Fonctions Constitutionnelles du Roi d'Espagne
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Caractéristiques générales de la fonction royale
Selon l'article 56.1 de la Constitution Espagnole (CE), le Roi est le symbole de l'unité et de la permanence de l'État. Il arbitre et modère le fonctionnement régulier des institutions et assume la plus haute représentation de l'État espagnol dans les relations internationales. Cela signifie que :
- Symbole de l'unité et de la permanence de l'État : Le Roi participe à l'unité ou se réfère aux actions de tous les organes constitutionnels de l'État. La fonction royale est identifiée à la continuité historique de l'Espagne et à ses intérêts permanents, au-delà des conflits politiques partisans.
- Arbitre et modérateur : Ce sont des pouvoirs spécifiques exercés personnellement par le Roi en relation avec d'autres organes de l'État. La responsabilité de ces actes incombe cependant à ceux qui les contresignent.
- Assume la plus haute représentation : Caractéristique du Chef de l'État découlant du caractère symbolique d'unité et de permanence. Cela n'exclut pas d'autres formes de représentation subordonnées. Les réceptions et visites peuvent être contrôlées par le Gouvernement.
Fonctions particulières du Roi
Ce sont des fonctions exécutées personnellement par le Roi, mais avec la participation d'autres organes par le biais du contreseing. Ces derniers sont responsables des actes du Roi.
Fonctions relatives au Gouvernement
Nomination et révocation du Gouvernement
(Articles 62.d), 62.e) et 100 CE)
Nomination du Gouvernement
Nomination du Président du Gouvernement
Procédure ordinaire : Après les élections générales, la démission, le décès ou la perte de confiance parlementaire (art. 99.1, 100.1 et 114.1 CE). Le Roi, après consultation des groupes politiques représentés au Congrès des Députés, propose un candidat à la Présidence du Gouvernement. Si ce candidat obtient l'investiture du Congrès, le Roi le nomme Président, avec le contreseing du Président du Congrès des Députés (art. 62.d), 64.1 et 99.3 CE). Le Roi propose généralement le chef du parti majoritaire ou celui capable de former une coalition.
Procédure spéciale (motion de censure constructive) : Suite à l'adoption d'une motion de censure par le Congrès (art. 113 et 114.2 CE). La nomination est directe et automatique. Si la motion est adoptée, le Gouvernement présente sa démission au Roi, et le candidat inclus dans la motion est considéré comme investi de la confiance de la Chambre. Le Roi le nomme Président du Gouvernement avec le contreseing du Président du Congrès.
Nomination des autres membres du Gouvernement
Les ministres sont nommés par le Roi, sur proposition du Président du Gouvernement et avec son contreseing (art. 62.e) et 100 CE).
Cessation des fonctions du Gouvernement
Cessation des fonctions du Président et du Gouvernement
Le Gouvernement et son Président cessent leurs fonctions dans les cas prévus par la Constitution : démission, décès, perte de confiance parlementaire ou adoption d'une motion de censure. Le Roi constate la cessation des fonctions. Ces actes doivent être contresignés.
Cessation des fonctions des autres membres du Gouvernement
Les ministres cessent leurs fonctions sur proposition du Président du Gouvernement, avec son contreseing.
Droit d'être informé des affaires de l'État
(Article 62.g CE)
Ce droit permet au Roi, dans la tradition constitutionnelle, d'exercer une influence et de donner des conseils, notamment dans ses relations avec le Président du Gouvernement. Les "affaires de l'État" concernent les questions d'importance nationale telles que :
- Relations internationales
- Convocation de référendums
- Promulgation de décrets
- Questions relatives au commandement des Forces Armées
- Convocation et dissolution des Cortes Generales et convocation d'élections
- Exercice du droit de grâce
- Nomination de hauts fonctionnaires
Présidence du Conseil des Ministres
(Article 62.g CE)
Le Roi a le droit de présider les sessions du Conseil des Ministres, à la demande du Président du Gouvernement, lorsque celui-ci le juge opportun. Le Roi peut ainsi s'informer, encourager ou conseiller, mais il ne participe pas aux délibérations ni aux décisions. Sa présence a un caractère informatif et testimonial.
