Introduction à la Criminologie : Histoire et Concepts Clés

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Définition et Nature Pluridisciplinaire

La criminologie est un champ de recherches pluridisciplinaire qui étudie le phénomène criminel. Elle fait appel à de nombreuses disciplines allant de la psychologie au droit, en passant par la sociologie ou l'économie. Enseignée dans des universités, elle est parfois désignée par les vocables « sciences criminelles » en français, ou « criminal studies » en anglais. Le spécialiste en criminologie se nomme criminologue.

Causes de la Criminalité

La recherche des causes de la criminalité constitue l'un des objets fondamentaux de la criminologie. L'étude de ces causes comporte différentes données ou catégories :

  • Il y a les causes générales de nature sociopolitique, économique ou culturelle qui influent sur la criminalité dans une société donnée.
  • Il y a les causes liées à des conditions présentes dans un territoire ou une localité spécifique et qui constituent un risque de développement de la criminalité.
  • Il y a des causes relatives aux caractéristiques individuelles, d'ordre physique, biologique ou psychologique, telles que les problèmes de santé, les déficiences, les problèmes mentaux ou les troubles de la personnalité.

Types de Criminologie

On distingue principalement deux approches :

  • La criminologie générale : c'est l'étude du phénomène de la criminalité, de la déviance et de la marginalité.
  • La criminologie clinique : c'est l'évaluation de la personnalité du délinquant.

Histoire de la Criminologie

Le crime et le criminel comme objet de préoccupation intellectuelle ne sont pas un fait nouveau. Malgré cela, la constitution d'une discipline scientifique indépendante prenant comme objectif principal l'étude du criminel, du crime et de la réaction sociale qui y est attachée ne s'est pas faite sans difficultés (cette question fait d'ailleurs toujours débat). À ce propos, il est intéressant de remarquer, comme le fait Alvaro Pires, que la dénomination même de cette discipline n'a pas été une évidence, qu'elle s'est faite par tâtonnement (anthropologie criminelle, sociologie criminelle, criminalogie, etc.) à la fin du XIXe siècle et que cette recherche « indique qu'il apparaissait alors quelque chose de nouveau à cette époque, quelque chose qu'on sentait le besoin d'appeler, de réfléchir et de mettre en relief d'une façon ou d'une autre »1. Le premier ouvrage utilisant explicitement le terme de « criminologie » dans son titre est le manuel intitulé La Criminologie, que publie Raffaele Garofalo en 1885.

Précurseurs et Premières Réflexions

À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, de nombreux professionnels, chacun dans leur spécialité (droit, médecine, statistiques, etc.), se sont intéressés au phénomène criminel. Leurs travaux forment le terreau à partir duquel ceux que l'on considérera plus tard comme les fondateurs de la criminologie ont posé les premiers jalons de la discipline que nous connaissons aujourd'hui.

Juristes de l'École Classique

Cesare Beccaria (1738-1794) et Jeremy Bentham (1748-1832), principaux représentants de l'École classique, ne mènent pas leurs réflexions dans le sens de la constitution d'une discipline criminologique à part entière. Cependant, s'inscrivant dans une réflexion sur le crime et sa prévention, ils peuvent être considérés non seulement comme des penseurs du droit pénal mais également comme des précurseurs de la criminologie et de la politique criminelle. Cesare Beccaria expose ainsi sa philosophie politique et juridique dans son ouvrage majeur intitulé Des délits et des peines (1764). L'auteur y développe la notion de responsabilité individuelle, de libre arbitre et de prophylaxie sociale. Il y exprime également ce que l'on appelle aujourd'hui le principe de légalitéNote 2, s'y oppose à la peine de mort et à la torture, y prône la prévention plutôt que la répression et désigne l'éducation comme meilleur moyen de lutte contre la délinquance.

