Justice et Devoir : Analyse Philosophique et Sociale

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Justice : Définition et Enjeux

Du latin *justus* (qui observe le droit), la justice est à la fois une valeur qui commande de rendre à chacun ce qui lui revient, une vertu qui dispose à agir conformément à cette valeur, et une institution chargée de faire appliquer la loi.

Quel Intérêt Avons-Nous à Être Justes ?

Les lois prescrivent le juste et proscrivent l'injuste. Les lois naturelles valent en elles-mêmes indépendamment des décisions humaines. Les lois positives sont instituées par un législateur. La justice peut s'opposer à notre intérêt. La question est de savoir si les concessions requises sont compensées par les bénéfices obtenus.

La Justice : Un Investissement Rentable

La justice exige le respect de règles comme celle de la propriété. Or, cette règle se révèle parfois nuisible. Par exemple, quelqu'un qui néglige ses terres, alors qu'elles pourraient être exploitées. D'après Hume, chacun reconnaîtra que, dans l'ensemble, la propriété est bénéfique : elle permet la vie en société. Par exemple, cela n'arrange personne de respecter le bien d'autrui, mais chacun préfère que ses propriétés soient respectées. La justice est utile pour soi et pour les autres : « La justice s’institue (…) par un sens de l’intérêt que l’on suppose commun à tous. » L’homme doit suivre la loi qui lui permet de protéger ses propres intérêts et ceux des autres. C’est donc pour le bien de tout un chacun que la justice existe.

La Justice : Un Outil pour les Faibles ?

L'obéissance aux lois résulte de l'éducation qui nous habitue à résister à nos pulsions. D'après Calliclès (Platon), la justice démocratique favorise les faibles (qui n'ont pas d'effort à faire pour obéir aux lois) au détriment des forts (entravés par les lois). Par exemple, le faible renonce aisément à se battre, mais le fort doit prendre sur lui. La justice conventionnelle corrige les inégalités naturelles ; la justice naturelle laisse les forts jouir de leur supériorité.

La justice donne des intérêts aux faibles, elle les rend égaux aux forts : « C’est donc en fonction d’eux-mêmes et de leurs intérêts personnels que les faibles font les lois. » Platon.

La classe sociale inférieure ou les personnes marginalisées de la société ont le plus besoin des lois pour les défendre. Leurs revendications ou révolutions leur permettent d’instaurer des lois pour leur bien. Par exemple : l’abolition de l’esclavage.

  • En fait, tant qu'il y a un fort et un faible, le premier peut soumettre le second, la justice n’est pas nécessaire. Par exemple : dialogue rapporté par l'historien grec Thucydide, où les Athéniens déclarent aux Méliens que, ayant les moyens de les écraser, ils n'ont aucune obligation envers eux. Elle ne s'impose qu'en cas de forces égales, afin de réglementer les échanges et de protéger l'intérêt de chacun. La justice existe lorsque les forces sont équilibrées, elle offre alors des intérêts égaux : « La justice prend naissance entre hommes jouissant de puissance à peu près égale. » D'après Nietzsche, c'est parce que l'origine de la justice a été oubliée qu'on la croit désintéressée.

La Justice : Au-delà de l'Intérêt

En général, personne n'est prêt à transiger sur les droits fondamentaux. Même si, en privant certains individus de leur liberté, on pouvait augmenter le bonheur global, personne n'y consentirait. La justice n'interdit certes pas de satisfaire ses désirs, donc d'atteindre en un sens le bien, mais pas à n'importe quel prix. Rawls affirme ainsi l'antériorité du juste sur le bien : la recherche du bien est encadrée par les principes de la justice. La justice est antérieure au bien, elle interdit de faire passer ses propres intérêts avant les droits : « Les droits garantis par la justice ne sont pas sujets à des marchandages politiques ni aux calculs d’intérêts sociaux. » Un État juste se détache des intérêts particuliers de la classe riche ou de l’élite sociale ou politique. Il égalise tous les hommes en interdisant la poursuite du bien individuel. Par exemple : juger un président de la République.

