L'École Positive de Criminologie : Principes et Figures Clés
Classé dans Philosophie et éthique
Écrit le en
français avec une taille de 14,58 KB
Principes Fondamentaux de l'École Positive
Bases Philosophiques et Scientifiques
Bien que s'inspirant des bases philosophiques positives et scientifiques de Comte et Darwin, l'École Positive Criminelle rejette explicitement l'idée de se limiter à un système social, une doctrine philosophique ou biologique. Le fait essentiel est que l'école se caractérise surtout par la méthode scientifique.
Rejet de la Primauté du Droit
Certains positivistes extrémistes ont refusé la primauté du droit, notamment l'aspect "nulla poena sine crimine", proposant des mesures de sécurité sans infraction. D'autres ont appelé à la disparition des codes, des lois et des juges, remplacés par des anthropologues et des médecins. Cette croyance, non partagée par la majorité des positivistes, a servi de base aux attaques les plus virulentes contre l'école positive.
Le Crime, Fait de la Nature
Le crime est un fait de la nature et doit être étudié comme tel. Ce n'est pas seulement un dommage matériel ou une simple désobéissance à la loi, mais un acte d'agression contre les conditions fondamentales de la vie sociale. L'infraction est un fait humain résultant de facteurs intrinsèques et extrinsèques.
Déterminisme Radical
La devise est claire et percutante : « Le libre arbitre n'existe pas. » L'École Positive est purement déterministe : un ensemble de conditions physiques ou sociales pousse l'homme à commettre des crimes. L'homme n'est pas libre. Cette négation radicale de la volonté libre, si nette chez Ferri, est plus modérée chez Garofalo et les néo-positivistes, qui y voient davantage un problème philosophique.
Responsabilité Sociale
La responsabilité morale est remplacée par la responsabilité sociale. L'homme est socialement responsable du simple fait de vivre en société. S'il n'y a pas de libre arbitre, il ne peut y avoir de responsabilité morale.
Défense de l'Individu Dangereux
Puisqu'il n'y a pas de responsabilité morale, personne n'est exclu de la loi. La communauté, par l'État, a le pouvoir et le devoir de défendre la société contre l'individu dangereux.
Sanction au lieu de Punition
La notion de « punition » est remplacée par « sanction », impliquant un traitement visant à éduquer et à réintégrer le délinquant. Il est évident qu'il ne peut y avoir de compensation s'il n'y a ni libre arbitre ni responsabilité morale.
Peines Proportionnelles à la Dangerosité
Les peines sont proportionnelles à la dangerosité du délinquant. La classification des délinquants est plus importante que la classification des crimes. Les mesures de sécurité sont donc primordiales. L'infraction n'est qu'un indicateur de la dangerosité du sujet.
Sanctions non Punitives
Les sanctions ne sont pas pénibles et ne visent pas à infliger des souffrances à l'accusé.
Mission du Droit Pénal
La mission du droit pénal est de combattre le crime en tant que phénomène social, et non de rétablir l'« ordre juridique ».
Droit d'Imposer des Sanctions
Le droit d'imposer des sanctions appartient à l'État au titre de la protection sociale.
Substituts Pénaux
Plus importants que les sanctions pénales sont les substituts. Ces substituts sont des mesures dans les domaines économique, politique, scientifique, civil, religieux, familial et éducatif, visant à la prévention indirecte, c'est-à-dire la suppression des facteurs criminogènes.
Acceptation des Types Criminels
L'école accepte l'existence de « types » de criminels.
Fondement de la Loi Pénale
La loi pénale doit être fondée sur des études anthropologiques et sociologiques.
Méthode Inductive Expérimentale
Elle part de l'observation des détails pour aboutir à une proposition générale englobant tous les phénomènes similaires ou assimilés.
Rafael Garofalo et le Concept de Crime Naturel
Sans la participation de Garofalo, l'École Positive ne serait pas devenue une véritable école de droit pénal. Il a établi plusieurs principes qui sont devenus des piliers du positivisme :
- Prévention particulière ainsi que prévention générale.
- Prévalence de la prévention spéciale sur la générale.
- La dangerosité de l'accusé comme critère et mesure de la répression.