Beccaria et l'École classique ont posé des principes fondamentaux, souvent repris dans les déclarations des droits :

  • « Nullum crimen, nulla poena sine lege » (« Pas de crime, pas de punition sans loi ») : aujourd’hui qualifié de principe de légalité (la formule ne sera forgée que plus tard).
  • « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée. »
  • « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. »
  • « La loi n’a le droit de proscrire que les actions nuisibles à la société. »
  • « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne sera pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »

Un autre penseur de ce courant est Jeremy Bentham, inventeur de la notion de panoptique2 et père de la philosophie utilitariste. Cette conception pose que chaque individu recherche le plaisir et tente d'éviter la peine. Il calcule donc chacune de ses actions en fonction de ce couple coût (peine) / bénéfice (plaisir). En partant de ce principe, J. Bentham met en avant la fonction dissuasive de la peine dans son ouvrage intitulé Théorie des peines et des récompenses.

On peut distinguer deux approches principales parmi les précurseurs :

  • Celle des juristes (comme Beccaria) qui s'intéressent au sort que l'on doit réserver aux délinquants.
  • Celle des médecins qui cherchent à comprendre et à traiter le criminel.

Apports de la Médecine

Les noms de Philippe Pinel et de Jean-Étienne Esquirol sont davantage associés aux débuts de la psychiatrie plutôt qu'à ceux de la criminologie. En effet, les comportements délinquants ne sont évidemment pas l'objet principal de la psychiatrie mais sont de fait entrés dans le champ de ses observations, notamment sous l'angle de l'évaluation de la responsabilité pénale3.

P. Pinel tout d'abord travaille ainsi à distinguer différentes formes d'aliénations (en se basant sur l'observation des troubles dont ses patients sont atteints) et élabore l'une des premières classifications des maladies mentales. Parmi les pathologies ainsi isolées, P. Pinel décrit la manie. Il souligne la violence des crises maniaques4 et explique que le délire n'est pas systématique. Il décrit la manie sans délire de la façon suivante : « Elle est continue, ou marquée par des accès périodiques. Nulle altération sensible dans les fonctions de l’entendement, la perception, le jugement, l’imagination, la mémoire, etc., mais perversion dans les fonctions affectives, impulsion aveugle à des actes de violence, ou même d’une fureur sanguinaire, sans qu’on puisse assigner aucune idée dominante, aucune illusion de l’imagination qui soit la cause déterminante de ces funestes penchants »5. P. Pinel défend enfin l'idée de la guérison possible des manies, guérison qui nécessite un traitement moral dans un cadre institutionnel adapté.

J.-É. Esquirol, élève de P. Pinel, poursuit l'œuvre de celui-ci et isole, en partant de la mélancolie décrite par son maître, l'entité nosologique des monomanies. Elles se caractérisent par un délire partiel, ne touchant au début qu'un seul (ou un nombre restreint) d'idées. J.-É. Esquirol inscrit les monomanies dans le prolongement des passions humaines, constituant une forme d'exagération qui échappe au contrôle de l'individu. C'est dans le cadre des monomanies qu'il fera entrer dans le domaine de la maladie mentale des comportements conduisant jusque-là leurs auteurs davantage devant un juge que devant un médecin. Il décrit en effet la monomanie homicide comme « un délire partiel, caractérisé par une impulsion plus ou moins violente au meurtre ». P. Pinel puis J.-É. Esquirol provoquent ainsi plus ou moins directement de nombreux débats sur la question de la responsabilité pénale des criminels.

Franz Joseph Gall est un médecin allemand qui a concentré son travail sur l'étude du cerveau. S'il commence par travailler sur les liens entre la matière grise et la substance blanche, il développe par la suite une théorie localisationiste selon laquelle les facultés mentales sont liées spécifiquement à certaines parties du cerveau. Il poursuit sur cette voie et, suite à des observations faites notamment sur ses étudiants, en déduit que la forme du crâne est influencée par le développement des zones cérébrales qu'il contient. Il fait donc un lien direct entre la morphologie du crâne et les traits de caractères, ouvrant la voie aux futurs travaux de Cesare Lombroso sur le criminel né. Si la question des localisations corticales reste encore aujourd'hui importante dans l'étude du cerveau, la phrénologie et les recherches sur un lien supposé entre anatomie du crâne et traits de personnalité seront quant à elles vite abandonnées9.