La Raison : Un Guide Fiable pour la Justice ?

La raison ne paraît pas disposer d'une méthode sûre dans ce domaine, qui relève du raisonnable (sagesse) et non du rationnel (science). Par exemple, le rapport entre dommage et sanction n'est pas mesurable comme un accord musical.

Se Mettre à la Place d'Autrui

« Mettez-vous à la place d’autrui, et vous serez dans le vrai point de vue pour juger ce qui est juste ou non. » Leibniz. Étant un être moral et intelligent, tout homme a le pouvoir de faire un bon jugement. Ainsi, tous les hommes porteront le même jugement sur une action ou un fait en s’imaginant à la place d’autrui. Par exemple : je n’accepte pas qu’une personne vole mes biens, donc voler est mauvais. D'après Leibniz, cette règle garantit une conduite juste, à condition de ne négliger personne. Par exemple, le professeur qui dispense un retardataire de présenter un billet doit penser à l'effet produit sur les autres élèves.

L'Absence de Règle Universelle

Les lois varient d'un pays à l'autre : « Vérité au-delà des Pyrénées, erreur en-deçà. » Pascal. Pourtant les législateurs prétendent tous conformer les lois (droit positif) à la vraie justice (droit naturel). La diversité des lois prouve que la raison ne peut trouver une règle universelle. Les lois d'un pays reflètent ses traditions. La culture nous enseigne la morale à travers la religion, les mœurs, les coutumes, les traditions et les lois sociales. Puisque la culture est un acquis collectif, la justice l’est aussi. Elle diffère d’une société à l’autre : ce qui est bon dans une société ne l’est pas dans une autre. Par exemple : la femme n’a pas les mêmes droits que l’homme dans certaines sociétés actuelles, tandis que dans d’autres elle égalise l’homme en droit.

L'absence de règle universelle ne signifie pas que tout ce qui est légal est légitime. Les législateurs peuvent même faire évoluer les lois de façon à mieux les conformer à la vraie justice. Le droit positif tend alors à se rapprocher du droit naturel.

L'Importance des Circonstances

« Les circonstances peuvent clairement faire une grande différence au moment d’évaluer la justice et l’injustice. » Anscombe. Le principe d’équité est à la base d’un jugement juste. L’homme juge selon la situation dans laquelle il se trouve. Par exemple, une personne valide commet une injustice si elle se gare sur une place pour personne à mobilité réduite.

Mais qu'en est-il si c'est pour emmener un blessé à l'hôpital ? D'après Gertrude Elizabeth Margaret Anscombe, on attend de la raison non une règle universelle, mais un éclairage.

La Loi : Source d'Injustices ?

Le pouvoir législatif fixe le droit. Les pouvoirs exécutif et judiciaire veillent à conformer les faits au droit. Or il arrive que ces pouvoirs fassent eux-mêmes obstacle à la justice.

Une Norme de Justice Indépendante

La fonction de la loi est de faire régner la justice. Mais une loi peut être jugée juste ou injuste. Le critère employé dans ce jugement est une norme indépendante de la loi ; cette norme paraît objective, mais elle est propre à l'auteur du jugement. Le jugement peut se baser sur une norme subjective de justice et non sur la loi : « Une chose n’est juste ou injuste qu’aux yeux d’un individu. » Kelsen. La norme étant subjective, il est nécessaire de créer une loi universelle commune à tous les hommes pour éviter les injustices. Par exemple : le droit international qui défend les intérêts et la protection des États du monde.

L'Injustice des Cas Imprévus

Une loi vaut pour un type de cas. Or, même quand la loi est juste, son application à un cas du type considéré peut constituer une injustice. Par exemple, le juge appliquerait la peine prévue pour un homicide, sans prise en compte de la légitime défense. L'application stricte (à la lettre) de la loi en trahit alors l'intention (l'esprit). Le législateur peut certes changer la loi. Mais d'après Aristote, la loi ne peut tout prévoir. Le juge doit interpréter la loi et l'adapter aux imprévus. « L’équitable (est) un correctif de la justice. » L’équité donne à chacun ses droits selon ses besoins et juge la personne selon les circonstances. Elle corrige la justice car elle prend en considération les exceptions à la loi et aussi les circonstances inédites qui ne sont pas toutes jugées par la loi.

