Lorca : Thèmes et Style Poétique Majeurs

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Tradition et Modernité chez Lorca

Le poète porte dans son sang l'ancienne culture de son peuple et reprend également la tradition lyrique, intégrant toutes les innovations techniques de l'avant-garde. Cela entraîne une accumulation de références populaires, lyriques et plastiques. Sa poésie puise dans la tradition orale, à laquelle s'ajoute l'inspiration du cante jondo andalou. Il fusionne des éléments traditionnels avec ceux de son imagination, créant une œuvre pleine d'originalité et caractérisée par l'irrationnel. Sans renoncer aux dernières avancées, il ne rejette pas la tradition. C'est la base du « traditionalisme » de Lorca.

Lorca et le Surréalisme

Son adhésion au surréalisme a été très controversée. Souvent, des éléments surréalistes se mêlent à son langage poétique propre (sensualité, métaphore, symboles d'origine populaire ou références personnelles, ellipses...) en lien avec l'univers poétique baroque. On peut distinguer deux phases :

  • Jusqu'en 1928 : Un surréalisme plutôt vague.
  • De 1928 à 1931 : Un surréalisme plus radical (Poète à New York).

Il s'agit d'une évolution naturelle vers un langage plus violent pour exprimer la frustration, la brutalité et la mort, thèmes qui l'ont hanté presque toute sa vie.

Poésie Mythique et Symbolique

Sa poésie déploie un univers mystérieux, peuplé d'instincts ataviques et de forces anciennes qui relèvent d'une projection mythique. Sa vision de l'Andalousie est celle d'un lieu magique et symbolique. Le mot s'insère dans le mythe. Lorca ressent son existence comme une question à laquelle il faut donner une réponse poétique. Son déménagement à New York le prive de sa communication spontanée avec le monde ; de nombreux symboles positifs succombent alors sous le poids d'éléments hostiles (l'aurore devient "quatre colonnes de boue").

La Dimension Tragique

Son univers est tragique et violent. Le séisme intérieur qui traverse sa poésie lui confère une intensité particulière. Concernant l'Andalousie, il exprime une tristesse singulière, penchant vers la révolte et les larmes. Une tristesse face à l'éphémère de la vie et la réalité de la mort émane de ses vers. La mort préside à son univers poétique, souvent taché de sang. Les morts y sont violentes, la vie est tronquée. On note une obsession pour les couteaux, poignards, rasoirs... qui revêtent une composante mythique. La tragédie est omniprésente. Lorsqu'il s'écarte du néopopularisme, elle prend une teinte moins viscérale. L'aura mythique cède parfois la place au sordide et au dégoûtant. La mort reste une constante.

Amour, Sexe et Désir

Un aspect essentiel de la force vitale est la passion amoureuse. Le binôme amour-mort est constant. Le sexe est perçu comme un élan dionysiaque auquel on ne peut résister. La fécondité est une obsession ; la stérilité est douloureuse. Le renoncement à la perpétuation de l'espèce acquiert une dimension tragique. Le sentiment dominant de désolation atteint son expression symbolique maximale dans le thème de l'infertilité. On trouve des personnages sexuellement frustrés. Lorca évoque aussi son propre désir (« vif désir d'embrasser »). À partir de 1929, l'expression du sentiment amoureux devient plus tourmentée. Elle se manifeste dans toute son intensité dans Poète à New York et culmine dans les Sonnets de l'amour obscur, déchirants d'intimité et chargés d'anxiété.

Préoccupations Sociales et Solidarité

On trouve un sens aigu de la solidarité avec les opprimés, et ses poèmes reflètent une conscience sociale. Lorca est attiré par les possibilités esthétiques de ce sujet. Les marginaux deviennent des symboles de la solitude humaine, et il réalise une sublimation érotique de l'exotisme. Il explore le conflit entre l'être naturel et la civilisation, entre la spontanéité de l'instinct et la répression de la vie moderne avec ses lois et préjugés. Il condamne l'homme blanc, avide d'or américain, représentant un monde déchu. Il encourage les Noirs à la révolte, à prendre le contrôle (« les serveurs et les cuisiniers et ceux qui nettoient avec la langue les blessures des millionnaires... »).

Formes Métriques : Tradition et Liberté

Le vers lorquien présente deux aspects : l'utilisation des sources traditionnelles (populaires et cultes) et la liberté. Il oscille entre ces deux pôles, tendant vers la liberté tout en respectant certaines formes fixées par la tradition. Ses vers fluctuent au sein d'un système métrique hérité.

  • Tradition populaire : L'octosyllabe prédomine (aussi des vers de 4, 5, 6, 7, voire 2 ou 3 syllabes), souvent avec des variations sur le modèle traditionnel.
  • Tradition culte : Utilisation de l'hendécasyllabe et surtout de l'alexandrin.
  • Formes : Parfois classiques (sonnets), parfois libres.

L'ouverture au vers libre se manifeste notamment dans Poète à New York, où il se mêle à des vers composés sur des rythmes traditionnels. Lorca possède un sens inné du rythme, une intuition qui lui permet d'exploiter toutes les combinaisons sonores possibles. On perçoit un effort constant pour maîtriser une technique vers laquelle son éducation musicale l'a naturellement conduit.

Langue et Style Poétique

On trouve un large éventail de figures de style courantes : métaphores, comparaisons, épithètes, adjectifs qualificatifs, allitérations, parallélismes, etc. La métaphore est la pierre angulaire de son style ; toutes les sensations chez Lorca trouvent leur origine et leur aboutissement dans la métaphore. La personnification des éléments naturels est très fréquente, servant à lier l'homme à l'essence du monde.

Les Symboles Clés chez Lorca

Les symboles sont l'élément clé de l'univers mythique lorquien. Ils reproduisent le conflit fondamental entre la vie et la mort et possèdent des significations multiples. Beaucoup sont récurrents et identifiables, bien que leurs sens puissent varier, voire être contradictoires. Exemples notables :

  • Lune : Annonciatrice de mort, fonction de fertilisation, agent érotique.
  • Métal : Mort, conflit, danger (cuivre gitan, couleur cuivre de la peau).
  • Symboles inquiétants : Vert, noir, citernes, puits, aljibes, herbes amères, lauriers-roses, nuit, crépuscule, ombre.
  • Eau : Stagnante (mal), courante (positive, fertilisation, érotisme).
  • Cheval : Figure gitane, symbole de la quête vitale ; peut être aimable ou violent, masculin, viril, érotique ; instincts et passions (cheval sans bride) ; cheval noir (mauvais présage).
  • Sang : Tragédie, vie tronquée, mort.
  • Vent : Obscène, fatidique.
  • Porte (ouverte/fermée) : Répression ou révolution.
  • Le brisé, le mutilé : Violence, destruction.
  • Le creux, le vide : Monde privé de sens.
  • Nature (lumière, pluie, arbres, animaux) : Vie, liberté.
  • Agents de la civilisation (machines, gratte-ciel, addition, multiplication) : Mort, esclavage.

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