Panorama de la littérature catalane moderne

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Quim Monzó et le reflet de la société contemporaine

Comment les nouvelles de Quim Monzó (né en 1952) reflètent-elles la société contemporaine et quelles ressources littéraires utilise-t-il ?

Quim Monzó a écrit plusieurs recueils de nouvelles exceptionnels, dans lesquels il n'utilise jamais cette langue orthopédique qui convertit une grande partie de la littérature catalane en un cadavre rigide. La meilleure référence de ses nouvelles est le recueil Vuitanta-sis contes (Quatre-vingt-six contes, 1999).

Style et technique narrative

Les contes de Monzó surprennent et dérangent. Leur lecture met en évidence la rigueur technique de l'auteur dans l'art de la nouvelle et l'uniformité d'un style qui n'a rien à voir avec la simplification linguistique. Chaque mot chez Quim Monzó est irremplaçable et fascinant. Sa prose séduit non parce qu'elle tend à l'ornement ou à la rhétorique, mais parce que chaque mot, chaque phrase, se dépouille de l'usage quotidien neutre pour retrouver ainsi sa valeur initiale, d'où les expressions cessent d'être des lieux communs. On pourrait dire que sa prose est inimitable, comme celle de tous les grands écrivains.

Thèmes récurrents

Conflits émotionnels et solitude

Ses histoires sont le reflet de la société contemporaine, bien que davantage centrées sur les conflits émotionnels, tant dans l'espace consacré à raconter la solitude des couples que dans la description des convulsions et des contradictions qu'un individu doit souffrir et surmonter pour se réaliser seul dans n'importe quelle société. Monzó écrit des histoires en évitant toute tentation mélodramatique et, optant pour un regard cru et sec, il raconte avec froideur les convulsions du sexe et de l'amour quotidien.

Vie urbaine et aliénation

Un autre axe thématique fait de ses histoires un guide exaspéré de la vie contemporaine dans une grande ville. La solitude, le désespoir, l'ennui, les actes incompréhensibles et la routine quotidienne sont reproduits dans les errances de personnages coincés entre des voisins limités et des clients de bars, inquiets et cherchant on ne sait quelle illusion. Ces chemins sans but que prennent les protagonistes de nombreuses histoires deviennent un mélange indéterminé de rituel et de jeu. Ce sont des stratégies pour retarder la folie et le désespoir.

Fables morales et méta-littérature

Un autre groupe est constitué de fables morales qui explorent également l'activité d'écrire et de créer, les paradoxes, les ambiguïtés et les énigmes qui accompagnent l'acte de faire de la littérature.

Ouverture à l'interprétation

Ses histoires supportent de multiples lectures, car Monzó a eu suffisamment de respect pour le lecteur pour le laisser perplexe et lui ouvrir de nombreuses voies.

Poésie catalane : Après-guerre aux années 70

Contexte et influences existentialistes (1943-1960)

Au début de la période d'après-guerre, lorsqu'il fut à nouveau possible de construire une infrastructure culturelle de base, parurent les premières maisons d'édition et aussi les premières revues littéraires d'après-guerre à Valence.

Dans une atmosphère de désolation et de pénurie, marquée par la Guerre civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale, s'ancre également chez les poètes l'existentialisme parisien (Albert Camus, Jean-Paul Sartre) : un mouvement anticonformiste, philosophique et littéraire qui, au-delà des conventions esthétiques, donnait la priorité aux questions découlant de la relation de l'individu avec la réalité humaine la plus brute et tangible, et reflétait l'angoisse de vivre dans un monde absurde.

Caractéristiques de la poésie d'après-guerre

Certains poètes de la Communauté Valencienne, situés dans la « poétique de l'après-guerre » (1943-1960), oscillent entre le symbolisme et un sens intimiste existentialiste, et écrivent des poèmes qui répondent aux caractéristiques suivantes :

  • Distanciation de la réalité.
  • Discours réfléchi, lié thématiquement à la douleur, la mort et l'absurdité du monde et de la vie.
  • Points de vue religieux et humanistes.
  • Tendance au secret expressif.

Le poète symboliste et existentialiste des années 50 tente de transcender la réalité à travers l'évocation symbolique, valorisant la parole poétique comme base d'un discours enclin à la religiosité et à l'humanisme, et éloigné de la réalité immédiate, où dominent la métaphore, le symbole, le secret expressif et la rigueur formelle.

Le tournant réaliste des années 60

Mais les jeunes poètes du début des années 60, contrairement aux postulats de la génération précédente, s'inscrivirent dans l'esthétique réaliste.