L'Intérêt des Gouvernants

La loi s'impose à tous les citoyens. Elle assure l'égalité. Mais les responsables chargés de son exécution sont tentés de faire exception pour eux-mêmes. La loi ne sert plus à faire régner la justice mais à asservir le peuple.

Par exemple, certains gouvernants essaient de ne pas payer leurs impôts. La loi ne remplit sa fonction de rempart contre l'arbitraire des chefs qu'à la condition que les chefs soient justes. « S’ils (les politiciens) veulent des lois (…) c’est pour en être les arbitres. » Rousseau.

Justice et Équité

« L’équité se détourne de la justice déterminée par la loi. » Thomas d’Aquin. (cf. chapitre Devoir, problématique 3) : l’équité est le fait de donner à chacun selon ses besoins. Par exemple : prendre moins d’impôts des pauvres.

La Punition comme Réparation

« Il faut que la réparation soit effectuée à titre de punition. » Hegel. Dans l’objectif de faire régner la justice, la loi se trouve parfois dans l’obligation de punir les citoyens afin de les rééduquer aux lois de leur cité. Par exemple : prison des jeunes.

La Désobéissance Civile

« Le citoyen doit-il abandonner sa conscience au législateur ? » Thoreau. (cf. chapitre Devoir, problématique 3) L’opposition à l’État est parfois nécessaire : « Il est de mon devoir de m’assurer que je ne contribue pas au mal que je me condamne. » Thoreau présente aussi l’État comme étant parfois injuste d’où la nécessité de s’en éloigner. Par exemple : refuser de payer les impôts qui alimentent une guerre.

Le Droit : Instrument du Fort ou du Faible ?

La Loi, Instrument de l'Injustice ?

« La justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort. » Calliclès dans le *Gorgias* de Platon. Mais Platon ne partage pas cette opinion car les lois doivent être l’instrument des faibles contre les forts. (cf. problématique 1)

La Loi, Arme du Fort ?

« Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » Pascal. La loi est faite par les plus forts : les puissants transforment leurs intérêts particuliers en lois communes. Une loi doit être forte car elle est faite et protégée par les forts. Par exemple : la TVA qui est une taxe faite par les politiciens et qui est imposée à toutes les classes sociales.

  • « La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. » Pascal.
  • « La raison du plus fort est toujours la meilleure. » La Fontaine.

La Loi au Service de la Justice

« Tout ce qui est injuste est un obstacle à la liberté selon les lois universelles. » Kant. (cf. chapitre Devoir, problématique 2)

Devoir : Définition et Origines

Du latin *debere* (être obligé), le devoir est une obligation pour l’homme qui obéit à un ou plusieurs commandements.

D'où Viennent nos Devoirs ?

Un Sens Moral Inné

Le sens moral est inné à la nature humaine. Il est instinctif et ne porte pas en lui la notion du devoir : « L’homme est bon par nature. » Selon Rousseau, la morale est innée (donnée dès la naissance) et la conscience morale aussi. L’homme a en lui le sentiment du devoir sans aucun apprentissage. Il est naturel et commun à tout homme surtout que l’homme naturellement est appelé à faire le bien. Par exemple : voir quelqu’un se noyer nous pousse instinctivement à lui porter secours.

L'Apprentissage Social du Devoir

« Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa nature la justice à l’instinct et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. » Rousseau pense que les hommes ne peuvent pas vivre à l’état naturel car le sentiment moral inné a besoin d’être codifié par des lois qui vont devenir communes aux membres d’une même société. L’instinct moral devient règle morale. Par exemple : l’instinct moral qui nous oblige à respecter les parents est représenté dans les dix commandements.