Expédition des décrets approuvés en Conseil des Ministres
(Article 62.f CE)
Le Roi expédie les décrets approuvés en Conseil des Ministres, ainsi que les décrets-lois. Ne sont pas adoptés en Conseil des Ministres les décrets relatifs à la nomination et à la révocation du Président et des autres membres du Gouvernement.
Conférer les emplois civils et militaires
(Article 62.f CE)
Le Roi confère les emplois civils et militaires, ainsi que les honneurs et distinctions, conformément aux lois. Cela concerne les postes nécessitant un décret approuvé en Conseil des Ministres (ex: directeurs généraux, généraux).
Fonctions en matière de relations internationales
(Article 63 CE)
- Accréditer les ambassadeurs et autres représentants diplomatiques ; les représentants étrangers sont accrédités auprès de lui (art. 63.1).
- Manifester le consentement de l'État pour s'obliger internationalement par des traités, conformément à la Constitution et aux lois (art. 63.2). Cela requiert l'autorisation préalable des Cortes Generales pour certains traités (politiques, militaires, affectant l'intégrité territoriale, les droits et devoirs fondamentaux, impliquant des obligations financières pour le Trésor public, ou supposant la modification ou l'abrogation d'une loi). L'initiative appartient au Gouvernement.
- Déclarer la guerre et faire la paix, après autorisation des Cortes Generales (art. 63.3), sur proposition du Gouvernement.
Commandement suprême des Forces Armées
(Article 62.h CE)
Le Roi exerce le commandement suprême des Forces Armées. C'est un pouvoir essentiellement symbolique qui requiert le contreseing ministériel. La Loi Organique 1/1984 sur la Défense Nationale établit que le Président du Gouvernement détient la direction effective, étant chargé de diriger la politique de défense et d'ordonner, coordonner et diriger l'action des Forces Armées.
Fonctions relatives aux Cortes Generales
Convocation des élections aux Cortes Generales
(Article 62.b CE)
Le Roi convoque les élections par décret royal, contresigné par le Président du Gouvernement, après délibération du Conseil des Ministres.
Convocation des sessions des Cortes Generales
(Article 62.b CE)
Le Roi convoque les Cortes Generales (session constitutive après les élections).
Dissolution des Cortes Generales
(Article 62.b CE)
Il existe différents cas de dissolution :
- Cas de l'article 99 CE : Dissolution automatique si, deux mois après le premier vote d'investiture, aucun candidat n'a obtenu la confiance du Congrès. Le Roi dissout les Cortes avec le contreseing du Président du Congrès.
- Cas de l'article 115 CE : Dissolution anticipée (du Congrès, du Sénat ou des deux Chambres) décrétée par le Roi sur proposition du Président du Gouvernement, après délibération du Conseil des Ministres et sous la responsabilité exclusive de celui-ci.
- Cas de l'article 168 CE : En cas de révision constitutionnelle totale ou d'une révision partielle affectant le Titre préliminaire, le Chapitre II Section 1 du Titre I, ou le Titre II (La Couronne), l'approbation du principe de révision par une majorité des deux tiers de chaque Chambre entraîne la dissolution immédiate des Cortes.
Sanction et promulgation des lois
(Article 62.a CE)
Le Roi sanctionne et promulgue les lois approuvées par les Cortes Generales dans un délai de 15 jours, et ordonne leur publication immédiate.
Convocation des référendums
(Article 62.c CE)
Le Roi convoque les référendums dans les cas prévus par la Constitution, notamment :
- Référendums constitutionnels (art. 167.3 et 168.3 CE).
