Les Libertés Publiques au Maroc : Cadre Juridique et Applications

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Comprendre les Libertés Publiques

La liberté est le pouvoir d'agir ou de ne pas agir, c'est la condition de l'homme qui n'appartient à aucun être. Les libertés publiques intéressent la relation entre les citoyens et les institutions et organes de l'État. Les libertés privées, quant à elles, s'intéressent aux relations des citoyens entre eux. On ne peut pas distinguer clairement entre les libertés publiques et les libertés privées, car les deux nécessitent l'intervention de l'État. Dans le cadre des libertés publiques, l'intervention de l'État est obligatoire sous deux formes : normative et institutionnelle. Tous les Droits de l'Homme ne sont pas des libertés publiques. Les deux notions ne se recouvrent pas ; autrement dit, une liberté publique est un aspect particulier de la liberté en général, régie par des textes constitutionnels, législatifs et internationaux, et soumise à un régime juridique de protection renforcé.

Libertés Publiques et Droits de l'Homme : Distinctions

Les libertés publiques et les Droits de l'Homme sont deux concepts voisins mais distincts. Il existe une différence de perspective et de contenu.

  • Perspective

    Toutes les libertés publiques sont des Droits de l'Homme, mais tout Droit de l'Homme n'est pas une liberté publique. Cette notion relève de la conception du Droit naturel. Les libertés publiques sont des Droits de l'Homme d'une nature bien définie.

  • Contenu

    Elles constituent des pouvoirs de choix, impliquant :

    • Une obligation de ne pas faire (tâche passive)
    • Une obligation de faire (tâche active)

Classification Fonctionnelle des Libertés

  1. L'Homme en tant qu'être humain

    Cela inclut le droit à la vie, de naître et de vivre, la liberté individuelle qui implique le droit à l'indépendance, la sûreté et la liberté d'aller et de venir.

  2. L'Homme membre de la société

    Cela comprend le droit à l'égalité, à la propriété, les droits politiques de la démocratie qui apparaît à cet égard comme le régime idéal, la liberté d'opinion sous diverses formes, la liberté de religion et la liberté de la presse.

  3. L'Homme agent économique

    Cela englobe la liberté de commerce et de l'industrie, la liberté de choix de la profession, la liberté syndicale, le droit à la grève, la liberté de travail et le droit à l'emploi.

Libertés Formelles et Libertés Réelles

L'origine de cette opposition vient de la critique marxiste accusant les libéraux d'avoir proclamé des droits dont la masse des citoyens ne peut jouir effectivement, faute de moyens matériels pour les mettre en œuvre.

  • La liberté matérielle

    Cela signifie la satisfaction des besoins des citoyens par l'élévation d'un niveau de vie.

  • Valeur des libertés formelles

    Ces libertés correspondent à une aspiration de toutes les sociétés, quelle que soit leur état et leur ressort, comme un besoin universel.

Le Cas Particulier des Droits Civiques

Il s'agit de l'emploi des divers droits et libertés à des fins politiques. Le contenu des droits civiques implique la reconnaissance des droits qui assurent juridiquement au citoyen la participation à la chose publique, ainsi que tous les droits et libertés qui permettent aux citoyens de participer d'une manière éclairée et sans contrainte.

Droits Civils

À l'instar de toutes les constitutions de régime démocratique, la Constitution marocaine comporte certains droits et libertés qui sont considérés comme des droits sacrés et inviolables.

La Liberté de Circulation

Elle constitue un élément essentiel de la liberté individuelle, garantie par l'article 9 de la Constitution. Malheureusement, cette liberté peut être limitée arbitrairement et illégalement par une administration peu respectueuse des principes démocratiques et qui se caractérise par son abus de pouvoir. Dans ce cadre, le rôle du juge s'avère très important. La délivrance du passeport était soumise à quelques formalités administratives lourdes, et le fonctionnaire était tenu de se procurer une autorisation de quitter le territoire, alors qu'aucun texte en vigueur ne prévoit cette formalité. L'exemple concret est celui de la décision du tribunal administratif de Rabat qui a rendu un arrêt le 28/10/1995, dans lequel le juge de l'excès de pouvoir a conclu à l'illégalité de la décision administrative d'interdire à un citoyen de quitter son pays et de se rendre en France où il réside. Le juge a annulé la décision en appliquant l'article 9 de la Constitution.