En 1960 furent publiés trois recueils cruciaux qui initièrent la nouvelle poésie réaliste dans la littérature catalane : La pell de brau (La peau de taureau) de Salvador Espriu ; Da nuces pueris de Gabriel Ferrater et Vacances pagades (Congés payés) de Pere Quart.

Vicent Andrés Estellés : Poète du quotidien

Parcours et classification

Vicent Andrés Estellés (Burjassot, Valence, 1924 - 1993) a commencé à écrire de la poésie pendant la guerre, mais fut surtout connu à partir des années 70. Écrivant depuis la périphérie de Valence, il est situé dans le « groupe poétique de l'après-guerre » (1943-1960).

La poésie de Vicent Andrés Estellés n'est pas facile à classer, car elle est prolifique, originale et exubérante. Écrire de la poésie était pour lui presque une nécessité biologique. C'était un poète passionné qui a brillamment représenté la vie quotidienne. Ses thèmes sont l'amour, la mort, le sexe, la peur, la ville et la campagne, les femmes.

Thèmes et engagement civique

Par la variété des tons et des thèmes de son lyrisme, Estellés est un porte-drapeau du sentiment collectif citoyen, se présentant comme un acteur qui revendique le peuple. La dignité de la personne et les valeurs civiles sont parmi ses aspects les plus incontestables. La patrie n'est pas chez lui un mot emphatique et vide, mais le théâtre d'une langue, la tragédie d'une culture, la douleur d'une liberté nationale opprimée par un régime obscurantiste.

C'est un poète aux descriptions détaillées. Au milieu de la guerre, de la misère et de la répression, Estellés, qui était journaliste, maintient une attitude de chroniqueur passionné, faisant l'inventaire des personnages et des événements qui constituent le monde quotidien avec une poésie très personnelle, qui est peut-être l'essence de Valence et de son peuple. À travers la tendresse, la colère, le sarcasme et l'amour, Estellés exprime la gloire et la misère d'un pays. Le résultat est un discours qui en fait une chronique amère et en même temps pleine d'espoir.

Langue littéraire et sources

Fidèle à ses racines, Estellés a forgé sa langue littéraire à partir de :

  • a) Le langage poétique valencien du XVe siècle classique, en particulier celui d'Ausiàs March.
  • b) La langue des œuvres contemporaines de la littérature catalane/valencienne, en particulier celle des poètes du XXe siècle.
  • c) La langue familière qu'il a apprise à l'Horta pendant son enfance et maintenue vivante toute sa vie.

La fascination pour la mort

La mort fascine Estellés. Dans sa poésie, ce n'est pas une notion métaphysique ou un appel métaphorique. Quand le poète de Burjassot parle de la mort, il parle en fait d'un cadavre gisant sur le sol, en particulier de la mort de sa fille, d'un cimetière, d'une niche, d'une cible constante d'humiliation.

Salvador Espriu : Entre hermétisme et engagement

Salvador Espriu i Castelló (Santa Coloma de Farners, 1913 - Barcelone, 1985) était un poète, dramaturge et romancier catalan. En raison des bouleversements de la Guerre civile, ce fut un écrivain engagé, à l'instar de Franz Kafka ou Fernando Pessoa, auteurs, comme lui, parfois hermétiques et cabalistiques.

Singularité de l'œuvre

L'œuvre d'Espriu, caractérisée par un mélange d'intellectualisme et de descriptivisme fin, souvent caustique, est singulière. La richesse de la langue, la complexité des thèmes et des sources, la capacité à décrire en termes transcendants l'histoire collective, l'ont fait considérer comme l'un des auteurs les plus importants de la littérature catalane du XXe siècle.

Le cycle lyrique et Sinera

Dans son premier recueil de poésie, Cementiri de Sinera (Cimetière de Sinera, 1946), Espriu évoque le monde détruit par la guerre, qu'il identifie avec la mythique Sinera (Arenys de Mar). Les quatre livres suivants (Les hores, 1952 ; Mrs. Death, 1952 ; El caminant i el mur, 1954 ; Final del laberint, 1955) constituent le cycle lyrique. Ces livres tracent un chemin d'intériorisation culminant dans l'expérience mystique de Final del laberint, où Espriu suit des principes étroitement liés à la théologie négative, selon laquelle Dieu agit comme un respect aveugle envers l'humanité.

