Droit du Travail en Espagne : Fondements, Sources et Organismes

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Le Droit du Travail : Fondements, Sources et Organismes

6.1. Évolution du Droit du Travail et des Syndicats

L'évolution des syndicats et du droit du travail remonte à la fin du XIXe siècle. Les premières mesures de sécurité sociale apparaissent en Espagne entre 1919 et 1931, inspirées par l'Allemagne. Le Code du Travail (Code du Droit du Travail) a été adopté. La Loi sur le Statut des Travailleurs (LST) a été promulguée par la loi 8/1980 du 10 mars (BOE 14 mars 1984). En 1995, le Décret Royal 1/1995 du 24 mars a approuvé le texte révisé de la Loi sur le Statut des Travailleurs.

6.2. Les Divisions du Droit

Le droit est formé par des règles et principes que l'État s'engage à respecter et qui servent à régler les conflits d'intérêts qui se posent dans la société, en garantissant un niveau de vie minimum. Il est divisé en secteurs public et privé.

  • Public : ce sont les règles qui régissent l'activité des organismes publics de l'État et, ensemble, la relation entre l'État et les individus.
    • Droit international public
    • Droit constitutionnel
    • Droit administratif
    • Droit pénal
    • Droit procédural
    • Droit financier
    • Droit communautaire (UE)
  • Privé : réglemente les relations entre les individus.
    • Droit international privé
    • Droit civil (relations entre les personnes)
    • Droit commercial (relations d'affaires)

Le droit du travail se situe à un niveau intermédiaire entre le droit public et le droit privé. Exemples : le droit d'association et le droit social (droit de la sécurité sociale) relèvent du droit public ; le droit collectif et le contrat de travail relèvent du droit privé.

Les Pouvoirs Publics

La création de règles juridiques, leur application et leurs effets, appartiennent au gouvernement.

  • Le Pouvoir Législatif

    Propose et adopte les lois. Il est composé du Congrès des députés et du Sénat (les Cortes Generales).

  • Le Pouvoir Exécutif

    Applique la loi. Il est composé du Gouvernement et des ministres.

  • Le Pouvoir Judiciaire

    Les tribunaux judiciaires résolvent les problèmes potentiels de justice et les litiges résultant d'une insuffisance ou d'une mauvaise interprétation des règles. Il est impartial et apolitique.

6.3. Les Sources du Droit

  1. La Loi : les règles juridiques écrites qui sont publiées dans le Journal Officiel (BOE, BOCCAA, BOP).
  2. La Coutume : la règle de droit non écrite, issue d'une conduite que la société adopte de manière continue dans le temps. Elle s'applique seulement en l'absence de droit et si elle n'est pas contraire à la morale et à l'ordre public, à condition qu'elle puisse être prouvée.
  3. Les Principes Généraux du Droit : les règles qui expriment les convictions et croyances de la société et sont présentes dans les lois et coutumes. Ils sont une source d'inspiration pour l'écriture des lois (l'éthique, la logique, la justice, etc.).
  4. La Jurisprudence : ensemble des critères établis par la Cour Suprême dans ses arrêts concernant l'interprétation de la loi, de la coutume et des principes généraux du droit.

Les Lois Fondamentales

Les lois adoptées, modifiées ou abrogées par le Parlement sont les suivantes :

  • La Constitution Espagnole

    C'est la loi suprême que toute autre loi doit respecter (6 décembre 1978, BOE 29 décembre).

    Structure de la Constitution

    Titre préliminaire + 10 titres + 4 dispositions additionnelles + 9 dispositions transitoires + 1 disposition dérogatoire + 1 disposition finale.

    Contenu Affectant le Droit du Travail
    • Les droits fondamentaux : non-discrimination, droit de grève, droit de réunion et liberté d'adhésion syndicale.
    • Droits des citoyens : droits des travailleurs et libre choix de profession ou de métier, droit à la promotion, négociation collective, participation à la société, salaires et mesures de conflit adéquates.
    • Lignes directrices importantes pour la politique économique et sociale : maintenir le système public de Sécurité Sociale, établir des politiques visant le plein emploi, assurer la sécurité et l'hygiène, assurer le repos et promouvoir la formation et le recyclage.
  • Les Lois Organiques

    Elles régissent le développement des droits fondamentaux et des libertés publiques, la législation approuvant les statuts d'autonomie, le système électoral et les lois sur l'éducation. Elles sont modifiées par la majorité absolue du Congrès des députés.

  • Les Lois Ordinaires

    Elles régissent les matières non couvertes par les lois organiques. Exemples : la publicité, les prêts hypothécaires. Elles sont modifiées par la majorité simple du Congrès des députés.

Normes à Force de Loi (Gouvernement)

  • Le Décret Royal : texte articulé et consolidé.
  • Le Décret-Loi Royal : pour les situations d'urgence et extraordinaires. Valable 30 jours maximum.