Fondations de la Discipline

Au XIXe siècle, deux courants principaux, regroupant ceux qui sont aujourd'hui le plus souvent considérés comme les fondateurs de la criminologie, vont s'opposer : l'école positiviste italienne et l'anthropologie criminelle française.

École Positiviste Italienne

Cette école est principalement représentée par Cesare Lombroso et par ses deux disciples Enrico Ferri et Raffaele Garofalo. Cesare Lombroso, médecin légiste italien, inspiré par la théorie évolutionniste de Charles Darwin et par la physiognomonie, est convaincu que l'homme criminel représente un type particulier, moins avancé dans son évolution que ses contemporains. Il va donc chercher à identifier les signes qui permettraient de témoigner de cet état de fait. Ces signes peuvent être d'ordre anatomique (forme du crâne, insensibilité à la douleur par exemple) mais aussi comportementaux (tatouages, usage de l'argot, etc.). Fort de ses recherches sur des milliers d'individus, il publie en 1876 son principal ouvrage, L'Uomo delinquente, dans lequel il expose sa théorie du criminel-né. Il y défend l'idée du caractère inné de la criminalité, qui résulterait donc selon lui d'un processus d'atavisme, c'est-à-dire de la résurgence de caractéristiques archaïques chez ces individus. Appliquant la méthode scientifique à l'étude du criminel, C. Lombroso est souvent considéré comme le fondateur de la criminologie scientifique10.

Enrico Ferri, un étudiant de Lombroso, a cru que l'environnement social ainsi que les facteurs biologiques jouaient un rôle prédominant et que l'accumulation de tous ces facteurs rendaient le criminel irresponsable de ses actes car hors de sa volonté. Les criminologues ont depuis rejeté les théories biologiques de Lombroso. Cette école s'est enrichie des apports de la médecine, de la biologie et de l'anthropologie.

Écoles de Pensée Criminologique

L'école positiviste n'est pas la seule école, mais elle est souvent considérée comme marquant le commencement officiel de la criminologie comme science du crime. C'est l'école positiviste qui explique que le comportement criminel est dû à des facteurs internes et externes qui sont hors du contrôle de l'individu. Des méthodes scientifiques sont introduites et appliquées pour y étudier le comportement humain. Le positivisme peut se scinder en trois parties : le positivisme biologique, psychologique et social.

Le positivisme sociologique considère que des facteurs sociologiques comme la pauvreté, le fait d'être membre d'une sous-culture (subculture) ou d'avoir reçu un niveau d'éducation peu élevé peuvent prédisposer au crime. Adolphe Quetelet utilisa l'analyse de données statistiques pour renforcer la relation entre le crime et les facteurs sociologiques. Il se rendit compte que l'âge, le genre, la pauvreté, l'éducation et la consommation d'alcool étaient des facteurs très importants liés au phénomène criminel. Rawson W. Rawson utilisa la statistique criminelle pour suggérer un lien entre la densité de la population et le nombre des crimes, ainsi il considère que les grandes villes sont un environnement favorable au phénomène criminel. Joseph Fletcher et Joseph Glyde présentèrent une publication à la Statistical Society of London sur leurs études au sujet du crime et de sa répartition. Henry Mayhew utilisa une méthode empirique et une approche ethnographique pour aborder les questions sociales et la pauvreté entre citoyens londoniens ayant du travail et ceux vivant dans la pauvreté. Émile Durkheim estime que le crime est un phénomène inévitable, inhérent à toute société humaine quelles que soient la redistribution des richesses ou les différences sociales.

Types de Criminels

Classification selon Ferri

Enrico Ferri distingue 5 types de criminels :

  • Criminels-nés
  • Délinquants aliénés
  • Délinquants d'habitude
  • Délinquants passionnels
  • Délinquants d'occasion

Autres Classifications

  • Le criminel passionnel : personne dont l'émotivité particulièrement aiguë la pousse à commettre un crime lorsque cette émotivité atteint son paroxysme (on l'appelle passion).
  • Le criminel professionnel : criminel qui a généralement atteint le sommet de sa carrière. Il s'est spécialisé dans un type de crime et en a fait son mode de vie et son gagne-pain.
  • Le criminel traditionnel : criminel qui, selon la typologie de Clinard et Quinney, se caractérise par son appartenance à un milieu généralement défavorisé, une scolarisation relativement faible et une délinquance précoce.

