Évolution du Roman Espagnol : Après-Guerre et Renouveau

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Le Roman Espagnol Après-Guerre (1940-1960)

La Guerre Civile a marqué une rupture dans l'évolution du roman, avec l'exil de nombreux jeunes romanciers de la Génération de 27 et un retour à la tradition pour ceux restés en Espagne. C'est le cas de Mariona Rebull d'Ignacio Agustí, ou de The Living Forest (La Forêt Vivante) de Wenceslao Fernández Flórez. Cependant, la caractéristique de cette période est le roman existentiel en Espagne, marqué par les circonstances de la guerre. Il offre un point de vue pessimiste sur la dérive des personnages dans un monde menaçant et incompréhensible. C'est le cas de Nada de Carmen Laforet et de L'Ombre du cyprès est longue de Miguel Delibes.

Dans les années 40 paraissent les premiers travaux de Camilo José Cela. Dans La familia de Pascual Duarte, le héros raconte sa propre biographie : un enchaînement de crimes et d'atrocités, largement conditionné par un environnement barbare et injuste, fait de pauvreté et de privations, ce qui fait du héros à la fois un assassin et une victime. Il fut considéré à l'époque comme « alarmiste » en raison de l'accumulation de scènes de sang et de violence.

Le Réalisme Social des Années 50

Dès les années 50, l'attention se déplace vers la critique politique et sociale, dans ce qu'on appelle le réalisme social, dont voici les principales caractéristiques :

  • Un protagoniste collectif : un secteur, un groupe, une classe ou la société en général.
  • Les actions se déroulent sur quelques jours et dans des lieux très spécifiques.
  • Le thème vise à refléter la réalité de la société espagnole, souvent médiocre.
  • L'auteur est un simple transcripteur de la réalité, reflétant fidèlement le langage courant.
  • Le but final du roman est la dénonciation sociale ou politique, parfois au détriment des valeurs artistiques.

Camilo José Cela a inauguré cette étape avec La Ruche. Il est structuré en une mosaïque de courts chapitres non numérotés, dans lesquels de courtes séquences reflètent la vie quotidienne de plus de trois cents personnages qui vivent en esquivant un présent sans espoir. Le récit passe constamment d'une scène à l'autre, sans ordre chronologique strict. C'est un roman ouvert, sans intrigue définie ni fin traditionnelle.

Miguel Delibes a publié au cours de ces années Le Chemin, Les Feuilles Rouges ou Les Rats. Dans chacun d'eux domine la défense des valeurs humaines et de la vie naturelle face à une société matérialiste et superficielle, avec un style sobre, dénué d'adjectifs superflus. Un autre titre significatif de cette époque est Le Jarama de Rafael Sánchez Ferlosio.

Le Renouveau Narratif des Années 60

L'épuisement du réalisme social se reflète dans la littérature des années soixante par une volonté de renouveau, basée sur les techniques expérimentées en Europe et en Amérique du Nord depuis les années vingt :

  • Les personnages deviennent problématiques ou indéterminés.
  • Le temps ne respecte plus la linéarité traditionnelle et acquiert une durée en fonction de l'impression que les événements causent au protagoniste ou au narrateur.
  • L'intrigue cède son importance à la nouvelle technique narrative.
  • L'auteur abandonne l'omniscience et raconte l'histoire à partir d'un certain point de vue. Utilisation du monologue intérieur ou de la transcription de la pensée, sans organisation logique ou grammaticale, d'où un développement parfois chaotique.
  • Le contrepoint (raconter des histoires qui se déroulent simultanément dans des lieux différents).
  • Innovations anecdotiques (invention de mots, entrées multiples).

À cela s'ajoute l'influence du « boom » du roman latino-américain des années soixante et du réalisme magique (Vargas Llosa, Cortázar, García Márquez...) :

  • Le réalisme magique : le monde recréé dans ces romans voit disparaître les frontières entre le réel et le merveilleux.
  • Mise sur l'expérimentation linguistique.

En 1962, Luis Martín-Santos publia Un temps de silence, un roman qui illustre parfaitement ces nouvelles tendances en Espagne. En 1966, Delibes publia Cinq heures avec Mario. Grâce à un long monologue intérieur, Carmen se remémore sa vie avec son mari Mario. Plus tard, d'autres romans importants furent publiés, comme Les Saints Innocents ou L'Hérétique. Cela intensifie l'expérimentalisme à la fin des années soixante avec San Camilo 1936 ou Office des ténèbres 5.

Gabriel García Márquez et le Réalisme Magique

Cent ans de solitude est son œuvre la plus célèbre : l'histoire de Macondo, ville mythique déjà apparue dans ses récits précédents, et de la famille Buendía, dont la saga est parallèle à la construction et à la destruction de l'histoire. Les noms et les caractéristiques des personnages se répètent au fil du temps pour souligner les événements cycliques et fatals. Les histoires sont liées les unes aux autres pour former un « conte de fées » avec toutes les caractéristiques du roman latino-américain des années soixante. Autres titres : Chronique d'une mort annoncée, L'Amour au temps du choléra. Il a remporté le prix Nobel en 1982.

Au cours du dernier quart du siècle, après l'épuisement de l'expérimentation excessive, on observe un retour à un style narratif plus traditionnel. On assiste à la récupération du récit et de sous-genres comme le thriller, le roman historique, l'aventure... Ce changement est survenu après la publication de La Vérité sur l'affaire Savolta d'Eduardo Mendoza. On note généralement l'influence des médias sociaux.

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