Le Franquisme : Évolution d'un Régime Totalitaire

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La mise en place du régime franquiste

Dès la victoire de Franco pendant la guerre civile, il va procéder à la création d'un nouvel État, un État totalitaire, qui peut être défini comme une dictature militaire et ecclésiastique de type traditionnel, incorporant des éléments du fascisme italien. Un système totalitaire qui concentre tout le pouvoir dans la figure du chef de l'État, le général Francisco Franco.

L'instauration de ce nouvel État est possible grâce à une victoire dans la guerre et à la répression exercée sur toutes les oppositions majeures jusqu'à sa mort, le 20 novembre 1975.

Création et consolidation de l'État totalitaire

La mise en place du régime franquiste a commencé avec la nomination du général Franco en tant que chef des armées et de l'État espagnol, le 1er octobre 1936. S'ensuit la formation d'un parti unique, le FET y de las JONS, dirigé par Franco. Ce processus s'achève avec la formation de son premier gouvernement au début de 1938, qui commence à adopter une législation conforme à l'idéologie du nouvel État.

Idéologie et structure du régime

Idéologiquement, ce nouvel État s'écarte de la conception traditionnelle de la démocratie. Franco s'appuie sur les idées de la Phalange, le conservatisme antiparlementaire du catholicisme traditionnel, pour nier le réformisme républicain et prévenir le libéralisme, le communisme, le séparatisme et l'anticatholicisme. Ces idées sont illustrées dans le document 1, un discours de Franco commémorant le Soulèvement national du 18 juillet 1938. On y lit la menace que représentent les principes communistes pour notre culture (doc. 1, lignes 1-2), la volonté de supprimer la lutte des classes (ligne 6), d'éliminer le séparatisme (ligne 5), etc., et de promouvoir les Principes fondamentaux du Mouvement, c'est-à-dire les principes de la Phalange : une Espagne unie, forte, centralisée, à la destinée universelle, une entité unique et indivisible, une Espagne inspirée par les doctrines de l'Église catholique et le national-catholicisme de la Phalange, une Espagne dirigée par le *Caudillo* (chef) en qui tous les pouvoirs sont concentrés, une Espagne qui intègre la «véritable tradition espagnole», c'est-à-dire sans libéralisme, sans démocratie, sans communisme, sans franc-maçonnerie, sans judaïsme... toutes les idéologies «dégénérées» et «étrangères».

Cette idéologie est fondée sur une structure totalitaire dont les principaux éléments sont :

Éléments clés de la structure totalitaire

  • La figure du chef de l'État : Franco concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Il détient les pouvoirs exécutif et législatif. Il a été nommé Caudillo de l'Espagne.
  • Un parti unique : le FET y de las JONS (Phalange).
  • Un syndicat vertical obligatoire est créé.
  • Des Cortes (parlement) : Franco devait donner des conseils sur la rédaction des lois.

Les soutiens sociaux du régime

Le régime de Franco s'appuie également sur le soutien de divers groupes sociaux, appelés «familles». Les plus importants sont : l'armée, l'Église, la Phalange, les pouvoirs économiques et les proches de Franco. Il est important de noter qu'il ne les utilise pas tous en même temps, mais qu'il a tendance à composer avec eux, utilisant des sous-groupes en leur sein et ne leur accordant jamais une confiance totale, maintenant ainsi le contrôle sur tous et les maintenant constamment «sous menace».

Les phases du régime franquiste

La «phase bleue» et la Seconde Guerre mondiale

Jusqu'en 1945, le régime de Franco est fondamentalement totalitaire ; c'est la «phase bleue» ou l'étape du syndicalisme national. Franco doit établir le régime. Pour ce faire, il s'appuie sur la Phalange et l'armée, utilise les idées du fascisme phalangiste et mène une importante vague de répression.

