Hans Jonas : La Technique, Source de Choix Inédits et Insolubles
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La Technique Moderne : Une Source de Problèmes Inédits
La complication de la vie humaine face aux choix techniques
Cette seconde conséquence, c'est la complication de la vie des hommes. Plus précisément, une complication qui naît de ce que l'homme se trouve dans l’incapacité de faire des choix éclairés. Pour comprendre cela, nous allons à nouveau faire référence à Hans Jonas.
Le cas éloquent de l'immortalité selon Hans Jonas
Dans un passage de son ouvrage intitulé : Le Principe Responsabilité (1979), il évoque un cas tout à fait éloquent : celui de l'immortalité des hommes. Il n'est plus absurde, aujourd'hui, de penser qu'un jour (pas forcément très lointain) les progrès des sciences permettront de prolonger de façon indéterminée la durée de la vie humaine. L'immortalité deviendrait une possibilité.
Il y aurait là à la fois la réalisation d'un vieux rêve de l'humanité et, corollairement, un bouleversement profond de la condition humaine. En tant que réalisation d'un vieux rêve, l'immortalité a de quoi séduire ; en tant que bouleversement, elle a de quoi inquiéter. Cette tension montre déjà que lorsque l'immortalité deviendra possible, elle posera un problème aux hommes. Un problème surtout qu'ils n'auront pas les moyens de résoudre.
L'incapacité de prendre des décisions fondamentales
Par quelle sagesse saurons-nous, en effet, ce qui est bon pour nous ? Le problème s'est-il en effet déjà posé à l'homme ? Une telle décision, engageant si profondément notre condition, a-t-elle déjà été prise ? Non. Nous serons alors devant une difficulté inédite, plutôt incapables de décider correctement. En cela, la technique devient quelque chose qui complique singulièrement la vie humaine.
Le dilemme insoluble : Immortalité ou Procréation ?
Mais allons plus loin, comme le fait Hans Jonas. Si les hommes deviennent immortels, c'est un problème de surpopulation qui se posera également. Il faudra alors choisir :
- Soit renoncer à l'immortalité,
- Soit renoncer à la procréation.
Qui saura choisir ? Qui saura ce qu'il convient de faire ? Difficile de le dire. Nous retombons donc sur la complication de la vie humaine. Mais il y a plus. Choisir l'immortalité, c'est renoncer à la procréation ; choisir la procréation, c'est renoncer à l'immortalité. On voit de suite que nous sommes enfermés dans un choix dont aucun des termes n'est intéressant. Il nous faut choisir, mais quoi que l'on choisisse, nous sommes perdants. Et cela participe également à la complication de la vie de l'homme.
La technique : une nuisance qui perturbe l'homme
À cause du progrès technique, l'homme se trouve sommé de choisir alors qu'il préférerait ne pas avoir à faire ce type de choix. Non seulement il n'a pas la sagesse qui permettrait de faire le bon choix, mais le choix n'apparaît plus intéressant. Il paraît inévitable, mais il est un problème insoluble. En ce sens, la technique, sous sa forme moderne, apparaît comme une nuisance, quelque chose qui perturbe l'homme, complique sa vie. Et cela, indépendamment des fins que poursuit l'homme. La technique est d'abord et avant tout ce qui pose problème à l'homme. À nouveau, c'est ce concept qui paraît le plus adéquat pour penser la technique.
Conclusion : La technique, de moyen à problème
Résumons-nous. La technique est sans doute aussi vieille que l'humanité. Mais avec l'apparition de la science moderne, l'homme est devenu capable de créer des techniques extrêmement puissantes. Cela a une conséquence sur la technique. On pourrait peut-être l'énoncer ainsi :
Les techniques sont passées du stade où elles permettaient toujours un peu mieux de s'adapter au monde, au stade où elles permettent de le modifier en profondeur, de le redéfinir en quelque sorte.
Cela pourrait apparaître comme une bonne chose, mais c'est en fait une série de problèmes inédits que l'homme doit désormais affronter. C'est donc l'idée de problème qui paraît être la plus adéquate pour penser la technique et non plus celle de moyen, même si celle-ci reste exacte. Les technologies sont des moyens. Mais à ne les penser que comme cela, on manque ce que sont les techniques aujourd'hui pour les hommes : des problèmes.