Protection de la Vie Privée

L'article 10 de la Constitution protège la vie privée des personnes et leur domicile (le domicile est inviolable car il fait partie de la vie du citoyen). Cette protection est assurée par les articles 64 et 103 de la procédure pénale et l'article 230 du Code pénal.

Droits Politiques

Les droits politiques sont des droits de première génération qui représentent une importance fondamentale, car ils sont attachés à tous les systèmes démocratiques et permettent d'évaluer le degré de démocratisation d'un système politique.

La Liberté d'Association

La Constitution a garanti cette liberté par l'article 9. Son cadre légal a été établi dès le lendemain de l'indépendance en 1958. Ce droit s'articule en trois phases :

  1. Elle ne peut être constituée qu'après le dépôt d'une déclaration préalable auprès des autorités locales, et l'administration doit délivrer un récépissé automatiquement (récépissé provisoire).
  2. L'administration doit délivrer le récépissé définitif après deux mois de la délivrance du récépissé provisoire.
  3. L'association acquiert sa légalité à partir du jour de délivrance du récépissé provisoire.
Conditions Formelles de l'Association

Elles incluent le nom des fondateurs, leurs extraits de naissance, extraits judiciaires, le statut initial de l'association, etc. L'ancien texte prévoyait la double déclaration, mais la loi 77-00 a annulé cette disposition et prévoit une unique déclaration. L'article 5 de la loi 77-00 cite toutes les conditions du dépôt d'une déclaration préalable : la naissance d'une association nécessite une déclaration préalable, un délai de 60 jours, etc.

Dissolution de l'Association

Elle est dissoute en cas d'atteinte à l'intégrité territoriale, au régime monarchique, à la religion islamique, etc. La nouvelle loi a supprimé la possibilité de suspendre les associations pour atteinte à l'ordre public.

Types d'Associations selon la Loi 77-00

  1. Associations Reconnues d'Utilité Publique

    Le législateur a modifié le Dahir par un décret (2002). Les associations ont l'obligation de tenir un livre comptable qui permet de donner une image fidèle de leur patrimoine. Elles doivent remettre un rapport annuel au Secrétariat Général du Gouvernement, et celui-ci doit être certifié par un expert-comptable.

  2. Unions ou Fédérations d'Associations

  3. Associations des Partis Politiques

    La spécificité de ce type réside essentiellement dans l'exclusion des fonctionnaires, des militaires, des policiers, des gardiens de prison et des agents des services auxiliaires. Les ressources doivent être exclusivement nationales.

  4. Associations Étrangères

    Elles sont définies à travers quatre critères fondamentaux : lorsqu'il s'agit d'une association établie au Maroc et dont le siège est à l'étranger ; lorsqu'elle a un siège au Maroc et est dirigée par des étrangers ; lorsqu'elle a des dirigeants étrangers ; ou lorsque la moitié de ses membres sont des étrangers. Pour la constitution de ce type, les associations doivent attendre trois mois dès la délivrance du récépissé provisoire pour pouvoir exercer leurs activités. Il s'agit d'une condition particulière : l'association nationale acquiert sa légalité immédiatement, vice versa, l'association étrangère doit attendre trois mois.

Le Droit de Participation à la Vie Politique

L'article 8 de la Constitution stipule que l'homme et la femme jouissent de droits politiques égaux. Sont électeurs tous les citoyens majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques. Ce droit est caractérisé par le droit à la liberté politique et est en relation étroite avec la vie réelle. Grâce à la jurisprudence relative au contentieux électoral, il a pu confirmer le principe de légalité du processus électoral (la régularité, la sincérité, la transparence du scrutin, etc.).

La Liberté d'Opinion et d'Expression

L'article 9 de la Constitution garantit à tous les citoyens la liberté d'opinion, la liberté d'expression sous toutes ses formes et la liberté de réunion. De même, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifié, consacre cette liberté dans son article 19. On peut citer à titre d'exemple la liberté de la presse, en tant que manifestation de la liberté d'opinion. Elle est régie par le Dahir de 1958, modifié par la loi 77-00 du 30/10/2002.