- Référendums consultatifs sur des décisions politiques d'importance spéciale (art. 92 CE).
- Référendums liés à l'initiative autonomique et à l'approbation ou la modification de certains Statuts d'Autonomie (art. 151 et 152.2 CE).
La convocation est effectuée par le Roi, par décret royal approuvé en Conseil des Ministres et contresigné par le Président du Gouvernement.
Fonctions relatives au Pouvoir Judiciaire
Administration de la Justice
(Article 117.1 CE)
La justice émane du peuple et est administrée au nom du Roi par les juges et magistrats.
Nomination de membres du Pouvoir Judiciaire
- Nomination du Président du Tribunal Suprême, sur proposition du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (CGPJ) (art. 123.2 CE).
- Nomination des membres du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (CGPJ), dans les termes établis par la loi organique (art. 122.3 CE).
Ces nominations sont effectuées par décret royal contresigné.
Nomination du Procureur Général de l'État
(Article 124.4 CE)
Le Roi nomme le Procureur Général de l'État sur proposition du Gouvernement, après consultation du CGPJ.
Exercice du droit de grâce
(Article 62.i CE)
Le Roi exerce le droit de grâce conformément à la loi. Ce droit ne peut autoriser des grâces générales (amnisties). La Constitution interdit les amnisties générales.
Fonctions relatives au Tribunal Constitutionnel
Le Roi nomme les membres du Tribunal Constitutionnel proposés par les Cortes Generales (4), le Gouvernement (2) et le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (2). Il nomme également le Président du Tribunal Constitutionnel parmi ses membres, sur proposition de ces derniers réunis en séance plénière.
Fonctions relatives aux Communautés Autonomes
- Convocation des référendums relatifs à l'initiative autonomique et à l'approbation ou la réforme des Statuts d'Autonomie (voir section sur les référendums).
- Nomination des Présidents des Communautés Autonomes, élus par les Assemblées législatives correspondantes, avec le contreseing du Président du Gouvernement.
- Sanction et promulgation des lois des Communautés Autonomes : Les lois des Communautés Autonomes sont promulguées au nom du Roi par les Présidents des Communautés Autonomes respectives, qui ordonnent leur publication.
Autres fonctions et considérations
L'article 61.1 CE stipule que le Roi, lors de sa proclamation devant les Cortes Generales, prête serment de remplir fidèlement ses fonctions, de garder et faire garder la Constitution et les lois, et de respecter les droits des citoyens et des Communautés Autonomes. L'article 61.2 concerne le serment du Prince héritier.
Bien que le serment mentionne "garder et faire garder la Constitution", le Roi est avant tout le symbole de l'unité et de la permanence de l'État. Il ne dispose pas d'un pouvoir de veto sur les lois ; la fonction de gardien de la constitutionnalité des lois revient principalement au Tribunal Constitutionnel. La sanction et la promulgation des lois par le Roi sont des actes dus.
Au-delà des fonctions explicitement énumérées, le Roi exerce des pouvoirs implicites découlant de son rôle d'arbitre, de modérateur et de plus haute représentation de l'État :
- Audiences : Le Roi reçoit en audience des personnalités politiques (du Gouvernement et de l'opposition), des dignitaires étrangers, des représentants des institutions de l'État, des Communautés Autonomes, ainsi que des représentants des sphères sociales, économiques, culturelles, etc. Ces audiences lui permettent d'exercer son rôle modérateur et d'influence.
- Discours : Le Roi adresse des discours à la Nation (par exemple, le discours de Noël), aux Cortes Generales ou à d'autres institutions. Ces discours n'ont pas de caractère exécutif mais revêtent une importance symbolique et politique.
En résumé, les pouvoirs du Roi définissent une magistrature symbolique et d'intégration. Il encourage, conseille et est consulté. Le Roi est avant tout une autorité d'influence (auctoritas) plutôt qu'un détenteur de pouvoir décisionnel direct (potestas).