Kant : La Métaphysique Peut-elle Être une Science ?
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Kant et la question de la métaphysique comme science
Kant se demande si la métaphysique peut être une science. Sa réponse est négative car, selon lui, le but de la métaphysique est d'aller au-delà de l'expérience sensible. De plus, elle ne produit pas de jugements synthétiques a priori dans le domaine de la connaissance théorique, ce qui la distingue des sciences. Elle trouve cependant sa place dans la sphère de la moralité.
La thèse de Kant se situe dans le contexte du Siècle des Lumières, un mouvement qui s'oppose à la tradition, à l'autorité et à la superstition, et qui, par ailleurs, défend l'indépendance, le progrès et la science.
L'idéalisme transcendantal : synthèse de raison et expérience
Kant, initialement influencé par les principes rationalistes qui stipulent que toute connaissance est fondée sur la raison, est "réveillé de son sommeil dogmatique" par la philosophie de Hume. Il réalise alors que l'empirisme, qui soutient que toute connaissance est fondée sur l'expérience, joue également un rôle important en épistémologie.
Kant synthétise alors ces deux courants pour développer sa propre doctrine philosophique et épistémologique : l'idéalisme transcendantal. Cette synthèse se résume dans sa célèbre phrase : « Toute connaissance commence avec l'expérience, mais toute connaissance ne dérive pas de l'expérience. » Autrement dit, la raison et l'expérience sont toutes deux nécessaires pour établir une science sûre.
Les grandes questions de la philosophie kantienne
Kant aborde trois questions fondamentales :
- Que puis-je savoir ? (traitée dans sa Critique de la raison pure, 1781)
- Que dois-je faire ? (dans la Critique de la raison pratique, 1788)
- Que puis-je espérer ?
Compte tenu de l'objectif de Kant (examiner si la métaphysique peut être une science), il est nécessaire d'expliquer sa théorie de la connaissance.
La théorie kantienne de la connaissance
Sensibilité et entendement
Dans sa Critique de la raison pure, Kant présente l'Esthétique transcendantale, qui traite de la première faculté de la connaissance : la sensibilité. Celle-ci permet de recevoir des impressions et des perceptions par l'intuition, structurées par les formes a priori de l'espace et du temps.
D'autre part, l'Analytique transcendantale aborde la seconde faculté : l'entendement. Celui-ci est responsable de l'élaboration des concepts et des idées.
Les trois types de jugements
Pour Kant, il existe trois types de jugements dans la connaissance :
- Les jugements analytiques a priori : Ils n'ajoutent pas à la connaissance car le prédicat est déjà contenu dans le sujet. Ils sont universels et nécessaires, mais ne font pas progresser la science.
- Les jugements synthétiques a posteriori : Ils ajoutent à la connaissance car le prédicat n'est pas contenu dans le sujet. Ils sont contingents et particuliers.
- Les jugements synthétiques a priori : Kant identifie ce troisième type, qui était passé inaperçu chez les philosophes précédents. L'idéal de la science est de produire des jugements qui ajoutent à la connaissance (synthétiques) tout en étant nécessaires et universels (a priori).
Pourquoi la métaphysique n'est pas une science théorique
C'est pourquoi la métaphysique, telle qu'elle traite des objets au-delà de l'expérience sensible (les noumènes), ne peut être une science au même titre que les sciences empiriques qui traitent des phénomènes.
Phénomène et noumène : une distinction clé
Ces deux concepts sont distincts :
- Le phénomène est l'objet tel qu'il nous apparaît, structuré par nos formes a priori de la sensibilité (espace et temps) et les catégories de l'entendement.
- Le noumène est, quant à lui, la chose en soi, son essence indépendante de notre perception.
Le noumène est inconnaissable par la raison théorique, car toute tentative de le connaître le soumettrait aux conditions de notre entendement (catégories), le transformant ainsi en phénomène.
Les objets traditionnels de la métaphysique (Dieu, l'âme, le monde comme totalité) sont des noumènes, ce qui rend impossible d'en avoir une connaissance scientifique au sens strict.
Le rôle de la métaphysique : limites et portée
Usage théorique et usage pratique de la raison
C'est ici qu'intervient la distinction entre l'usage théorique et l'usage pratique de la raison. La métaphysique ne peut être une science dans le domaine de la raison théorique (usage négatif), car elle ne peut s'appuyer sur l'expérience.
Cependant, elle a un rôle essentiel dans le domaine de la raison pratique (usage positif), où elle fonde la morale et la liberté, domaines pour lesquels les limites de l'expérience ne s'appliquent pas de la même manière.
La métaphysique dans le domaine moral
Dans la Dialectique transcendantale, Kant montre que la métaphysique ne peut devenir une science au sens théorique. Il affirme qu'elle trouve sa véritable portée dans le domaine de la morale et de l'éthique (raison pratique), car elle ne peut satisfaire aux principes fondamentaux requis pour une connaissance scientifique basée sur l'expérience.