Les Trente Glorieuses : Définition, Causes et Limites

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Un taux de croissance durablement proche de 5 %, le plein-emploi, une modernisation inégalée du pays qui apporte le progrès à l’ensemble de la société, l’ascenseur social qui fonctionne, un pouvoir d’achat qui explose, et on pourrait continuer encore longtemps…

Qu'est-ce que les Trente Glorieuses ?

Les Trente Glorieuses est une période exceptionnelle de croissance qui profite à quasiment tous les pays industrialisés, durant une trentaine d’années : de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au premier choc pétrolier, soit 1945 à 1973. L’expression a été forgée par Jean Fourastié en 1979. Cette expression fait référence à « la Révolution des Trois Glorieuses », trois jours de révolte les 27, 28 et 29 juillet 1830, connus sous le nom de « Révolution de Juillet ».

Si l’on en revient aux faits, les pays de l’OCDE (soit les pays les plus développés de la planète) connaissent un taux de croissance annuelle moyenne de 4 % par an sur la période (même de 4,4 % pour les cinq premières puissances économiques de l’époque). Jamais la croissance économique n’a donc été aussi forte en Occident que pendant les Trente Glorieuses.

Origines et facteurs clés des Trente Glorieuses

Il est évident que la croissance au sortir de la guerre contraste avec la décennie précédente. Non seulement la Seconde Guerre mondiale a monopolisé les systèmes productifs (économie dédiée à la guerre) et détruit énormément de capital ; mais il ne faut pas oublier qu’elle succède à la crise des années 1930.

Avec la paix, l’heure est à la reconstruction et à la modernisation des économies. Des phénomènes plus profonds expliquent la croissance miraculeuse des Trente Glorieuses :

  • Une nouvelle révolution industrielle
  • Un cadre institutionnel renouvelé
  • Un nouveau paradigme de politique économique
  • Une évolution profonde des sociétés occidentales

En effet, la guerre, et la course technologique qui l’a accompagnée, a apporté son lot d’innovations (motorisation, électronique, nucléaire, etc.). De plus, avec la Guerre froide, cette volonté de soutenir recherche et développement s’est prolongée tout au long de la Guerre froide. Lors de la reconstruction, ces innovations ont directement été implémentées dans le système productif, améliorant significativement les gains de productivité. À cela s’ajoute une actualisation de l’organisation du travail.

Cependant, cette croissance de la production phénoménale n’aurait pas été possible s’il n’y avait pas eu une coopération internationale, un fort interventionnisme étatique, et une capacité de la demande à répondre à cette hausse de la production.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les États apparaissent très interventionnistes et sont les seuls acteurs capables de planifier à grande échelle la reconstruction et de la financer notamment.

Mais si l’État est aussi interventionniste, notamment sur toute la période des Trente Glorieuses, c’est aussi grâce au paradigme keynésien qui s’affirme dans les gouvernements et chez nombre d’économistes. La planification, la nationalisation, l’intervention de l’État dans tous les secteurs et à tous les niveaux de la vie économique ne posent alors pas problème.

Les Trente Glorieuses sont assimilables aussi à l’apparition de la consommation de masse en Europe de l’Ouest, à d’importants gains sociaux, et à une hausse des salaires significative et durable, sans oublier une moyennisation inédite de la société qui passait notamment par une forte mobilité sociale ; la Seconde Guerre mondiale a permis de grandement réduire les inégalités. Sur la même période, le salariat explose ainsi que sa féminisation et on assiste à une massification de la scolarisation. Les salaires réels augmentent face à l’émergence de syndicats forts (portés par le Parti communiste entre autres) et permettent à la demande de suivre la hausse de la production.

Mais l’après-guerre, c’est enfin l’époque du baby-boom, et la croissance démographique alimente une fois de plus la hausse de la demande.

Durable, certes, mais toutes les bonnes choses ont une fin, y compris les Trente Glorieuses. Les économistes ont longtemps expliqué la fin des Trente Glorieuses par le choc pétrolier de 1973.

Mais en réalité, la croissance des Trente Glorieuses était déjà à l’agonie. Le choc pétrolier n’a fait que révéler les limites institutionnelles de ce modèle de croissance. L’action de l’État suivant un paradigme keynésien devient moins efficace et est alors critiquée. La période est désormais celle de la stagflation, soit une inflation élevée avec une croissance plus faible, et l’apparition d’un chômage persistant.

Les Trente Glorieuses : le cas spécifique de la France

Intéressons-nous ici plus particulièrement au cas de la France durant les Trente Glorieuses. La France est un des pays européens qui a le plus surfé sur la croissance des Trente Glorieuses. Il est à noter que le PIB de la France en 1945 représente 40 % de son PIB d'avant-guerre. Ce sera une véritable révolution pour ce pays qui en quelques décennies sera irrémédiablement changé. D’abord au niveau de la structure sociale du pays : le secteur primaire chute de 50 % à 12 %, le secteur secondaire passe de 32 % à 46 % et le tertiaire de 28 % à 42 %.

  • La fin des paysans : le bouleversement du système agricole français avec en 1948 l’aide financière et matérielle du Plan Marshall qui le modernisera et l’intensifiera, faisant du pays une véritable puissance agricole mondiale. À cela s’ajoute l’exode rural.
  • Une industrialisation planifiée : en effet, la politique industrielle et les plans quinquennaux développent de véritables secteurs industriels. Réseaux de télécommunication, de transports, banques et assurances.
  • La tertiarisation : la population active se « salarise », se féminise et se tertiarise.

Les Trente Glorieuses françaises sont donc une période transitoire.

Entre 1945 et 1948, le rationnement est toujours en vigueur, les logements et les infrastructures sont à restaurer et à renouveler.

Les Trente Glorieuses en France, c’est aussi le passage de la IVe à la Ve République, avec la présidence de Charles de Gaulle pendant plus de 10 ans (1959-1969) puis celle de Georges Pompidou de 1969 à 1974 ; sans oublier une période de décolonisation, d’affirmation de la puissance nucléaire française entre les deux camps de la Guerre froide, de la construction européenne.

Les limites et critiques du modèle des Trente Glorieuses

Les Trente Glorieuses ont été une période de croissance exceptionnelle et qui servent encore aujourd’hui de référence.

Ce modèle de croissance ne se préoccupait absolument pas de ses conséquences tant environnementales que sociales.

En effet, les Trente Glorieuses ont vu l’apparition d’un modèle économique basé sur une consommation de masse et une massification des échanges.

La production industrielle a crû d'environ 7 % par an au cours des années 1960, ce qui correspondait à un doublement tous les 10 ans.

Les fruits que cette croissance a apportés ont largement bénéficié à la société, laissant un mirage d'âge d'or, mais cette croissance apparaît aussi comme cause d'un modèle productiviste trop gourmand. Un modèle de croissance tel quel est intenable compte tenu du défi environnemental.

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