Le Mariage en Droit Islamique : Conditions, Règles et Spécificités
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Le Mariage en Droit Islamique : Règles et Conditions
En droit islamique classique, le mariage se compose de deux aspects étroitement liés, tant sur le plan terrestre que spirituel. Ces aspects, bien que distincts dans leur contenu, entretiennent une relation de cause à effet sur le plan spirituel : l'accomplissement du premier engage l'obligation de procéder au second, sous peine de sanction dans l'au-delà. Cependant, du point de vue des droits de l'homme ou du droit civil, ces deux événements n'ont pas de lien de causalité direct, l'un n'impliquant pas nécessairement l'autre.
Ces deux actes, à savoir la mise en place des conditions de célébration du mariage et la célébration du mariage elle-même, sont analogues à ce que le droit occidental désigne comme les fiançailles et l'acte de célébration du mariage.
Les Fiançailles et le Contrat Pré-Nuptial
Dans le système juridique islamique, les fiançailles (ou la promesse de mariage) et le contrat de mariage pré-nuptial sont l'acte par lequel sont énoncées les conditions régissant le statut matrimonial. Cela inclut toutes les questions relatives à la dot (mahr) : sa qualité, sa quantité, sa formule de paiement, ainsi que, le cas échéant, une disposition limitant la polygamie.
Principes Fondamentaux du Mariage Islamique
Ces deux événements (fiançailles et mariage) coexistent pour répondre à deux principes généraux du droit islamique, parfois difficiles à appliquer simultanément :
- Les femmes musulmanes doivent donner leur consentement au mariage une fois qu'elles ont atteint la puberté, ou si elles sont sous la tutelle de leur père ou grand-père et ont cessé d'être vierges. Elles ne peuvent donc pas se marier sans leur accord.
- Les femmes ont besoin de l'assistance d'un Wali (tuteur matrimonial) ou d'un agent pour compléter leur capacité à consentir au mariage, celui-ci agissant en leur nom.
La Capacité des Parties au Mariage
En droit islamique, la pleine capacité de donner son consentement au mariage est acquise par les hommes et les femmes dès l'atteinte de la puberté, ce qui implique une maturité physique et mentale. Cependant, il existe une différence notable avec certains systèmes juridiques où la femme n'est pas toujours en droit de gérer seule ses affaires financières et nécessite l'assistance d'un agent pour toutes les actions ayant un contenu financier.
Âge de la Capacité Matrimoniale
La capacité de contracter mariage en droit islamique est acquise avec la maturité mentale et physique, généralement liée à la puberté. Un âge précis est souvent fixé pour renforcer cette présomption de puberté. Cet âge représente le seuil minimal à partir duquel les futurs époux peuvent célébrer le mariage, et il révèle une différence importante entre les sexes : il est fixé à 15 ans pour les hommes et 12 ans pour les femmes.
Il est possible que le mariage islamique ait lieu avant cet âge, conformément aux règles sacrées, si le manque de capacité est compensé par la personne exerçant l'autorité parentale ou la tutelle (droit de jabbar) sur l'enfant. C'est cette personne qui a le pouvoir de donner son consentement au mariage des mineurs, parfois même contre leur avis. Cela constitue une exception au principe général selon lequel nul ne peut être forcé de se marier, notamment dans le cas d'une femme vierge pubère dont le Wali est le père ou le grand-père.
Le Rôle Essentiel du Wali (Tuteur Matrimonial)
La figure du Wali est cruciale. Sa présence est toujours nécessaire à la célébration du mariage, constituant une condition sine qua non de validité, même si la femme possède une capacité juridique suffisante. Cette figure est si essentielle que le mariage n'est pas valide sans lui, et ce, même après la consommation. Il peut cependant être validé a posteriori par l'approbation du Wali, l'intervention d'un Qadi (juge islamique) ou de l'autorité religieuse compétente, selon le scénario initial.
Du point de vue occidental, l'exigence de l'intervention du Wali pour la validité du mariage est souvent justifiée par l'interprétation d'une infériorité juridique de la femme en droit islamique. Tandis que d'autres États, en réglementant le mariage en coordination avec la théorie générale des contrats, ont relevé l'âge minimum du mariage pour le faire coïncider avec l'âge de la majorité légale, certains États musulmans ont eu tendance à exiger une majorité plus élevée que l'acquisition naturelle présumée du droit au mariage (ius connubii). Cette élévation de l'âge minimum est souvent prescrite non pas pour le mariage lui-même, mais pour son enregistrement officiel.