Le Crime Organisé

Le crime organisé est une structure humaine relativement stable de plusieurs personnes respectant les ordres d'un chef ou d'un comité de direction pour faire des profits illicites par des méthodes et dans des domaines prohibés.

Ils sont des ennemis de l'État qui, le plus souvent, dispose d'une législation inversant le fardeau de la preuve. Interpol coordonne cette répression au niveau international.

Des Entreprises Presque Comme les Autres

Les organisations criminelles fonctionnent désormais comme des entreprises tournées vers le profit. Il y a là une nette évolution, puisque, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, la mafia sicilienne privilégiait le contrôle de la société et du territoire. Le parrain est désormais un boss, ce qui va de pair avec une violence accrue2.

Domaines d'Activité Illégale

Qu'il s'agisse de trafic de stupéfiants, d'armes, de fausse monnaie, d'êtres humains (enfants, immigration clandestine, prostitution, etc.), d'organes humains ou d'espèces protégées, les organisations criminelles tirent profit de l'illégalité même de leurs trafics. Celle-ci leur permet d'organiser la rareté, d'asseoir leur monopole par la violence ou d'autres moyens sur un marché soustrait au droit, tout en laissant de simples sous-fifres assumer les risques. La majorité des fraudes aux subventions de l'Union européenne (estimée parfois à plus de 8 milliards d'euros par an) est également le fait du crime organisé, comme le détournement de l'aide au développement ou de l'aide humanitaire[réf. nécessaire]. Dans le Mezzogiorno italien, les mafias ont décuplé leurs profits dans les années 1970 grâce aux détournements de subventions de l'État italien.

Crime Organisé et Environnement

Via des activités aussi variées que le commerce et l'industrie du pétrole et de l'armement et le trafic d'armes, l'orpaillage illégal, les cultures, la transformation et le commerce de drogues, le commerce issu de la pêche illégale (qui contribue à la surpêche), le trafic d'espèces protégées et exotiques ou encore, depuis peu, via le commerce illégal du bois6 qui contribue à renforcer et accélérer la déforestation illégale, le trafic de déchets (et notamment de déchets toxiques ou radioactifs), selon l'organisation internationale de police criminelle Interpol, « Le crime organisé transnational est devenu une menace qui pèse lourdement sur l'environnement » et « un problème qui demande une réponse légale internationale forte, efficace et innovante, et ce afin de protéger les ressources naturelles, de lutter contre la corruption et la violence liée à ce type d’activité qui peut également affecter la stabilité et la sécurité d'un pays ». L'achat puis la revente de ressources environnementales comptent parmi les moyens de blanchiment de l'argent sale. Ils se font généralement conjointement avec une augmentation de la corruption, des fraudes et des vols, des meurtres au détriment notamment des peuples autochtones7.

Pour mieux identifier, classer, hiérarchiser et punir les crimes et atteintes à l'environnement, Interpol a mis en place, outre un formulaire « Environmental Crime »8, un système de formulaires dits « éco-messages »9 permettant de communiquer des données dans un format standard, via des liaisons sécurisées et avec copie de chaque message transmise au Secrétariat général d’Interpol. Ceci permet, via les bases de données d'Interpol sur le « crime environnemental » organisé, d'éventuels rapprochements avec d’autres informations. Les « éco-messages » proviennent des services de polices et sont destinés à d'autres services de polices, mais sont aussi ouverts à toutes les « autorités désignées jouissant de pouvoirs d'enquête, telles que les services chargés de la protection de l'environnement ou les autorités chargées de la protection des espèces sauvages ». S'il s'agit d'informations sensibles obtenues dans le cadre d’une enquête, les fonctionnaires doivent suivre une procédure de transmission par voie hiérarchique.

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