Cependant, en se référant au Code de la presse réglementé par le Dahir du 15/11/1958, on se rend compte que ce Dahir a perdu d'une manière évolutive la pureté de son régime libéral, et cela à travers les modifications introduites par les Dahirs du 28/05/1960, du 13/11/1963 et du 10/04/1973. Lesdites modifications visent la protection de l'ordre public, des fondements institutionnels politiques et religieux du Royaume, de la réputation des personnes, etc.

La Presse Nationale

L'article 5 de la loi 77-00 a exigé, pour la création d'un journal, le dépôt d'une déclaration préalable auprès du procureur du Roi dans le tribunal de première instance. Cette déclaration doit comporter essentiellement le nom du périodique, son mode de publication, l'état civil du directeur de publication (il doit être marocain, majeur, domicilié au Maroc et jouir de ses droits civils), et elle doit mentionner l'imprimerie chargée d'assurer la publication. Le législateur a conditionné le poste de ce directeur par sa non-appartenance à un parti du gouvernement ou au parlement (pour qu'il ne bénéficie pas de l'immunité). Dès la déclaration, le procureur du Roi doit délivrer un récépissé provisoire. Le journal acquiert sa légalité dès l'octroi de ce récépissé, et le récépissé définitif doit être obligatoirement délivré dans les 30 jours. En cas de non-réception de ce récépissé, le journal peut paraître selon l'article 6. Le journal doit paraître au cours de l'année suivant la délivrance du récépissé définitif. En cas où le directeur de publication serait membre du parlement, il doit nommer un directeur dans les 30 jours qui serait responsable de tout.

La Presse Étrangère

Elle se caractérise par un capital investi dont la majeure partie est d'origine étrangère, ou par un directeur de journal de nationalité étrangère. L'autorisation du périodique étranger prend la forme juridique d'un décret (contrairement à la presse nationale qui relève d'une déclaration). Les responsables adressent une demande qui devra respecter les mêmes formes que la déclaration nationale. Le dépôt de la demande se fait auprès du ministère de la Communication. Si l'autorisation est obtenue, les responsables doivent faire paraître le journal dans un an.

Saisie, Suspension et Interdiction

Le Dahir de 1973 permettait au Premier ministre d'interdire les périodiques nationaux lorsqu'ils portaient atteinte aux fondements constitutionnels, politiques ou religieux du Royaume, ou lorsque leur publication était de nature à troubler l'ordre public (cette compétence a été supprimée dans le Dahir modifié de 2002). Le ministre de l'Intérieur est compétent pour suspendre un périodique et aussi ordonner la saisie d'un numéro du périodique. L'arrêté du ministre de l'Intérieur est susceptible de recours devant le tribunal administratif qui doit statuer dans un délai de 24 heures (Dahir modifié 2002, loi 77-00). Le ministre de la Communication conserve toujours les mêmes compétences antérieures pour interdire l'introduction au Maroc des écrits et périodiques imprimés en dehors du Maroc pour les mêmes raisons.

Le gouvernement n'est pas habilité à interdire ou suspendre les périodiques ; il avait cette compétence dans l'ancien article 77 du Dahir de 1973 relatif à la suspension et l'interdiction des périodiques nationaux. Le législateur a confié la tâche au pouvoir judiciaire (la justice) sur la demande du parquet (le parquet déclenche l'action publique). La suspension judiciaire peut être provisoire ou définitive à l'égard des périodiques qui ne respectent pas les dispositions relatives aux qualités des responsables.

Les Réunions Publiques

Elles sont régies par la loi 76-00 et le Dahir de 2002. L'article 2, alinéa 1, stipule qu'est réputée réunion publique toute assemblée temporaire mais concertée, et dont l'ordre du jour est déterminé à l'avance. L'article 21 de la loi 76-00 stipule que toute personne a droit à la réunion publique. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique.

Caractéristiques des Réunions Publiques
  • Limitation dans le temps : Il s'agit d'une rencontre momentanée.
  • Concertation : Les réunions doivent être des rassemblements organisés d'avance et ayant un programme prédéterminé.
  • Un but : La réunion doit avoir un objectif défini.