Garofalo a mis en évidence le « crime naturel » et a déclaré :
« L'élément nécessaire à l'immoralité d'un acte préjudiciable considéré comme criminel par le public est la blessure de cette partie du sens moral qui est fondamentale aux sentiments altruistes : la pitié et la probité. »
Ses positions étaient :
- Sa philosophie déterministe est modérée.
- Politiquement, il est extrêmement conservateur.
- En politique criminelle, il est un partisan sans équivoque de la peine capitale.
Garofalo ne partageait pas la théorie criminologique anthropologique de Lombroso ni la théorie sociologique de Ferri, critiquant les typologies criminelles. Cependant, il partageait avec Lombroso et Ferri une foi aveugle dans la méthode empirique-inductive et la supériorité radicale de la société contre l'individu.
Définition du Crime Naturel selon Garofalo
Le Crime Naturel est défini comme :
« Une série de comportements préjudiciables "en soi", pour toute société et à tout moment, indépendamment même de l'évolution des revues juridiques. »
Garofalo a toujours parlé du « délinquant », mais a reconnu la nécessité logique de définir le « crime », indépendamment des directives légales. La notion de crime « naturel » visait à fournir une notion autonome du crime, strictement criminologique, définissant ainsi la portée et l'objet d'une nouvelle discipline empirique.
Garofalo précise :
« Par nature, on entend ce qui n'est pas classique, qui existe dans la société humaine quelles que soient la situation et les besoins à un moment donné, ou les points de vue particuliers du législateur. L'élément de turpitude morale requis pour qu'un acte nuisible soit considéré comme criminel par le public est un préjudice à cette partie du sens moral qui est fondamentale aux sentiments altruistes : la pitié et la probité. »
Garofalo s'opposait radicalement aux théories ataviques de Lombroso et considérait comme un vrai criminel celui qui montrait l'absence de l'un des deux sentiments fondamentaux, ou des deux :
- Le sentiment de pitié (rejet de la souffrance volontairement causée à autrui).
- Le sens de la probité (respect des droits de propriété d'autrui).
Le Délinquant Moralement Fou selon Lombroso
L'idée du « fou moral » (ou délinquant moralement fou) est basée sur le cas de Sbro (nom complet inconnu), un jeune homme de 20 ans qui, sans raison apparente, avait empoisonné son père et tué son frère. Il fut découvert et emprisonné dans un asile alors qu'il s'apprêtait à empoisonner sa mère.
La description de Lombroso des criminels moralement fous identifie les caractéristiques suivantes :
- Ils sont rares dans les hôpitaux psychiatriques, mais très fréquents dans les prisons et les maisons closes.
- Les sujets ont un poids et une force égaux ou supérieurs à la normale.
- Le crâne a une capacité égale ou supérieure à la normale et ne présente généralement pas de différences avec les crânes normaux.
- Dans certains cas, on retrouve des caractéristiques communes à l'homme criminel (mâchoire volumineuse, asymétrie faciale, etc.).
Lombroso affirme textuellement : « L'analgésie est l'un des traits les plus fréquents de la folie morale, comme chez les criminels nés. La sensibilité psychologique et morale est, par conséquent, une sublimation de la sensibilité globale. »
Comportement et Traits Psychologiques
- Les fous moraux sont très astucieux et refusent souvent le tatouage, sachant qu'il s'agit d'une distinction pénale.
- Sexualité : Précocité de la perversion sexuelle et exagération, souvent suivie d'impuissance. Lombroso identifie des anomalies significatives de l'instinct, en particulier sexuel, très précoces ou contre nature, ou associées à une férocité sanguinaire.
- Relations familiales : Les sujets sont incapables de vivre en famille. Ils répondent habituellement à la haine par la haine, à l'envie et à la vengeance, même pour des causes très légères, ou parfois sans cause.
- Égoïsme et Altruisme : Malgré un égoïsme excessif, on note parfois un altruisme, qui n'est qu'une forme de perversion des affections.
- Vanité : La mégalomanie et la vanité excessive sont très présentes. Le criminel-né, comme le fou moral, est très conscient de lui-même, mais n'a aucune conscience morale. La vanité morbide l'aide à écrire sa vie avec beaucoup de détails et d'élégance.
- Intelligence : Bien qu'il n'y ait pas d'accord entre les auteurs, Lombroso soutient que « la folie morale est un genre dont le crime est l'espèce ». Ils sont intelligents et habiles à commettre des crimes et à justifier leur caractère.
