Explication linéaire : « Un rêve » d'Aloysius Bertrand
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Introduction
Aloysius Bertrand est l'inventeur du poème en prose, un genre qui influencera des poètes comme Baudelaire. Son recueil Gaspard de la Nuit (1842) est publié après sa mort. Le poème « Un rêve » se situe dans un cadre nocturne et médiéval, avec une atmosphère étrange, influencée par le baroque et le romantisme. Il décrit un rêve inquiétant, une sorte de cauchemar qui se déroule à travers plusieurs scènes. Nous verrons comment ce poème rend compte de l'univers onirique à travers des lieux, des sonorités, des personnages et une évolution de l'atmosphère qui se termine par la fin du rêve.
L'épitaphe
Le poème commence par une citation de Rabelais : « J’ai rêvé tant et plus, mais je n’y entends rien. » Cette épitaphe annonce le thème du rêve et de l'incertitude, et prépare le lecteur à la difficulté d'interpréter ce rêve.
Première strophe : Lieux et atmosphère médiévale
La première strophe installe l'atmosphère du rêve. Elle commence par « Il était nuit », une phrase qui crée immédiatement une impression d'étrangeté, car « nuit » n'est pas une heure mais un moment vague. Bertrand utilise l'anaphore « ce furent d'abord » pour introduire une série de trois lieux :
- une abbaye,
- une forêt,
- et le Morimont, un lieu associé à la mort.
Ces lieux sont médiévaux et renforcent l'atmosphère sombre et inquiétante du rêve. Les murs de l'abbaye « lézardées par la lune » suggèrent la destruction, et les individus qui les peuplent sont décrits de façon animale, comme des insectes (« grouillant de capes et de chapeaux »). La nuit n'est pas calme ici, elle est pleine de vie, mais une vie inquiétante.
Deuxième strophe : Sonorités et souffrance
La deuxième strophe met en valeur des sonorités inquiétantes. L'anaphore « ce furent ensuite » marque le passage à une nouvelle partie du rêve. On entend :
- « le glas funèbre d'une cloche »,
- des « sanglots funèbres »,
- des « cris plaintifs »,
- et des « rires féroces ».
Ces sonorités témoignent d'une souffrance extrême et d'une atmosphère morbide. Le poète est enfermé dans un monde d'angoisse, de torture et de mort, symbolisé par des termes comme :
- « cellule »,
- « supplice »,
- et « pénitents ».
Cette violence est accentuée par des allitérations et des répétitions qui renforcent l'oppression du rêve.
Troisième strophe : Personnages et fin du rêve
La troisième strophe présente trois personnages :
- un moine,
- une jeune fille,
- et une référence au poète lui-même (« moi »).
Ces personnages sont associés à des images de souffrance extrême :
- « expirait »,
- « agonisants »,
- « se débattait pendue ».
La présence de la première personne du singulier souligne le rôle du poète dans ce rêve, qui, tout comme les autres personnages, subit la torture. La strophe s'achève sur une note de fin, marquée par la phrase « ainsi s'acheva le rêve ».
Quatrième strophe : Apaisement et lumière
La quatrième strophe marque un changement d'atmosphère. Les personnages, Dom Augustin et Marguerite, sont liés au champ lexical de la mort et de la religion, mais dans une tonalité plus calme. Le contraste avec la strophe précédente est évident, car la lumière fait son apparition :
- « sa blanche robe d'innocence »,
- « quatre cierges de cire ».
La lumière représente un apaisement, une transition vers quelque chose de moins terrifiant. L'allitération en « s » renforce cette douceur. La souffrance du poète semble s'atténuer et l'atmosphère devient moins oppressante.
Cinquième strophe : La fin du rêve et du poème
La dernière strophe marque la fin du rêve, avec une opposition entre le poète et les personnages de la strophe précédente. « Mais moi » marque le retour sur le poète et son rôle dans ce rêve. Une comparaison est utilisée : « la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre », suggérant que la torture échoue. Le rythme de la strophe ralentit grâce à des allitérations en « b », ce qui crée un « décrescendo », un apaisement. La fin du rêve est symbolisée par la disparition des hommes et des torches, et le rêve se termine dans l'eau, un élément qui éteint la violence. Le poète « poursuivait d'autres songes », marquant la fin du rêve et le retour à la réalité.
Conclusion
Dans ce poème, Bertrand parvient à créer une atmosphère onirique inquiétante, entre la violence de la torture et la lumière finale de l'apaisement. À travers l'utilisation de la structure tripartite, de l'anaphore et de procédés sonores, il expose un rêve étrange qui mêle souffrance, mort et apaisement. Ce poème nous montre la richesse du rêve comme symbole de l'inconscient, oscillant entre le cauchemar et l'espoir.