La pell de brau et le discours civique

L'étape finale mystique de Final del laberint se modifie dans La pell de brau (La peau de taureau, 1960), sans doute le livre le plus retentissant de l'auteur. Sa poésie, considérée comme métaphysique jusque-là, fut qualifiée de réaliste. Le ton didactique ou épique de l'œuvre semble très moderne, malgré l'imprécision du discours social du poète, qui se limitait à parler en général de liberté, de justice et de tolérance. Dans La pell de brau, Espriu expose ses pensées sur la diversité et la tolérance, utilisant des techniques anciennes (usage personnel de symboles et mélange de satire, d'élégie et d'épopée). Cependant, le livre prit un caractère de discours civique, en raison du climat qui régnait dans la société catalane de l'époque, et parce que le point de vue se focalisait sur Sepharad (l'Espagne juive), ce qui agit comme un catalyseur pour une nouvelle pertinence du poète, même au niveau international.

Caractéristiques de la poésie post-réaliste (dès 70)

Rupture avec le réalisme

Au début des années 70, alors que l'œuvre de J.V. Foix était redécouverte, furent publiés deux livres cruciaux qui dépassèrent le réalisme limité et orientèrent la poésie catalane des décennies suivantes vers le symbolisme et l'expérimentalisme : Els miralls (Les Miroirs, 1970) de Pere Gimferrer et Poesia rasa (Poésie rase, 1970) de Joan Brossa.

Principes de la nouvelle poésie

La poésie non réaliste, devenue hégémonique en quelques années, présentait les caractéristiques suivantes :

  • a) Nouveaux codes textuels : L'intention du poète, selon l'esthétique du moment, est d'introduire le lecteur dans le texte ou le discours qui se satisfait de l'écriture elle-même, sans nécessairement contenir une anecdote ou un argument.
  • b) Pratiques rebelles : Connectant avec les pratiques d'écriture qui ont façonné l'histoire de la poésie du XXe siècle – symbolisme, avant-garde, surréalisme, etc. –, la poésie était considérée comme un discours autonome, opposé à la logique du réalisme.
  • c) Nouvelles valeurs de la parole poétique : Le mot poétique a cessé d'être utilisé pour raconter et s'est proposé d'évoquer, de suggérer, d'être imaginatif et ambigu.
  • d) Poésie, outil de recherche : La poésie fut considérée comme un nouvel outil d'investigation de la subjectivité du poète, comme un chemin vers le monde des idées, donnant lieu à de nombreuses attitudes créatives liées au monde onirique. Le poème a cessé d'être transparent pour devenir opaque.
  • e) Nouveaux arguments : Les poètes ont avancé des points de vue novateurs, tels que la revendication de la dissidence, la rupture avec les valeurs de la tradition culturelle, familiale et sociale, le désir de modernité et la recherche de l'universalisme.

Évolution dans la poésie valencienne

En 1973, la poésie valencienne, en parallèle avec la poésie catalane (1973 : Llibres de sortiranis, Ramon Pinyol ; Els intrusos, Xavier Bru de Sala), s'éloigna du réalisme précédent. Les nouvelles références furent Joan Navarro (1974 : Grills esmolen ganivets en la nit de la por) et Salvador Jàfer (1974 : L'esmorteïda estela de la platja). L'anthologie d'Amadeu Fabregat (1974 : Carn fresca) recueillit ce changement d'orientation.

Miquel Martí i Pol : Poète populaire et engagé

Succès et reconnaissance

Miquel Martí i Pol (Roda de Ter, 1929 - 2003) est le poète catalan le plus lu et populaire des dernières décennies. Son ton populaire l'a rendu accessible à tous les publics sans pour autant perdre la faveur des critiques ou des instances universitaires. Sa référence constante au développement social et national catalan a fait que nombre de ses poèmes ont été régulièrement cités par des politiciens et autres leaders sociaux, tandis que de nombreux chanteurs ont mis ses créations en musique (notamment dans le cadre de la Nova Cançó), ce qui a encore contribué à sa popularisation.

Biographie et engagement

Miquel Martí i Pol est né dans une famille ouvrière. Son père était serrurier. En raison de la situation économique précaire de la famille, il a commencé à travailler comme employé de bureau à 14 ans, mais en 1972, il dut arrêter en raison d'une sclérose en plaques. À la fin des années cinquante, il rejoignit le noyau pionnier de la Nova Cançó (Nouvelle Chanson) en tant que parolier. Politiquement, il milita au PSUC (Parti Socialiste Unifié de Catalogne) et fut membre de l'Assemblée de Catalogne.

Poésie et vie : Thèmes et valeurs

La poésie et la vie sont deux éléments totalement liés dans son œuvre. Ses poèmes reflètent toutes les étapes de la vie du poète : la réflexion métaphysique, la poésie réaliste et engagée, la maladie et son dépassement, l'engagement national et, avec le temps, le bilan de sa vie. Sa poésie fusionne une dimension temporelle, personnelle et subjective, avec une ouverture vers l'extérieur et le social. La somme de ces deux voix façonne sa poésie, qui a évolué et oscillé selon les vicissitudes de sa biographie personnelle et les transformations de la société catalane.

