Nationalismes et Alliances : L'Europe à la Veille de 1914
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L'essor des nationalismes en Europe
À côté des grandes nations traditionnelles, deux pays ont enfin réussi à s'unifier et à créer une nation commune : il s'agit de l'Italie et de l'Allemagne. Ces deux nations ont donc accumulé un retard énorme comparé aux autres nations européennes, et c'est au prix d'un nationalisme fort qu'elles réussiront à entrer progressivement dans le giron des grandes puissances.
L'Allemagne : un nationalisme conquérant
L'Allemagne, qui se réunifie sous la tutelle de la Prusse en 1866, pratique à partir de là une politique internationale agressive, que ce soit dans les domaines militaire ou économique. Au niveau militaire, elle arrache l'Alsace-Lorraine à la France au terme de la bataille de Sedan en 1870. Au niveau économique, elle inonde le marché mondial de ses produits mais refuse le libre-échange et pratique une politique douanière très protectionniste.
Ce sentiment de puissance est résumé par une idée alors répandue : « De tous les peuples de la terre, c'est le peuple allemand qui a le plus de culture générale et son armée de terre est la meilleure et la première du monde ; cette maudite infériorité de notre empire colonial devient toujours pour nous plus énigmatique. »
Le pangermanisme
Le pangermanisme, une idéologie allemande prônant une politique expansionniste, est un concept très présent dans l'Allemagne d'avant-guerre. Initié par Fichte en 1808, il est originaire de la défaite allemande face à Napoléon Ier et du mouvement de libération de l'Allemagne des troupes françaises. Le pangermanisme devient rapidement un mouvement qui prône un nationalisme de libération. Cette idéologie est composée de deux courants :
- La Grande Allemagne : ce courant vise à unir tous les peuples germanophones.
- La Petite Allemagne : ce courant souhaite simplement l'union des royaumes issus de l'Empire germanique sous une autorité commune. Bismarck est le principal défenseur de ce concept et, jusqu'à son renvoi comme chancelier en 1890, c'est cette vision qui l'emporte.
L'avènement de la "Grande Allemagne"
Le concept de la Grande Allemagne prend vie avec l'empereur Guillaume II. En 1894, la Ligue pangermaniste, un mouvement raciste et nationaliste, est fondée. Elle a deux objectifs :
- L'union économique et politique de l'ensemble des peuples d'origine allemande.
- La valorisation de la supériorité de la "race allemande", exaltée par le concept mal interprété du "surhomme" de Nietzsche. Ses partisans considéraient que cet homme supérieur était symbolisé par l'Allemand. Ce sentiment s'appuie également sur la théorie pseudo-scientifique de Gobineau, qui prétendait prouver l'existence des races dans son traité de 1853, L'Essai sur l'inégalité des races humaines.
Après la Première Guerre mondiale, le nationalisme allemand se détournera de ses ambitions coloniales pour se concentrer sur une expansion européenne, ce qui explique en partie le succès du nazisme durant l'entre-deux-guerres.
La France : un nationalisme complexe
Le nationalisme français est plus complexe, présent à gauche comme à droite de l'échiquier politique. Son objectif n'est pas tant de défendre une unité ethnique que de promouvoir des idéaux :
- À gauche, il s'agit de défendre les idées universelles prônées par la Révolution française.
- À droite, il s'agit de défendre la patrie, son terroir et ses traditions, avec même certains mouvements passéistes ou nostalgiques prônant le retour de la monarchie en France.
Le mouvement de l'Action française, fondé suite à l'affaire Dreyfus, est le symbole de ce nationalisme nostalgique qui défend, à l'instar des pangermanistes, la pureté de la "race française".
Cependant, la population française n'est pas uniquement composée de nationalistes et de revanchards. La gauche républicaine exprime la volonté d'éviter le conflit. Les mouvements nationalistes considèrent ces mouvements de gauche comme antipatriotes. Pourtant, ces derniers, ainsi que le prolétariat, vont rapidement prouver le contraire.