Il est essentiel que la femme, au moment de la célébration du mariage, soit assistée par un agent ou un Wali, cette exigence étant fondamentale pour la validité formelle de l'union. Le père et le grand-père sont les tuteurs les plus représentatifs, notamment lorsque la mariée est mineure ou, étant une femme ayant dépassé l'âge de la puberté, n'a pas perdu sa virginité ou a déjà été mariée.
Ce large pouvoir ou droit du Wali est cependant réduit dans certains cas, par exemple lorsque la femme (après un mariage consommé et répudié) atteint un âge où il lui serait difficile de se marier sans son propre consentement, ou dans d'autres situations spécifiques où son autonomie est reconnue.
Les Empêchements au Mariage en Droit Islamique
Il est important de noter que les empêchements au mariage en droit islamique rendent une personne haram (interdite) pour une autre. Ces interdictions peuvent être absolues, s'appliquant à toute autre personne, ou relatives, ne s'appliquant qu'à certains individus. Ils sont classés en deux catégories : permanents et non permanents (ou temporaires).
Empêchements Permanents
Cette catégorie inclut les interdictions basées sur les relations familiales (consanguinité, affinité et parenté par allaitement). La consanguinité, en droit islamique, couvre un champ plus large que dans d'autres systèmes. Font partie de cette interdiction, en plus de la consanguinité directe :
- Les cas fondés sur la parenté de sang au sens strict, incluant ceux découlant de l'inceste.
- Ceux liés par affinité (par alliance).
- Les cas provoqués par l'acte d'allaitement maternel.
L'effet invalidant de ces interdictions est particulièrement fort pour les premières hypothèses (relations de personnes physiques ou consanguinité), car elles sont considérées comme altérant fondamentalement la relation conjugale.
La Consanguinité par Allaitement
La consanguinité par allaitement est un cas particulier. Le droit islamique assimile la parenté de lait à la parenté de sang, en l'absence d'adoption légale et d'autres liens de parenté auxquels sont attribués les mêmes effets invalidants pour le mariage. L'interdiction singulière est déterminée par le fait qu'il est interdit d'épouser la mère, les filles, les sœurs ou les nièces de la nourrice, pendant les deux premières années de l'enfant, période durant laquelle l'enfant est allaité par la mère.
Une femme ne peut épouser celui qui est ou a été le mari de sa mère de lait, ni leurs descendants, mais elle peut épouser leurs parents et frères et sœurs. De plus, l'interdiction s'étend aux deux frères de lait l'un de l'autre. Il est également interdit à la nourrice d'épouser le père ou un descendant de l'enfant allaité.
Empêchements Non Permanents ou Temporaires
Ces empêchements incluent, outre l'âge, les garanties juridiques de continence (iddah et istibra), l'incapacité résultant de la répudiation triple, et les obstacles religieux.
L'Empêchement par Affinité Temporaire
Il s'agit de l'interdiction pour un homme d'épouser simultanément les sœurs, les tantes ou les nièces de son épouse tant que son mariage actuel perdure. Il peut cependant épouser une femme de sa belle-famille si elle est veuve ou divorcée. Bien qu'un homme ne puisse être marié simultanément à deux femmes ayant un lien de consanguinité entre elles (dans la mesure prévue), il peut épouser une parente par affinité après la dissolution d'un mariage précédent.
La Continence Légale (Iddah et Istibra)
De la continence légale découlent deux empêchements :
- Le délai de viduité (iddah) : Il s'agit de l'interdiction pour une femme de se remarier pendant une certaine période après la fin de son mariage. La durée de l'iddah varie selon la cause de l'extinction du mariage : 3 mois en cas de répudiation irrévocable (bâ'in), ou 4 mois et 10 jours en cas de décès du mari.
- La continence d'istibra : D'une durée d'un à deux mois maximum, elle est requise avant de procéder à un nouveau mariage si la femme a eu des relations extraconjugales ou a été violée, afin de s'assurer de l'absence de grossesse.
La Répudiation Irrévocable
Cet empêchement concerne l'interdiction pour une femme de se remarier avec l'homme qui l'a répudiée, lorsque la répudiation est devenue irrévocable (après la troisième répudiation). Cet obstacle cesse si la femme épouse un autre homme, que ce mariage est consommé puis dissous, elle peut alors contracter un nouveau mariage avec son premier mari qui l'avait répudiée.
L'Empêchement Religieux ou de Culte
Cette interdiction diffère pour les hommes et les femmes musulmanes. Pour ces dernières, l'interdiction est plus stricte : une femme musulmane ne peut épouser un homme qui n'appartient pas à son propre credo. Tandis que l'homme musulman est seulement interdit d'épouser les idolâtres et les femmes dont la religion n'est pas "du Livre". Il est donc autorisé à épouser une femme musulmane, chrétienne ou juive.
