Grandes Œuvres de la Littérature Espagnole : Moyen Âge et Renaissance

La Société Féodale au Moyen Âge

Dans les premiers siècles du Moyen Âge, fut institué un système féodal dans lequel les rois avaient peu de pouvoir. La société était divisée en trois niveaux :

• Ceux qui prient (oratores), c'est-à-dire le clergé.
• Ceux qui combattent (bellatores), comprenant la noblesse.
• Ceux qui travaillent (laboratores), que l'on appelle le Tiers État, qui représentait le reste de la population.

Poésie des XIIIe et XIVe Siècles

Le Mester de Clerecía

Le Mester de Clerecía est une collection de poèmes narratifs à intention didactique et de nature cultivée, rédigés en strophes de quatre vers de 14 syllabes (alexandrins) avec une forte césure centrale, qui riment entre eux par une consonne.

Gonzalo de Berceo

Le premier auteur castillan dont nous connaissons le nom. Sa vie fut consacrée au service du monastère de San Millán de la Cogolla, où il exerça des tâches administratives.

Œuvres de Berceo

L'œuvre la plus éminente est Les Miracles de Notre-Dame, un recueil de 25 histoires courtes mettant en scène divers personnages dévoués à la Vierge Marie qui sont sauvés des peines de l'enfer grâce à une intervention surnaturelle. Ces miracles sont précédés d'un prologue allégorique. Chaque miracle est structuré par une introduction et présente un personnage avec de graves défauts, mais qui, étant un dévot de la Vierge, est sauvé de la honte par elle.

Style de Berceo

L'auteur se présente comme un ménestrel et adopte un langage simple, bien qu'il contienne beaucoup de mots latins.

Juan Ruiz, Archiprêtre de Hita

Le Livre du Bon Amour

Il s'agit d'un recueil d'histoires (mélange de genres). Son auteur est Juan Ruiz, archiprêtre de Hita.

Thème et Structure

Le thème de l'œuvre est une série d'aventures racontées à la première personne. À cela s'entremêlent plusieurs récits autobiographiques et des épisodes lyriques qui composent un long poème de près de 2 000 vers. Cet ensemble comprend deux éléments : l'histoire d'amour entre Don Melón et Doña Endrina, dans laquelle intervient la vieille Trotaconventos, et la bataille allégorique entre Don Carnal et Doña Cuaresma.

Intention et Style

Thème : l'amour et la tromperie. Il est difficile de déterminer si l'œuvre est didactique ou simplement un divertissement. L'auteur utilise un langage riche et parfois pittoresque, allant du style cultivé au style familier de l'époque.

Le Cantar de Mio Cid

Ce poème épique raconte les exploits de Rodrigo Díaz de Vivar, personnage réel, né à Vivar vers 1043. Le poème se compose de 3 700 vers regroupés en séries monorimes, appelées laisses. Les vers sont irréguliers quant au nombre de syllabes et sont divisés en deux hémistiches par une forte césure. La rime des vers est assonante.

Thème et Structure

Il se compose de trois parties ou chants :

1. Chant de l'Exil : Le Cid est banni par le roi Alphonse VI de Castille et se rend en terre maure. Il entreprend une série de raids qui lui procurent, ainsi qu'à sa suite, de grands bénéfices, ce qui lui permet de regagner la faveur du roi.
2. Chant des Noces : Le Cid conquiert Valence et obtient le pardon du roi. Le roi organise le mariage de Doña Elvira et Doña Sol, les filles du Cid, avec les infants de Carrión. Bien que le Cid se méfie de ce mariage, il l'accepte par loyauté envers le monarque.
3. Chant de l'Affront de Corpes : Les infants de Carrión font preuve de lâcheté à plusieurs reprises, subissant le mépris des hommes du Cid. Offensés, les infants décident de quitter Valence avec leurs épouses. En route, ils s'arrêtent dans une forêt de chênes où ils maltraitent les deux femmes par vengeance. Le Cid demande justice au roi, ce qui exige une cour à Tolède, où les infants sont jugés et condamnés, puis vaincus en duel. Le chant se termine par l'annonce d'un nouveau mariage de Doña Elvira et Doña Sol avec les fils des rois d'Aragon et de Navarre.

Le thème de base du chant est la récupération de l'honneur. L'exil est la perte de l'honneur public, qu'il récupère par la conquête de Valence. L'humiliation et l'outrage de ses filles le conduisent à perdre son honneur privé, qu'il restaure en obtenant le mariage de ses filles avec les fils des rois.

Style Littéraire et Linguistique

Le style est connu pour sa crédibilité et, en ce qui concerne la langue, plusieurs formules fixes (formes qui se répètent régulièrement) sont utilisées. Ces formules comprennent les épithètes épiques, qui permettent de nommer et d'identifier les personnages par une qualité.