Sur le plan international, Franco est confronté au développement de la Seconde Guerre mondiale. Dans un premier temps, l'Espagne est neutre. Franco, malgré ses liens avec les puissances de l'Axe, savait que l'Espagne n'était pas en mesure de continuer à se battre et devait également établir le régime. Il a donc déclaré la neutralité de l'Espagne (contraint de maintenir l'aide des États-Unis) le 4 septembre 1939. Ensuite, les gouvernements allemand et italien ont fait pression sur l'Espagne pour qu'elle entre en guerre (l'Allemagne voulait le tungstène et la position géostratégique de l'Espagne en Méditerranée). Franco, pensant que la guerre progressait favorablement pour l'Axe à l'époque, pouvait obtenir certains avantages (l'Afrique du Nord, Gibraltar). Il a donc adopté une position de «non-belligérance» (12 juin 1940), permettant à l'Espagne de ne pas être directement impliquée dans la guerre, mais de maintenir une position d'amitié et de coopération avec l'Allemagne. Cette politique reflète la victoire du fascisme en 1940, avec l'envoi de tungstène et l'aide au contrôle (radar) de la Méditerranée. Il a rencontré les deux dictateurs : Hitler à Hendaye (France) le 23 octobre 1940 (le document 3 donne une idée de cette entrevue où l'on voit Hitler et Franco se serrer la main) et Mussolini à Bordighera (Italie) en février 1941. L'Espagne devait entrer en guerre à une date non précisée en échange de certaines compensations (l'Espagne réclamait des armes, des munitions, de la nourriture, ne voulait pas de troupes étrangères sur son sol, souhaitait augmenter ses participations en Afrique, des sous-marins allemands pour défendre les îles Canaries et les Baléares, etc.). Il semble que tant de demandes aient irrité Hitler et retardé l'accord d'entrée en guerre. Certains pensent que Franco a fait tant de demandes pour qu'Hitler choisisse de ne pas les accepter, tout en maintenant de bonnes relations. Mais le changement de scénario de la guerre (campagne de Russie et revers initiaux en Afrique du Nord, perte de l'Italie en juillet 1943, où le Grand Conseil fasciste a rejeté Mussolini, puis les troupes allemandes ont occupé l'Italie – ces succès ont suscité une grande inquiétude en Espagne) a fait que l'Espagne n'est pas entrée en guerre. Elle a seulement envoyé un groupe de volontaires qui ont formé la Division Bleue (près de 50 000 soldats et officiers engagés volontairement qui ont combattu sur le front russe). Elle a été dissoute en 1943 lorsque l'Espagne est redevenue neutre, mais une «Légion Bleue» est restée, qui a également été dissoute en mars 1944. Certains volontaires ont continué jusqu'à la fin, intégrés dans la Wehrmacht. Le 1er octobre 1943, l'Espagne est revenue à la neutralité et a commencé à se distancer des positions fascistes afin d'éviter une éventuelle intervention des puissances alliées.

L'adaptation post-1945 : le national-catholicisme

Simultanément, sur le plan interne, Franco commence à se détacher de certains éléments de la Phalange, que la Phalange tente de contrôler. À cet égard, l'incident de Begoña en 1943, lorsqu'une grenade lancée lors d'un acte phalangiste a causé des troubles carlistes, a conduit Franco à écarter les phalangistes les plus difficiles et à en prendre d'autres plus dociles. Pour ces raisons, un changement s'amorce, qui devient définitif à partir de 1945 avec la défaite de l'Allemagne. Nous entrons alors dans la phase du national-catholicisme.

Franco s'adapte aux temps qui changent et promulgue, en 1945, deux autres lois fondamentales. La première est la Charte des Espagnols, une législation consacrant certains droits et devoirs (loyauté envers la patrie, le chef de l'État, obéissance à la loi). Elle reconnaît des droits (discours, etc.) mais leur application est très difficile car ils doivent respecter la loi et les principes du Mouvement. Le texte suivant est la Loi sur le référendum national de 1945, qui habilitait Franco à soumettre à référendum les questions qu'il jugeait importantes. Parallèlement à ces lois, un autre changement s'opère : Franco écarte les phalangistes les plus radicaux et emploie davantage de personnes issues d'associations catholiques, en se concentrant sur le catholicisme (le national-catholicisme) pour tenter d'éviter l'isolement international. Cette tentative échoue, car les puissances victorieuses empêchent l'entrée de l'Espagne à l'ONU et retirent leurs ambassadeurs. Le document 4 présente un fragment de la décision de l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant le régime franquiste, qualifié de régime fasciste (doc. 4, alinéa A) et pour l'aide qu'il a reçue de l'Allemagne et de l'Italie pendant la guerre (doc. 4, alinéa B). Pour cette raison, il a été recommandé d'interdire à l'Espagne d'appartenir aux organismes internationaux créés par les Nations Unies (doc. 4, troisième alinéa) et de retirer les ambassadeurs d'Espagne (doc. 4, quatrième alinéa).

Le blocus, promu par les pays de gauche (le Mexique et l'URSS, sous la pression des exilés espagnols), espérait forcer la chute de Franco.

La fin de l'isolement et l'ère des technocrates

Mais Franco sort de l'isolement grâce aux politiques des catholiques et à l'alliance avec les États-Unis dans le contexte de la Guerre Froide (les Accords de Madrid de 1953 et l'entrée à l'ONU et dans les organismes internationaux en 1955). Franco parvient ainsi à rester au pouvoir et à poursuivre le processus d'institutionnalisation de son régime. En 1958, il promulgue les Principes fondamentaux du Mouvement national. Cette législation énonce douze principes considérés comme permanents et immuables (unité, royaume, catholicisme...). Les idées de base de la Phalange subsistent, définissant clairement la troisième phase qui commence, celle des technocrates. Cette phase s'étend de 1959 à 1975 et est motivée par l'échec économique de l'étape précédente.

L'économie franquiste : la politique d'autarcie

En ce qui concerne l'économie, juste après la guerre civile, la situation en Espagne est marquée par la destruction et le manque de capital. À cela s'ajoute la situation de la Seconde Guerre mondiale et l'isolement ultérieur. Pour ces raisons, Franco propose une politique économique appelée autarcie, c'est-à-dire l'autosuffisance. Cette politique était également motivée par un intérêt politique : tout contrôler et obtenir le soutien du peuple, en se présentant comme le défenseur de tout ce qui est espagnol.

Les principes de l'autarcie

Le document 2, un texte de Franco sur les principes fondamentaux et les lignes directrices du plan de relance économique, évoque les problèmes rencontrés. Le texte est synthétisé par une balance des paiements défavorable (doc. 2, ligne 1) : l'Espagne achète beaucoup à l'étranger, et comme cela n'est pas compensé par les ventes à l'étranger, le capital quitte l'Espagne, produisant un solde déficitaire qui n'est pas viable. Dans ces circonstances, la nécessité de réduire les achats tout en maintenant l'économie en marche suppose :

  • Un contrôle strict du commerce extérieur pour réduire les importations, comme indiqué dans le texte des paragraphes 1 et 2, afin d'éliminer les importations non essentielles et de réduire celles qui peuvent l'être. Pour cette raison, le commerce extérieur était contrôlé par des licences d'importation, et le commerce était limité aux importations de céréales, de machines, de pétrole et de matières premières essentielles. Les exportations étaient réduites aux agrumes et au tungstène (pour l'Allemagne), ce qui était très insuffisant pour compenser la balance des paiements. Ce contrôle était accompagné par l'Institut espagnol des changes étrangers (créé en 1939) pour les paiements internationaux et la mise en place d'un taux de change de la peseta supérieur au prix du marché, rendant ainsi les échanges avec l'extérieur très difficiles.
  • Le développement rapide de l'industrie pour assurer l'autosuffisance. Il fallait produire ce qui ne pouvait pas être importé. Dans ce sens, des lois sont promulguées : la Loi sur la protection et la promotion nationale de l'industrie de défense, la Loi sur la gestion et l'industrie nationale, afin de faciliter la construction d'industries de biens d'équipement, à un rythme qui impose des restrictions sur les investissements étrangers. Comme le capital privé n'a pas créé d'industries dans les années 40, l'État devient un entrepreneur majeur : la RENFE et la compagnie de téléphone sont nationalisées, et en septembre 1941 est créé l'INI (Instituto Nacional de Industria), un conglomérat de sociétés publiques visant à industrialiser rapidement face au manque d'initiative privée. L'investissement vise, avant tout, la production d'énergie (ENDESA), le matériel de transport (SEAT, CASA), l'acier, la construction navale (Astilleros) – des industries d'importance stratégique pour l'ensemble de l'économie.
  • En ce qui concerne l'agriculture : une tentative de la stimuler est faite (avec l'Institut National de la Colonisation), mais le manque d'engrais, de machines, la faible productivité, y compris la sécheresse (la «sécheresse»), entraînent des résultats négatifs : les productions d'avant-guerre ne sont pas récupérées et le rationnement se poursuit (famine, importations, marché noir pour tous types de produits).

Les conséquences de l'autarcie et la fin de l'isolement

Les résultats de cette politique autarcique étaient négatifs : les restrictions, les réglementations et l'interventionnisme ont conduit à une situation de retard et de stagnation, avec une économie non compétitive où la rareté, le trafic d'influence et la corruption étaient fréquents. Les niveaux de production étaient très faibles. Le manque d'approvisionnement a imposé le rationnement (cartes de rationnement, également pour les produits industriels), obligeant les gens à se tourner vers le marché noir.

Le salut viendra de cette situation grâce à l'aide internationale et à la fin du blocus, avec une bonne récolte agricole qui a permis la fin du rationnement. La politique anticommuniste de Franco a été favorable aux intérêts américains, ce qui a aidé Franco à briser l'isolement, à obtenir un soutien et à signer les accords hispano-américains de 1953 pour l'utilisation de bases militaires. Ainsi, les Américains ont envoyé des aliments, des machines et des centaines de millions de dollars, ce qui a permis à l'économie de se rétablir, mais un changement était nécessaire. Ce changement économique, accompagné d'un changement politique (cité ci-dessus), voit Franco céder la place, à partir de 1957, aux technocrates de l'Opus Dei pour mener la nouvelle phase (1959-1975), ce qui permet à Franco de bénéficier d'un soutien financier pour rester au pouvoir jusqu'à sa mort le 20 novembre 1975.

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