La Dot (Mahr)
Dans le mariage musulman, l'échange de consentement est un élément essentiel à sa validité. De même, la remise de la dot par la partie contractante masculine, effectuée lors de l'acte antérieur, est une condition fondamentale.
Depuis les origines du droit islamique, la dot (mahr) est une condition nécessaire à la célébration du mariage. Le marié remet à la mariée ou à sa famille une somme d'argent ou des biens afin d'obtenir son accord à la proposition de mariage. La dot est une condition sine qua non du mariage. Même si le mariage était initialement nul pour défaut de mention de la dot, il pourrait être validé a posteriori, surtout si le défaut est corrigé.
Composition de la Dot
Le montant versé au titre de la dot est généralement divisé en deux parties :
- Le Muqaddam (dot immédiate) : C'est la partie de la dot qui est donnée au Wali ou directement à la femme, qui en dispose librement.
- Le Mu'akhkhar (dot différée) : Cette partie de la dot reste en possession du mari jusqu'à la dissolution du mariage par décès ou divorce, auquel cas elle doit être administrée à la femme.
Le contrat de mariage doit impérativement inclure des clauses identifiant la dot et tous ses aspects : son montant, son mode et ses moyens de paiement, le montant correspondant au Muqaddam et sa qualité. Le défaut de mention de l'une de ces informations peut entraîner la nullité du mariage, bien que sa reconnaissance puisse être obtenue par le biais de la "dot d'équivalence". La dot peut être constituée de toutes sortes de biens, corporels ou incorporels, pourvu qu'ils soient légitimement commercialisables et aient une valeur.
Types de Dot selon la Doctrine
La doctrine attribue différents noms à la dot selon les éléments utilisés pour sa détermination :
- Dot classique : Fixée avant la consommation du mariage par les époux ou leurs représentants légaux.
- Dot d'équivalence : Fixée par un paramètre objectif, comme le statut d'un époux pour une femme aux qualités similaires à la mariée, ou ce qu'un homme exigerait pour sa sœur.
- Dot d'affectation spéciale : Acceptée par les parties contractantes ou leurs représentants avant le mariage, son montant est déterminé après la consommation.
- Dot d'arbitrage : Sa détermination est confiée à un tiers.
- Dot commissoria : Convenu par un mandataire qui a reçu du client la mission d'organiser le mariage, ce qui peut entraîner des problèmes complexes entre le mandataire et les époux, ou entre les époux eux-mêmes.
La Présence des Témoins
La présence des témoins au mariage, tout comme l'intervention du Wali et la dot, est essentielle à la validité de l'union. La différence réside dans la forme et la fonction distinctes qu'ils remplissent dans l'acte de formation du mariage. L'intervention du Wali implique une présence active au contrat de mariage, tandis que les témoins sont tenus d'être présents sans nécessairement intervenir activement. Leur fonction spécifique est de témoigner de l'échange des consentements et des engagements stipulés par les parties.
Leur mission est d'assurer l'existence même du mariage en tant qu'obligation de publicité, le distinguant ainsi des unions illégitimes. La condition de validité est qu'ils soient au nombre de deux et qu'ils soient musulmans. Pour la Charia, il est généralement requis qu'ils soient de sexe masculin, bien que dans certains courants (sunnites ou hanafites), cette règle ait été assouplie, permettant aux femmes d'être témoins, à condition que deux femmes témoins équivalent à un homme témoin. Les témoins doivent avoir l'âge légal, être libres, sains d'esprit et ne pas être sourds. Bien que cette exigence soit essentielle à la validité du mariage, il est parfois possible de le valider s'il a été conclu sans leur concours.
Les témoins ne sont pas le seul élément de publicité du mariage islamique. Actuellement, une tendance législative générale dans le monde musulman exige l'inscription du mariage dans un registre. Le non-respect de cette exigence n'entraîne pas toujours la nullité du mariage, mais le rend irrégulier, ce qui peut impliquer une sanction civile pour violation des lois civiles.
Outre cette forme traditionnelle de mariage, la plupart des États islamiques prévoient une forme plus proche de la tradition occidentale, nécessitant la présence d'une autorité religieuse (Qadi, mollah ou Imam) à la cérémonie de mariage. Cependant, il s'agit là d'une simple approche du monde occidental, et ce type de cérémonie n'est pas exclusivement ou nécessairement requis par le droit islamique.