Les Règlements

Modalités d'application du contenu des lois régissant les questions mineures :

  • Les Règlements Royaux : décrets approuvés par le Conseil des ministres ou le gouvernement dans son intégralité.
  • Les Ordres Ministériels : approuvés par un ministre.
  • Les Ordres des Commissions Gouvernementales : pour les questions intéressant plusieurs ministères.
  • Les Résolutions : règles adoptées par les directions (départements ministériels).

6.4. Définition du Droit du Travail

Le droit du travail régit les relations individuelles et collectives qui découlent du travail accompli de manière personnelle, volontaire et rémunérée par un salarié sous la subordination d'un employeur.

Caractéristiques du Travail Salarié

  • Personnel : le travail est effectué par la personne embauchée et ne peut être délégué.
  • Volontaire : pas de travail forcé ou obligatoire. Le salarié est libre de mettre fin à la relation de travail.
  • Pour autrui : le produit du travail appartient à l'employeur.
  • Rémunéré : toute activité doit être payée. Le salarié reçoit un salaire.
  • Dépendance : le salarié est soumis à la discipline et à la direction de l'employeur (comment, quand et où).

6.5. Hiérarchie des Normes en Droit du Travail

  1. 1. Règlements de l'UE ou Droit Communautaire

    L'Espagne, en tant que membre de l'UE, est soumise à ses normes. Les principales institutions de l'UE sont le Parlement, le Conseil, la Commission, la Cour de Justice et la Cour des Comptes. Leur but est d'harmoniser la vie des citoyens et des États membres.

    Les normes de l'UE comprennent :

    • Règlements : règles générales, obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout État membre. Publiés au JOUE, ils entrent en vigueur 20 jours après.
    • Directives : obligatoires pour tous les États membres afin d'atteindre un résultat précis dans un délai déterminé, en laissant aux autorités de chaque État le choix des moyens et de la manière d'y parvenir (nécessitent une transposition en législation nationale).
    • Décisions : réglementent un ou plusieurs événements obligatoires pour un ou plusieurs États membres.
    • Recommandations et avis : conseils non contraignants.
    La Charte des Droits Fondamentaux de l'UE

    Au niveau européen, la principale référence est la Charte des Droits Fondamentaux de l'UE (2000, BOUE 14/déc/2007), qui prévoit des droits liés à l'emploi au sein de l'UE :

    • Libre circulation
    • Rémunération équitable
    • Amélioration des conditions de travail
    • Protection sociale
    • Négociation collective
    • Formation professionnelle
    • Égalité de traitement hommes-femmes
    • Protection de la santé et sécurité au travail
    • Protection des mineurs, des personnes âgées et des personnes handicapées
  2. 2. La Constitution Espagnole

  3. 3. Traités Internationaux et Normes de l'OIT

    Les conventions et traités internationaux sont des accords généralement conclus entre États ou entre un État et une organisation internationale. Pour être exécutoires, chaque État doit « ratifier » le traité par l'intermédiaire de son exécutif (le gouvernement), et ils ne peuvent jamais être contraires à la loi (Constitution).

    Normes Juridiques de l'OIT
    • Conventions de l'OIT : traités qui exigent l'approbation du Parlement pour que le gouvernement les accepte au nom de l'État. Elles sont publiées au BOE.
    • Recommandations : règles non contraignantes pour les États, qui demandent simplement d'informer le Directeur général du BIT sur leur mise en œuvre.
    • Résolutions : critères de l'OIT pour déterminer les questions qui devraient faire l'objet de futures conventions.
  4. 4. Droit Émis par les Tribunaux

    • Lois organiques (par exemple, la LO Liberté)
    • Lois ordinaires (par exemple, la LO Sécurité Sociale)
  5. 5. Règles Ayant Force de Loi

    (Émises par le Gouvernement : Décret Royal, Décret-Loi Royal - texte articulé et texte consolidé)

  6. 6. Les Règlements

    • Décrets Royaux
    • Ordres Ministériels
    • Ordres Délégués des commissions
  7. 7. Les Conventions Collectives

    Documents écrits qui recueillent les conditions de travail (horaires, salaires, etc.) convenues par les représentants des travailleurs et des employeurs. Elles améliorent généralement les conditions du statut des travailleurs, mais peuvent être améliorées par contrat privé.

  8. 8. Le Contrat de Travail

    Manifeste la volonté des deux parties (employé et employeur) de parvenir à un accord qui respecte ou améliore les conditions de la convention collective de la profession.

  9. 9. Les Coutumes Locales

    (Niveau local) : s'appliquent en l'absence de normes plus anciennes.

