelles.
- Facultatifs : sur les propositions de loi (article 39 de la Constitution).
- Fonction de juge : L'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) garantit le droit à un tribunal indépendant et impartial. La double fonction du Conseil d'État a soulevé des questions d'impartialité.
- Décret du 6 mars 2008 : Si la personne qui juge est différente de la personne qui conseille, il n'y a pas de violation de l'impartialité.
- Arrêt Sacilor Lormines c/ France (CEDH) : Valide la constitution du Conseil d'État, confirmant son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.
- Fonction consultative : Il rend des avis.
- Décret du 30 septembre 1953 : Crée les Tribunaux Administratifs (TA), faisant du Conseil d'État le juge d'appel.
- Loi de 1987 : Institue les Cours Administratives d'Appel (CAA).
- 27 février 1994 : Arrêt Mme Popin (CE) – Seul l'État peut répondre, à l'égard des justiciables, des préjudices causés par l'exercice de la fonction juridictionnelle.
Séance 5: Hiérarchie des Normes et Contrôle de Constitutionnalité
- Le bloc de constitutionnalité comprend :
- La Constitution de 1958.
- La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC), le Préambule de la Constitution de 1946, la Charte de l'Environnement de 2004.
- Les principes à valeur constitutionnelle.
- Les Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR).
- La Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a été créée par la Loi Organique de décembre 2009, permettant un contrôle de constitutionnalité a posteriori.
- 3 décembre 2009 : Décision du Conseil Constitutionnel reconnaissant sa compétence pour statuer sur une QPC.
- 2011 : Arrêt Gourmelon (CE) – Le Conseil d'État rappelle la triple condition de saisine du Conseil Constitutionnel pour une QPC :
- La disposition est applicable au litige.
- Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution.
- La question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
- La DDHC n'est pas supérieure à la Constitution (1960 : Arrêt Société Eky, CE).
- 2008 : Arrêt Commune d'Annecy (CE) – Le Conseil d'État consacre la valeur constitutionnelle de la Charte de l'Environnement. Ses mécanismes peuvent être invoqués pour contester la légalité des décisions administratives.
- Principes de fond :
- 7 juillet 1950 : Arrêt Dehaene (CE) – Le Conseil d'État indique que le droit de grève, garanti par le Préambule de la Constitution de 1946, n'est pas absolu. Il doit être concilié avec d'autres impératifs à valeur constitutionnelle (notamment l'ordre public). En l'absence de réglementation par la loi, il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement du service public, de fixer cette réglementation.
- 2 novembre 1992 : Arrêt Khérouaa (CE) – Se référant à l'article 10 de la DDHC et à l'article 2 de la Constitution de 1958. Le Conseil d'État adopte une conception souple de la laïcité, estimant que le port du foulard n'est pas incompatible avec le principe de laïcité.
- Loi du 24 mars 2004 : Interdit le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles, collèges et lycées publics.
- 17 mai 2013 : Décision du Conseil Constitutionnel sur la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, contestée par des sénateurs. Le Conseil Constitutionnel rappelle les critères pour qu'un principe soit un PFRLR : être antérieur à 1946, relever de la législation républicaine, concerner les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté ou l'organisation des pouvoirs publics.
- Immunité juridictionnelle des sources constitutionnelles :
- Théorie de la loi écran : 6 novembre 1936 : Arrêt Arrighi (CE) – À l'époque, sans Conseil Constitutionnel, le Conseil d'État se pose la question de sa compétence pour juger la constitutionnalité des décrets pris en application d'une loi. Il estime que cela reviendrait à juger la constitutionnalité de la loi elle-même, ce qui est hors de ses compétences.
- Théorie de l'écran transparent : 17 mai 1991 : Arrêt Quintin (CE) – Le Conseil d'État peut contrôler un acte réglementaire par rapport à un règlement, même si ce règlement met en application une loi, si la loi est une "loi cadre" (ne laissant pas de marge d'appréciation à l'administration). C'est une exception à l'écran législatif.
- 5 janvier 2005 : Arrêt Mlle Deprez et Baillard (CE) – L'article 55 de la Constitution confère implicitement aux juges la compétence pour contrôler la conformité des lois aux traités internationaux.
Séance 6: Contrôle de Conventionnalité des Traités
- 18 décembre 1998 : Arrêt Parc d'activités de Blotzheim (CE) – Le Conseil d'État se reconnaît le pouvoir de vérifier que le traité a bien fait l'objet d'une autorisation législative pour les matières prévues à l'article 53 de la Constitution (notamment la cession de territoire). Le contrôle du Conseil d'État porte sur la régularité de la procédure de ratification ou d'approbation du traité, et non sur sa conformité au traité lui-même. Ce principe a été précisé par l'arrêt Porta de 2002 et Fédération Nationale de la Libre Pensée de 2010.
- Article 54 de la Constitution : Si le Conseil Constitutionnel est saisi et déclare qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ou de l'approuver ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.