En effet, deux semaines après la parution de son manifeste pacifiste, la CGT change radicalement de position lors du discours de Léon Jouhaux, son secrétaire général, prononcé à l'enterrement de Jean Jaurès, assassiné quatre jours plus tôt. Un ralliement similaire à l'effort de guerre sera observable en Allemagne.
Note : Si l'Europe a pu se construire, c'est en grande partie grâce à la réconciliation franco-allemande, qui avait déjà débuté avec le couple de Gaulle-Adenauer, mais qui fut scellée de manière durable par Mitterrand et Kohl dans les années 1980 et 1990.
La formation des alliances militaires
Pour se protéger des ardeurs bellicistes de leurs voisins, les États européens signent entre eux des alliances défensives plus ou moins contraignantes. Deux blocs se forment : la Triple Alliance (ou Triplice) qui groupe l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie, et la Triple Entente qui unit la France, la Russie et le Royaume-Uni.
La Triple Alliance (Triplice)
Le chancelier de l'Empire allemand, Bismarck, qui craint la volonté de revanche de la France, pose le premier jalon de la Triple Alliance en concluant en 1879 une alliance défensive entre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. L'Italie, humiliée par la prise de la Tunisie par la France, s'y joint en 1882. Par la suite, l'alliance germano-autrichienne ne cesse de s'affirmer, alors que les liens de l'Italie avec ses partenaires tendent à se relâcher.
Il s'agit d'une association à justification historique, conçue essentiellement comme un pacte de défense mutuelle en cas d'agression.
La Triple Entente
En 1892-1893, la France parvient à rompre son isolement en s'alliant avec la Russie. En 1904, elle conclut avec le Royaume-Uni une Entente cordiale. La Triple Entente achève de se former en 1907 avec le rapprochement du Royaume-Uni et de la Russie. Mais si la France et la Russie sont liées par des engagements réciproques, le Royaume-Uni, puissance coloniale rivale de la France, se borne à des promesses plus générales.
C'est une union plus pragmatique, basée sur un partage d'intérêts pour s'opposer à la Triplice, avec un Royaume-Uni initialement en retrait. L'objectif militaire gagne néanmoins du terrain, comme en témoignent les protocoles militaires.
La poudrière des Balkans
La région des Balkans devient une zone de tensions extrêmes, marquée par une succession de crises :
- 1908-1909 : L'Autriche-Hongrie décide d'annexer la province ottomane de Bosnie-Herzégovine. De ce fait, elle se heurte à la Serbie, qui est soutenue par la Russie. La France refuse de faire jouer son alliance avec la Russie et conseille la modération à la Serbie.
- Octobre 1912 : La première guerre balkanique éclate entre l'Empire ottoman et les petits États du sud des Balkans, groupés en Ligue balkanique. La Ligue, victorieuse des Turcs, doit accepter l'arbitrage des grandes puissances. La Macédoine et la Thrace sont partagées. La Serbie doit renoncer à l'Albanie, qui devient une principauté indépendante.
- 1913 : Une nouvelle guerre balkanique éclate. La Bulgarie, soutenue par l'Autriche, s'oppose aux autres vainqueurs (associés à la Roumanie) pour le partage des territoires conquis. La Bulgarie est défaite. Le traité de Bucarest partage la Macédoine entre la Grèce et la Serbie, la Roumanie s'agrandit vers le sud et la Bulgarie ne garde qu'une étroite façade sur la mer Égée.
L'attentat de Sarajevo
Le 28 juin 1914, alors qu'il visite la ville de Sarajevo en Bosnie au cours de grandes manœuvres, l'archiduc héritier d'Autriche, François-Ferdinand, est assassiné par un étudiant bosniaque, Gavrilo Princip, membre d'une société secrète liée au mouvement nationaliste "yougoslave". Le gouvernement de Belgrade n'a probablement aucune responsabilité directe dans l'affaire, mais certains officiers serbes ont participé à la préparation de l'attentat. Cet événement sera l'étincelle qui déclenchera la Première Guerre mondiale.