Multilatéralisme : Défis, Chaos et Avenir du Monde

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Multilatéralisme et souveraineté des États

C’est Olof Palme qui a averti sur les risques d’une conception rigide de la souveraineté des États. S’agissant d’une question controversée, plusieurs intérêts sont en jeu. Ces intérêts, nous le verrons, ont émergé au sein d’une société où le multilatéralisme est plus nécessaire que jamais. C’est pourquoi ils ont donné lieu à des points de vue variés, qu’il faut apprécier à leur juste valeur. Ainsi, nous découvrirons la nature même de la communauté internationale : une réalité complexe, exigeant des réponses transversales.

L'illusion du multilatéralisme : un rêve brisé ?

Il y a un siècle, « La grande illusion », un petit livre écrit par Norman Angell, affirmait que l’ouverture commerciale et l’intégration économique permettraient au monde d’éviter une guerre à grande échelle. L’idée sous-jacente, le multilatéralisme, s’est avérée être un rêve impossible : peu après la parution du livre, le cauchemar de la guerre mondiale montrait la réalité à la société internationale.

S’il ne fait plus vraiment de doute que le multilatéralisme est une dimension, parmi d’autres, de la diplomatie mondiale, en déterminer les champs d’influence est une autre question. C’est l’évolution de la société mondiale qui peut souvent anticiper un changement de tendance. Mais un multilatéralisme approfondi, peut-il changer la donne réellement ? Si tel est le cas, quelles en seront les conséquences pour les Européens ?

Tout d’abord, la question se présente comme une observation de la réalité internationale. D’aucuns diront, tels les anciens prophètes, qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil : nous sommes devant les mêmes défis, mais montrant une autre façade. Il y a quelques années, la Guerre Froide entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie était à la une. Peu après, on parlait d’une construction européenne plus efficace grâce aux Communautés créées à Paris et à Rome.

Le chaos international et les défis du multilatéralisme

Maintenant, la question peut sembler plus complexe car la réalité internationale est devenue chaotique : protectionnisme, repli sur les frontières nationales, populisme aux États-Unis, dans l’UE, en Russie. C’est Hubert Védrine qui parle d’un chaos. Un chaos harmonieux, peut-être. Mais, en tout cas, un chaos. On pourrait même dire que ni l’UE, ni l’ONU, ni l’OMC, institutions multilatérales par excellence, ne sont capables de faire face à tous les défis mondiaux.

D’autres acceptent, de gré ou de force, que le monde a tellement changé que nous sommes devant une réalité exigeant de nouvelles réponses, plus multilatérales ou transfrontalières. Le cas du changement climatique en est un bon exemple. Il y a deux ans, le Français Daniel Cohn-Bendit disait : « Nous vivons sous un autre ciel. » Il ne faisait que décrire le monde actuel. Mais cet autre ciel, moins mondialisé peut-être, justifie-t-il la situation de l’OMC, ou le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien ?

Ce qui est sûr, c’est que les valeurs ont évolué : les préoccupations environnementales mondiales, mais aussi le repli vers les marchés nationaux, ou même un patriotisme identitaire, né avec la crise de la mondialisation, sont plus présents que jamais.

Égalité des États et hégémonie : une contradiction ?

En deuxième lieu, la société internationale est fondée sur l’idée que les États sont égaux entre eux. Cette idée a été consacrée par Wilson, mais la Paix de Westphalie acceptait aussi le principe de souveraineté. Il va sans dire que la société internationale s’est toujours caractérisée par la domination de quelques États sur tous les autres. La théorie des relations internationales ne peut que constater la présence d’un véritable réseau d’États soumis au pouvoir hégémonique d’une puissance.

La puissance militaire américaine en question

Ainsi trouvons-nous le cas des États-Unis, « hyperpuissance » d’après H. Védrine, dont la capacité militaire est indiscutée. Le budget militaire, la présence de son armée partout dans le monde, son arsenal nucléaire, font du géant nord-américain le maître du monde, au moins d’un point de vue militaire. Or, la situation actuelle n’est pas la même qu’il y a quelques années. L’économiste Joseph Stiglitz affirme : « Entre la chute du Mur et la chute de Lehman Brothers, les États-Unis ont été la seule puissance mondiale. À présent, je n’en suis pas sûr. »

Les trois échiquiers de Joseph Nye : l'avenir du monde

Une description de Joseph Nye, tout à fait graphique, nous montrera la raison pour laquelle le multilatéralisme est à la croisée des chemins, et l’aversion de Donald Trump pour les solutions globales en est le résultat. D’après M. Nye, la combinaison de trois parties d’échecs simultanées décidera l’avenir de la société internationale.

Le premier échiquier : la puissance militaire

Il y a un premier échiquier où la situation hégémonique est, nous l’avons déjà affirmé, nette : il s’agit du pouvoir militaire américain.

Le deuxième échiquier : l'économie et la multipolarité

Mais on peut trouver aussi un deuxième échiquier sur lequel on joue l’évolution économique des pays. C’est ici où la multipolarité bat son plein. Les États-Unis ne sont plus la seule puissance commerciale. La Chine est devenue un leader montrant une évolution spectaculaire : son PIB, sa production, son développement social, et même sa technologie sont de plus en plus remarquables. Il y en a d’autres :

  • les pays BRIC, puissances émergentes ;
  • l’Allemagne, moteur économique de l’UE ;
  • le Japon.

Dans ce deuxième échiquier, la multipolarité exige un effort diplomatique. Sans doute pouvons-nous parler d’une crise au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), provoquée non seulement par Donald Trump mais aussi par ce qu’on appelle la « fatigue négociatrice » au sein des cycles de négociation. « Mettre l’Amérique en premier » n’est que le résultat d’un déficit commercial énorme et d’un manque de confiance en l’ouverture progressive d’un pays ayant perdu une partie de son hégémonie.

Le troisième échiquier : les défis mondiaux transnationaux

Joseph Nye propose encore un troisième échiquier, plus chaotique, plus difficile pour les États : c’est la partie des défis mondiaux, hors du contrôle des pays :

  • changement climatique ;
  • drogues ;
  • migrations.

Là, le chaos n’est pas le résultat d’un manque d’entente, mais d’une incapacité historique à faire face aux grands problèmes de la planète en partant du principe de souveraineté des États-nations. À cause de cela, le multilatéralisme est la seule solution. Le système onusien en est l’exemple, mais la coopération doit augmenter, et une confiance mutuelle est de mise.

Conclusion : L'avenir du multilatéralisme face au chaos

Enfin, il est vrai que dans la société, et par rapport à l’évolution du multilatéralisme, s’est créée une situation compliquée. L’heure est venue d’affirmer que la nature même des défis internationaux exprime pourquoi António Guterres vient de faire un appel à l’action partagée de tous lors du sommet du climat à Madrid. Les racines de notre système d’États ne sont pas originales. « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil », disaient les anciens Juifs. Mais un peu après, on nous dit : « À chaque jour suffit sa peine. » Notre peine, c’est une société internationale chaotique à la recherche de solutions. Et le multilatéralisme est bien sûr indispensable. L’enjeu, c’est l’avenir du monde.

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