- Activité : Ils sont étrangement excitables, très paresseux pour le travail, mais montrent une activité exagérée dans les orgies et le mal.
- Dissimulation : Contrairement aux vrais criminels qui cachent leur intention et leur art, le fou moral commet ses actes au grand jour, presque comme s'il en avait le droit. Ils sont très doués pour simuler la folie.
Les délinquants nés présentent des tendances immorales très précoces, allant au-delà du premier âge.
Lombroso définit le fou moral comme « une sorte d'idiot moral qui ne peut s'élever à la compréhension du sens moral, ou si l'éducation l'avait, elle est restée théorique et ne se traduit pas en pratique. Ils sont daltoniens, aveugles moraux parce que leur rétine mentale est ou devient anesthésiée. »
Enrico Ferri : Facteurs et Politique Criminelle
Ferri a établi que les actions humaines, qu'elles soient honnêtes ou malhonnêtes, sociales ou antisociales, sont toujours le produit du corps physiopsychique de l'individu et de l'atmosphère sociale et physique qui l'entoure. Il a distingué trois catégories de facteurs criminogènes :
1. Facteurs Anthropologiques (Individuels)
- La constitution biologique du criminel (éléments somatiques : squelette, viscères, cerveau, tête).
- La constitution psychique (intelligence, sentiment, morale, etc.).
- Les caractéristiques personnelles (race, âge, sexe, état matrimonial, éducation, etc.).
2. Facteurs Physiques ou Telluriques
Climat, sol, saisons, température, agriculture, etc.
3. Facteurs Sociaux
Densité de population, opinion publique, morale, religion, famille, éducation, alcoolisme, justice, police, etc.
Il est important de noter la pertinence de l'approche de Ferri. Ce système est considéré comme le premier à traiter systématiquement la théorie des facteurs, et son approche est encore utilisée dans les traités actuels.
La Loi de Saturation Pénale de Ferri
Ferri considère le crime comme un phénomène social et établit sa loi de saturation pénale, qui stipule :
« Dans un environnement social donné, avec des conditions individuelles et physiques spécifiques, un nombre exact de crimes sera commis. »
Il s'agit d'une criminalité ordinaire, ce qui rend illusoire l'idée que les sanctions seules puissent être un recours efficace.
Ferri explique littéralement sa loi :
« Il a été démontré que la criminalité augmente dans son ensemble, avec des fluctuations annuelles plus ou moins graves, qui s'accumulent en une véritable vague de criminalité. Il est donc évident que le niveau de criminalité est déterminé chaque année par les différentes conditions de l'environnement physique et social, associées à l'hérédité et aux impulsions occasionnelles des individus, suivant une loi que, par analogie avec la saturation chimique, j'appelle saturation pénale. »
Programme de Politique Criminelle de Ferri
Ferri a suggéré un programme politique pour lutter contre la criminalité et la prévenir, indépendamment du droit pénal. Son approche est la suivante :
« Le crime est un phénomène social, avec sa propre dynamique et son étiologie spécifique, dans laquelle prédominent les facteurs sociaux. Par conséquent, la prévention et le contrôle du crime devraient être effectués par une action scientifique et réaliste des pouvoirs publics, anticipant et agissant efficacement sur les facteurs criminogènes qui le produisent. La peine seule serait inefficace si elle n'est pas précédée et accompagnée de réformes économiques et sociales appropriées. »
Ferri préconisait l'utilisation d'une sociologie pénale comme outil de lutte contre le crime, plutôt que le droit pénal. Les piliers de cette sociologie seraient la psychologie, l'anthropologie et la statistique. Il plaidait pour les vertus de l'ordre social et la nécessité de le défendre à tout prix, même au détriment des droits individuels ou de l'humanité des peines.
Les Substituts Pénaux de Ferri
Ayant démontré l'inefficacité de la peine comme moyen de défense sociale, Ferri a proposé des défenses indirectes, qu'il qualifie de « substitution pénale ».
L'idée est que le législateur, connaissant les lois psychologiques et sociologiques, peut contrôler certains facteurs de la criminalité, en particulier les facteurs sociaux, influençant ainsi indirectement mais sûrement le mouvement de la criminalité.
Ferri divise les substituts en sept groupes :
- Économiques
- Politiques
- Scientifiques
- Législatifs
- Administratifs
- Religieux
- Familiaux et d'éducation