Les Manifestations sur la Voie Publique

Les manifestations se caractérisent par une différence capitale entre le premier et le second type, que l'on distingue par le lieu. Il s'agit aussi de la déclaration préalable qui doit être remise à l'autorité administrative locale (article 11 de la Constitution). Le texte exige un délai de déclaration de 3 jours au moins et 15 jours maximum. Le législateur a exigé d'utiliser le terme « immédiatement » : l'administration doit délivrer le récépissé immédiatement (article 12 de la loi 76-00). Si l'autorité estime que cette manifestation présente une menace pour l'ordre public, elle peut l'interdire par décision écrite et motivée. Le droit de manifestation sur la voie publique est limité aux seuls partis politiques, aux organisations syndicales et aux associations professionnelles. Toutes les autres manifestations sur la voie publique sont interdites.

Les Attroupements

Un attroupement est tout rassemblement sur la voie publique dans un lieu susceptible de troubler l'ordre public (Code pénal français).

L'article 17 du Dahir de 1958 a distingué entre deux types d'attroupements : les attroupements armés et les attroupements non armés.

  • Attroupements non armés

    Ce sont ceux qui ne respectent pas la procédure des attroupements et lorsque la déclaration a été interdite.

  • Attroupements armés

    C'est lorsque plusieurs individus portent des armes cachées ou apparentes, ainsi que des objets dangereux.

Droit à l'Éducation

Ce droit est à la charge de l'État qui fournit les conditions favorables. Il est garanti par l'article 13 de la Constitution. La politique marocaine a garanti la diversité culturelle de la société marocaine à partir de 1995 avec la création de l'Institut Royal de la Culture Amazighe.

Droit au Travail

Ce droit, garanti par l'article 13 de la Constitution, est un droit fondamental de l'individu. Il exige de l'État une obligation de résultat. Si l'État n'a pas les moyens, il devra au moins procurer au citoyen un minimum de ressources nécessaires pour sa vie.

Conclusion : Limites et Dérogations aux Libertés Publiques

Concernant ces libertés, on constate que certaines dispositions de ces lois ne sont pas conformes aux instruments internationaux des droits humains et que les autorités montrent peu de soucis pour le respect de la loi. Les limites relatives à l'exercice des libertés publiques : chaque règle de droit a une exception. Le Maroc a opté pour un système de déclaration et non pas d'autorisation, mais il y a des limitations selon des règles de droit, car elles sont faites conformément aux règles de droit. Ce genre de limitations est une dérogation à caractère constitutionnel ; elles garantissent l'exercice mais le limitent à un certain niveau (cas du droit de circulation). La Constitution marocaine a prévu deux cas de dérogation : l'état d'exception et l'état de siège.

  1. L'État d'Exception

    L'article 16 de la Constitution française se distingue de l'article 35 de la Constitution marocaine. La différence importante entre ces deux articles réside dans le contrôle juridictionnel : les actes royaux échappent au contrôle juridictionnel. L'article 35 a nécessité deux types de conditions pour que le chef d'État déclare l'état d'exception :

    • Conditions de fond

      Supposant des événements qui seraient susceptibles de mettre en cause le fonctionnement des institutions constitutionnelles.

    • Conditions de forme

      L'article 35 a exigé la consultation des deux chambres du Parlement et la consultation du seul président du Conseil constitutionnel. Aussi, le Roi doit prononcer un discours aux citoyens. Il est à signaler que le législateur marocain ne prévoit aucun délai.

  2. L'État de Siège

    C'est un régime restrictif de liberté publique. Si les autorités civiles sont dessaisies au profit des autorités militaires, ces dernières voient leurs pouvoirs élargis et bénéficient de pouvoirs de police. L'état de siège est déclenché par Dahir et ne doit pas dépasser 30 jours. En France, il est proclamé par le gouvernement et dure 12 jours.

Le Triangle Sacré

« Dieu, Patrie, Roi » sont des limitations liées aux fondements du Royaume. Ce sont des lignes rouges que personne ne doit toucher.

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