6.6. Principes d'Application des Normes du Travail

  • Principe de hiérarchie des normes : les normes de travail inférieures doivent respecter les normes supérieures.
  • Principe de la norme minimale : les normes supérieures fixent un minimum que les normes inférieures peuvent améliorer.
  • Principe de la norme la plus favorable : le travailleur étant le maillon faible de la relation de travail, en cas de conflit entre deux normes, celle qui le favorise le plus s'applique, même si elle est inférieure.
  • Principe de la condition la plus bénéfique : les avantages acquis par un ou plusieurs travailleurs grâce à leur contrat doivent être respectés, même après l'adoption d'une règle qui les supprimerait pour tous les travailleurs.
  • Principe « in dubio pro operario » : en cas de doute sur l'interprétation d'une règle, l'interprétation la plus favorable au travailleur sera retenue.
  • Principe d'inaliénabilité des droits : les travailleurs ne peuvent renoncer à leurs droits reconnus par le droit du travail, une convention collective ou un article de loi.

6.7. Organismes de Gestion du Droit du Travail

Les organismes publics compétents en matière de travail relèvent du Ministère du Travail et de l'Économie Sociale (anciennement Ministère du Travail et de l'Immigration) et des départements de l'emploi des Communautés Autonomes (CCAA).

Sources d'Action

L'Inspection du Travail et de la Sécurité Sociale (ITSS)

Son rôle est d'assurer le respect des normes du travail et de la sécurité sociale, et de concevoir des mécanismes appropriés pour le travail en vigueur. L'ITSS peut agir : de sa propre initiative (inspecteurs), sur ordre de ses supérieurs, ou suite à une plainte de toute personne ayant connaissance d'une infraction.

Les inspecteurs du travail et de la sécurité sociale, ainsi que les sous-inspecteurs de l'emploi et de la sécurité sociale, sont chargés d'effectuer les inspections. Une inspection peut avoir lieu dans n'importe quel lieu de travail. Les inspecteurs et sous-inspecteurs, dans l'exercice de leurs fonctions, ont le caractère d'autorité publique ou d'agent de l'autorité, et doivent s'identifier comme tels.

Ils peuvent intervenir sans préavis, demander des informations aux dirigeants et aux travailleurs, effectuer des prélèvements, enregistrer des images, inspecter les registres et les plaintes, et suspendre l'activité de travail si les exigences de sécurité et d'hygiène ne sont pas respectées.

Après l'inspection, l'ITSS peut :

  • Faire des avertissements, prendre des mesures, faire des arrangements.
  • Engager des procédures disciplinaires (ex: ordre de régularisation des affiliations des travailleurs).
  • Demander la collaboration d'autres organismes (par exemple, pour les majorations sur les paiements de sécurité sociale).
  • Conseiller les employeurs et intervenir dans les conflits du travail.

Tâches Administratives des CCAA

L'État a une compétence exclusive en matière de législation du travail et de sécurité sociale. Les CCAA se voient déléguer, transférer ou étendre des compétences de l'État, qui sont inscrites dans leurs statuts d'autonomie.

Les CCAA sont responsables de :

  • La prévention des accidents, la sécurité et la santé au travail.
  • La déclaration de substances toxiques, pénibles et dangereuses.
  • Les conventions collectives.
  • Le contrôle patronal.
  • Les grèves et les lock-out.
  • La médiation, l'arbitrage et la conciliation (ex: SCI - Servei de Conciliació Individual).
  • Les instructions et résolutions.
  • Les ERE (Expedientes de Regulación de Empleo).
  • L'autorisation des transferts contractuels collectifs.
  • Les dossiers de subventions et aides.
  • La formation professionnelle.
  • L'imposition de sanctions.

Les Tribunaux du Travail

L'ITSS surveille le travail, tandis que les tribunaux résolvent les conflits.

Hiérarchie des Tribunaux
  • Tribunaux du Contentieux Social : première instance d'un processus de travail.
  • Chambre Sociale des Tribunaux Supérieurs de Justice des CCAA (TSJ) : règlent les litiges concernant les entreprises et les travailleurs qui dépassent le niveau provincial et ceux qui n'ont pas été résolus en première instance.
  • Audience Nationale (Chambre Sociale) : niveau de l'État, basée à Madrid, résout les conflits qui dépassent le champ d'application des CCAA ou non résolus par les TSJ.
  • Chambre Sociale de la Cour Suprême : niveau de l'État, basée à Madrid. Vérifie et corrige les jugements des autres tribunaux et unifie les critères d'interprétation (pourvois en cassation).
  • Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) : applique le droit de l'UE. Ses décisions dépendent des règles, références et directives européennes.

Il est possible de saisir directement la Cour Constitutionnelle en cas de violation des droits fondamentaux des travailleurs figurant dans la Constitution (habeas corpus) ou en cas de loi contraire à la Constitution.

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