La Culture et la Liberté de Choix

« Nous optons naturellement pour ce qui est conforme à la règle. » Bergson voit que c’est notre société ou culture (parents, religion, école, morale…) qui nous apprend nos devoirs en nous donnant la liberté de faire ou de ne pas faire nos devoirs. Par exemple : les règles de politesse propres à chaque pays.

La Valeur Morale d'un Devoir

Le Respect de la Loi Morale Universelle

« Le devoir est la nécessité d’accomplir une action par respect à la loi. » Kant trouve que tout devoir doit être universel c’est-à-dire connu et respecté par tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux. Il est donc commun ou le même pour tous. Le devoir est un impératif (obligation) catégorique (absolu) c’est-à-dire il doit être obligatoirement respecté par tous sans aucune exception. Par exemple : respecter la vie des autres.

L'Utilité comme Critère du Devoir

« Aucun système de morale n’exige que le seul motif de tous nos actes soit le sentiment du devoir. » Mill représente l’utilitarisme. Le devoir doit être donc utile, ce qui est bénéfique à soi et aux autres est un devoir et donc ce n’est pas le sentiment moral qui pousse l’homme à faire son devoir mais plutôt son intérêt. Par exemple : c’est de mon intérêt et de l’intérêt des autres de respecter le code routier.

  • « Aimer les hommes et les servir, c’est là notre premier devoir. » Cicéron aussi ajoute que le devoir c’est faire le bien, respecter et aider les autres. Par exemple : assister une personne malade pour qu’elle nous porte assistance en cas de besoin.

Doit-on Nécessairement Obéir à l'État ?

Le Contrat Social

« La puissance législative appartient au peuple et ne peut appartenir qu’à lui. » Rousseau présente la notion du contrat social. Ce dernier est un accord entre les citoyens et l’État. C’est donc le peuple qui fait les lois. Ainsi, le peuple obéit à l’État. Par exemple : respecter la propriété des autres.

  • « La seule façon d’ériger un tel pouvoir commun […] c’est de confier tout leur pouvoir et toute leur force à un seul homme, ou à une seule assemblée, qui puisse réduire toutes leurs volontés, par la règle de la majorité, en une seule volonté. » Hobbes dit que puisque les hommes ont fait la loi, c’est de leur devoir de lui obéir. Par exemple : la Constitution libanaise est faite par les Libanais et est respectée par eux.
  • « L’État doit être réglé de telle sorte que tous soient contraints de vivre selon les préceptes de la raison. » Spinoza ajoute que les hommes dirigés par leur raison et leur intelligence érigent et appliquent les lois. Par exemple : tuer est refusé par la majorité des hommes donc il faut respecter la vie d’autrui.
  • Le respect des lois dépend des circonstances : « L’équité se détourne de la justice déterminée par la loi. » Thomas d’Aquin dit que l’équité est le fait de donner à chacun selon ses besoins. Le devoir nous éloigne donc de l’État qui n’est pas équitable. Par exemple : prendre moins d’impôts des pauvres.

L'Opposition à l'État

« Il est de mon devoir de m’assurer que je ne contribue pas au mal que je me condamne. » Thoreau présente aussi l’État comme étant parfois injuste d’où la nécessité de s’en éloigner. Par exemple : refuser de payer les impôts qui alimentent une guerre.

La Désobéissance Légitime

« Vous devez enfreindre la loi. » Thoreau ajoute que l’opposition à un État injuste est aussi indispensable voire légitime. Par exemple : la Révolution française qui s’oppose à l’Ancien régime.

  • « Il (le peuple) a le droit de recourir à ce commun refuge que Dieu a destiné pour tous les hommes, contre la force et la violence. » Locke.
  • « Il est dévolu au peuple le droit de reprendre sa liberté originaire. » Mill. Locke et Mill donnent le droit au peuple de s’opposer à la violence de l’État. Par exemple : guerre ou révolution.

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