Miquel Martí i Pol, poète engagé envers la vie, a construit son expérience biographique et poétique sur trois grandes valeurs humaines : l'honnêteté, l'authenticité et la solidarité.

Évolution du théâtre catalan (Après-guerre - Années 70)

Le théâtre d'évasion et la crise du sainet

En ces temps difficiles (après la guerre civile), le public préférait les œuvres d'évasion. Le succès de ce genre aurait pu représenter le point de départ d'une reprise du théâtre valencien, mais cette reprise n'eut pas lieu en raison du discrédit du valencien, qui conduisit à la mort du sainet (saynète comique), perçu comme un théâtre « populaire » (au sens péjoratif). Le manque de confiance du public conduisit à la disparition de nombreuses compagnies, et les théâtres furent convertis en salles de cinéma. De plus, l'ère d'expansion du cinéma détourna le public des théâtres.

Tentatives de rénovation (années 50)

À la fin des années 50, des tentatives de rénovation du théâtre valencien eurent lieu avec le Teatre Club, la Classe de Teatre Ausiàs March et le Teatre Estudi de Lo Rat Penat, où l'on s'informait de l'évolution du théâtre européen.

La "génération perdue" et la crise des années 60

Le théâtre valencien fut incapable de s'adapter aux temps nouveaux, bien que quelques auteurs de la dite « génération perdue » aient publié des œuvres. Ils le firent en rupture avec le sainet des générations précédentes, avec la volonté de moderniser et d'attirer un nouveau public vers le théâtre valencien. Mais pendant la crise des années 60, toutes les options échouèrent et les jeunes qui voulaient travailler comme professionnels furent contraints d'émigrer à Madrid.

Le théâtre indépendant

Dans les années 60 apparurent de nouveaux groupes pour promouvoir le renouveau théâtral. Il s'agit d'un « théâtre indépendant ».

Objectifs du théâtre indépendant

  • Surmonter le passé en abandonnant complètement le sainet.
  • Créer une dramaturgie moderne et critique envers la situation sociale et politique.
  • Attirer un public jeune.
  • Utiliser une langue standardisée sans castillanismes ni vulgarismes.
  • Former les acteurs.

Le théâtre de Manuel de Pedrolo : Absurde et engagement

Période clé et thèmes existentiels

On peut diviser le théâtre de Manuel de Pedrolo en trois étapes, bien qu'à proprement parler, il n'y ait qu'une étape fondamentale, forte et solide, qui se situe dans la seconde moitié des années 50. Pendant cette période, Manuel de Pedrolo mène des réflexions rigoureuses et complexes sur des questions fondamentales de l'existence humaine et pose des questions troublantes sur la permanence et l'absurde. Il s'interroge sur la solidarité humaine, la conformité à la réalité, le désir de révolte et ses difficultés, la recherche de la connaissance, la communication, la mort et la transcendance (Els hereus de la cadira, 1954).

Le huis clos et l'absurde

Les personnages de Pedrolo vivent dans un monde fermé qui les sépare radicalement de l'espace extérieur. Ainsi, nous trouvons des personnages en prison, dont les plus déterminés luttent pour renverser les murs, tandis que d'autres finissent par les accepter et s'y habituer par crainte de l'espace extérieur. Scéniquement, ces situations de conflit soutiennent des huis clos angoissants et claustrophobiques, où les personnages sont soumis à des actions routinières et inutiles : Cruma (1957), Pell vella al fons del pou (1957), La nostra mort de cada dia (1958), Homes i no (1959), Tècnica de cambra (1964), Situació bis (1965), etc.

Pessimisme et critique sociale

Préoccupé par la condition humaine dans un sens transcendant, mais engagé envers un pays et une époque très spécifiques, Pedrolo hérite des thèmes existentiels et les sert sous les formes de l'absurde. Le théâtre de Manuel de Pedrolo est pessimiste si l'on considère les problèmes collectifs, et constitue une mise en œuvre rigoureuse de la réalité, réalisée en représentant des traits qui la définissent et la synthétisent. Les personnages vivent repliés sur leur monde intérieur, essayant de l'expliquer, même s'ils ne s'intéressent pas au monde des autres. Très souvent, les personnages vivent dans cette prison, tentant de clarifier son origine, car ils n'ont qu'un vague et confus souvenir du passé.

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