Don Juan Manuel et le Comte Lucanor

Don Juan Manuel est le plus important prosateur castillan du XIVe siècle.

Œuvres de Don Juan Manuel

Les plus importantes sont le Livre du Chevalier et de l'Écuyer, dans lequel un homme interroge un jeune écuyer sur divers aspects de la vie ; le Livre des États, traitant de la conversion au christianisme d'un roi païen et d'un prince ; et, surtout, Le Comte Lucanor. Toutes ces œuvres nous offrent une magnifique mosaïque de connaissances, d'idées, de valeurs et de modes de vie dominants dans la première moitié du XIVe siècle.

Le Comte Lucanor : Un Recueil d'Exemples

Le Comte Lucanor est une combinaison d'éducation et de divertissement. L'auteur tente d'atteindre un large public et utilise le récit d'événements fictifs. L'œuvre se compose de 51 histoires, suivies d'une série de proverbes et d'un traité sur le salut de l'âme. Chaque exemple propose des modèles de comportement qui peuvent améliorer la moralité de la personne ou ses biens. Les histoires abordent des questions très diverses mais toutes ont un intérêt commun : comment maintenir et améliorer l'honneur et les finances.

Structure des Histoires

Toutes les histoires ont une structure fixe, qui se compose de quatre parties :

1. Dialogue initial : entre le Comte Lucanor et Patronio, dans lequel le comte expose un problème. Cela fournit le contexte dans lequel s'inscrit l'histoire.
2. Narration de l'histoire ou de l'exemple lui-même : faite par Patronio.
3. Application de l'histoire : au cas réel résolu et acceptation des conseils par le comte.
4. Intervention de Don Juan Manuel : qui décide d'inclure l'exemple dans le livre avec une morale.

Garcilaso de la Vega

Garcilaso de la Vega représente l'homme idéal de la Renaissance.

L'œuvre de Garcilaso est de courte durée, mais elle englobe presque tous les genres et thèmes de la tradition postérieure. L'amour est le thème constant de ses vers.

Sonnets et Chansons

Ses sonnets et chansons décrivent le processus d'un amour qui cause douleur et mélancolie à l'amant. Ces compositions peuvent être regroupées en deux catégories : les poèmes d'avant 1533 et ceux d'après 1533.

Les Églogues

Garcilaso a composé trois églogues :

• Églogue II : elle traite de l'amour malheureux de la bergère Camila et d'Albanio, que Salicio et Nemoroso tentent de consoler.
• Églogue I : rédigée en tercets, elle est divisée en deux parties. Dans la première partie, le berger Salicio raconte son amour pour Galatée, qui l'a quitté pour épouser un autre berger. Dans la deuxième partie, le berger Nemoroso pleure la mort d'Elisa. Cette églogue, recueil de chants pétrarquistes, apparaît comme une nette synthèse du nouveau sentimentalisme de la Renaissance.
• Églogue III : c'est un poème composé en octaves, qui raconte comment quatre nymphes du Tage se dirigent vers une prairie fluviale, calme et ombragée, pour broder quatre scènes. Le poème se termine par le chant de deux bergers, Tirreno et Alcina, qui expriment leurs sentiments amoureux.

Le Lazarillo de Tormes

Le Lazarillo de Tormes est une œuvre anonyme datant de 1554. C'est un livre court, considéré comme le début du roman moderne, avec un ton explicatif plausible et un caractère réaliste dans lequel le protagoniste est, en partie, le produit du monde qui l'entoure.

Fiction Réaliste

L'auteur a voulu pousser la fiction narrative à la limite de la vraisemblance, ce qui a conduit à une œuvre non signée, donnant voix au personnage. Lázaro de Tormes est celui qui écrit sa vie et, comme il convient à la condition sociale du personnage, il le fait dans un style humble.

Lázaro est un paria, un enfant qui doit vivre seul dans une société dure et cruelle. Pour la première fois dans un récit de fiction, le processus éducatif d'un enfant marque le caractère d'un homme mûr.

Structure

Le livre est divisé en sept chapitres et un prologue, ou traités, qui se connecte avec le dénouement de l'œuvre, lequel n'est compris qu'après une lecture approfondie du texte.

Les trois premiers traités, les plus longs, sont construits sur le modèle du conte. Le problème central est la faim, qui agit comme un fil conducteur. À partir du quatrième traité, l'auteur utilise la structure narrative des histoires en chaîne, comme un collier, où l'ordre des épisodes importe peu et qui peut être poursuivie à l'infini.

Postérité du Lazarillo

Le Lazarillo a inspiré d'autres œuvres picaresques, comme Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán.