L'Évolution du Théâtre Espagnol : De la Transition aux Années 90
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L'abolition de la censure et l'essor du théâtre
L'abolition de la censure a été cruciale. Sa disparition a permis de présenter sur scène de nombreuses œuvres qui avaient été interdites, comme L'Architecte et l'Empereur d'Assyrie d'Arrabal ou Las arrecogías del Beaterio de Santa María Egipciaca de Martín Recuerda. À cette liberté naissante s'ajoutent la création d'entreprises théâtrales subventionnées par le gouvernement, ainsi que la prolifération des salons et des foires, provoquant un théâtre en plein essor.
Les courants de la Transition : Réalisme et « Nouveau Théâtre »
Au cours de la Transition, deux courants ont coexisté :
- L'esthétique réaliste, avec des œuvres plus ou moins engagées socialement (Buero Vallejo, Gala, Olmo, Martín Recuerda).
- Le soi-disant « Nouveau Théâtre » (Rubial, Riaz), qui s'éloigne de la figuration pour explorer des voies expérimentales.
L'apport majeur de ces vingt dernières années est sans doute la création de compagnies indépendantes : de la comédie participative (La Cubana) à la contestation (La Fura dels Baus) ou au théâtre musical (Dagoll-Dagom). Ces compagnies recherchent de nouvelles formes d'expression visant un « spectacle total ».
Le Théâtre dans les années quatre-vingt
Durant les années quatre-vingt, les deux groupes mentionnés précédemment ont perduré :
- Le courant du « Nouveau Théâtre » : Des auteurs comme Alfredo Amestoy et Sergi Belbel poursuivent ses principes (utilisation de symboles, présentation de mondes oniriques, techniques cinématographiques, théâtre de l'absurde).
- Le courant réaliste : Des auteurs comme Alonso de Santos et Sanchis Sinisterra revitalisent la farce, le grotesque et la comédie de mœurs, conférant à leurs pièces un réalisme poétique.
Caractéristiques communes du théâtre contemporain
On peut toutefois dégager certaines caractéristiques communes à l'ensemble de cette production :
- Désengagement social : La déception personnelle a conduit les auteurs à ne plus croire en la transformation de la société. Leur théâtre n'a plus la vocation militante des années soixante.
- Focus sur le quotidien : Ils délaissent les grands problèmes collectifs pour se plonger dans le domaine de la vie quotidienne. Sont mis en scène les petits conflits personnels (quête d'identité, difficulté à communiquer). Techniquement, ils utilisent un langage de dialogue court et familier.
- Méta-théâtre : La réflexion sur l'essence du théâtre apparaît comme un thème central, notamment chez Sanchis Sinisterra. Ses œuvres emblématiques, Ñaque, ou des poux et des acteurs et ¡Ay, Carmela!, renvoient à cette question.
- L'usage de l'humour : La comédie est utilisée pour prendre une certaine distance face aux problèmes quotidiens. On y trouve l'autodérision ironique ou l'humour noir.
Le courant du « Théâtre Historique »
Un courant important à la fin de la décennie est le « théâtre historique », qui cherche à présenter des événements passés à travers un ensemble de points de vue multiples, invitant le public à tirer ses propres conclusions.
Les années quatre-vingt-dix : Spectacle et co-création
Les années quatre-vingt-dix s'inscrivent dans la continuité de la décennie précédente, mais de nouvelles approches émergent, notamment l'idée que l'auteur n'est plus le démiurge qui manipule tous les fils de l'histoire. Ces approches prônent un théâtre où le spectacle a autant de valeur que le texte, et où le spectateur est considéré comme un co-créateur de l'œuvre.
Auteurs majeurs des années 90
- Alonso de Santos : Il renoue avec le théâtre sainetesco (comédie populaire) pour présenter des conflits existentiels, souvent ceux des marginaux, avec un humour ironique et parfois macabre. El estanco de Vallecas et Bajarse al moro sont deux œuvres emblématiques.
- Sanchis Sinisterra : Référent du méta-théâtre. Ses drames, d'un ton réaliste, explorent l'essence de la théâtralité.
- Paloma Pedrero : Ses pièces (comme La llamada de Lauren ou Locos de amor) s'inscrivent dans une perception réaliste du monde et plongent dans la psychologie des personnages, souvent des marginaux psychologiques et sociaux.
- Sergi Belbel : Il crée de grands drames (tels que Carícies ou Sang) en explorant les conflits humains et la difficulté des relations avec autrui.
L'essor des compagnies de théâtre collectif
Un groupe de théâtre collectif, Els Goliards, est apparu durant cette période, créé dans le but de représenter du théâtre non-commercial à travers l'Espagne. Cependant, en raison de problèmes internes, l'importance du groupe réside davantage dans son rôle de pionnier que dans son succès commercial.
C'est à Barcelone que ces compagnies ont atteint la plus grande résonance :
- Els Joglars (dirigé par Boadella) : Ils ont établi la norme à suivre. Parmi leurs plus grands succès, on trouve Ubu President, une farce politique critiquant le nationalisme extrême (visant alors le président Pujol).
- La Cubana : Le divertissement audiovisuel devient une partie importante de la représentation, comme dans Aveuglé par l'amour ou Cómeme el coco, negro. Leur théâtre est provocateur et cherche l'interaction avec le public.
- Dagoll-Dagom : Spécialisée dans les productions musicales, elle a connu un grand succès avec Pirates.
- La Fura dels Baus : Connue pour ses spectacles extérieurs qui encouragent la participation active, parfois violente, du public.
Le Théâtre Commercial et l'Évasion
Il faut enfin critiquer la présence d'un théâtre commercial dont le seul but est le divertissement, c'est-à-dire permettre au spectateur de s'évader de la réalité pendant la représentation. Santiago Moncada résume bien les principes de cette « comédie de la fraude » et les mécanismes mis en jeu pour obtenir l'approbation du public.
À cette fin, ces pièces abordent des sujets légers (réclamations d'assurance, relations hommes-femmes et leurs dérivés érotiques) et sont dépourvues de toute problématique profonde. C'est le cas dans presque toutes les comédies de Moncada, comme La Fille sans retour, qui met en scène une série d'archétypes du séducteur.
Le développement et la progression de ces pièces reposent essentiellement sur le dialogue. L'aspect verbal est essentiel, car de nombreux événements extérieurs ne sont récupérés que par la parole, sans être représentés sur scène.