Penseurs et Réformes en Criminologie : Seeliger, Lardizábal, Beccaria
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Ernest Seeliger et la typologie criminelle
Ernest Seeliger, criminologue de l'école autrichienne (critique de Lombroso), soutient que le délinquant n'est pas une unité anthropologique. Il souligne l'importance de la prévention du crime. Seeliger identifie des types principaux de criminels qui se retrouvent constamment dans le monde criminel, avec des caractéristiques très similaires. Une personne peut être caractéristique d'un seul type (type pur) ou appartenir à différents types, présentant ainsi des caractères variés (type mixte).
Il note que le développement de la vie criminelle d'un individu peut également distinguer :
- Les types parallèles : où il y a coexistence de caractères complexes de divers types.
- Les types métamorphiques : où les caractères complexes de types différents se manifestent temporairement.
Pour la formation d'une typologie, Seeliger utilise une « procédure combinée » (une approche phénoménologique, basée sur l'observation directe des délinquants, en y ajoutant une analyse psychologique) des propriétés de caractère et des modes de vie. Il distingue huit types principaux de criminels.
Délinquants à faible résistance
Contrairement aux types précédents, ce sont des individus qui répondent à une mission sociale et peuvent souvent être décrits comme des travailleurs laborieux. Cependant, ils manquent des inhibitions nécessaires face aux stimuli extérieurs incitant au crime, en particulier lorsque leur profession leur offre la possibilité de s'approprier ce qui appartient à autrui ou d'obtenir un avantage illicite. Malgré les « bonnes intentions » qu'ils affichent souvent, ils récidivent fréquemment. Sur le plan caractérologique, ils n'ont pas d'autre particularité.
Seeliger décrit des types spécifiques :
- Les voleurs employés
- Les domestiques
- Les apprentis tricheurs vénaux
- Le fonctionnaire qui abuse de ses fonctions et s'enrichit en s'appropriant ce qui appartient à autrui
- Les fraudeurs occasionnels
- Les marchands égoïstes
- Ceux qui s'approprient des objets trouvés
Manuel de Lardizábal (1739-1820) et le droit pénal
Dans l'Espagne des Lumières, Manuel de Lardizábal se distingue. Il est l'exemple le plus important de la pensée éclairée en Espagne, notamment avec son œuvre Discurso sobre las penas contraídas a las leyes divinas y humanas. Il tente de concilier le rationalisme avec la composante éthique et corrective qui caractérise la tradition espagnole, inspirée de Sénèque. Son travail, destiné aux experts et non au grand public, représente un progrès en matière de codification. Il a également abordé les lois sur la censure, toujours en vigueur en Espagne à son époque.
Lardizábal accepte, mais de manière nuancée, la conception du contrat social issue des Lumières. Il rejette le principe de la séparation des pouvoirs de Montesquieu, un principe qui, d'ailleurs, était incompatible avec la structure du Conseil de Castille. Il est un fervent défenseur du principe de légalité des délits et des peines, s'opposant à la discrétion judiciaire : « Seule la loi peut prescrire toute répression des crimes, et cette autorité doit résider dans le seul législateur. » La faculté des juges devrait être réduite à examiner si le prévenu a violé ou non la loi, afin de l'acquitter ou de le condamner à la peine prévue.
Mais l'aspect le plus original de Lardizábal, et sa plus grande contribution, réside dans sa théorie des peines, caractérisée par un utilitarisme relatif ou modéré. Pour Lardizábal, la peine sert la sécurité générale et la santé publique de l'État. Elle vise la correction du délinquant pour qu'il s'améliore, si possible, et ne nuise plus à la société. Elle a aussi une fonction exemplaire, afin que ceux qui n'ont pas commis de crimes y renoncent.
Cesare Beccaria (1738-1794) et la réforme pénale
Cet auteur humaniste est un exemple clair de la pensée dominante au XVIIIe siècle, représentant la nouvelle philosophie sociale européenne issue des Lumières. Il est l'auteur de l'ouvrage Des délits et des peines, publié anonymement en 1764, un travail fondateur du droit pénal moderne. Son travail, largement lu, a influencé Catherine II de Russie, Marie-Thérèse d'Autriche, Pierre Léopold de Toscane, Joseph II et Louis XVI, ainsi que d'autres monarques de l'époque, qui ont aboli la torture et la peine de mort dans leurs pays respectifs. Il a également été examiné par l'Assemblée nationale de la Révolution française.
Bien que son œuvre n'ait pas reçu que des éloges (le livre ayant été interdit dans la République de Venise et inclus dans l'Index des livres interdits par le Pape en 1766), Beccaria critiquait le droit pénal de la monarchie romaine et médiévale, qui facilitait l'arbitraire et les abus de pouvoir. Les poursuites pénales étaient inquisitoires. L'application du droit pénal par les juges n'était pas réglementée. Les codes criminels ne déterminaient pas les sanctions applicables à un crime.
Beccaria préconisait un droit pénal fondé sur les principes suivants :
- Une distinction claire entre le péché et le crime.
- Le législateur doit être distinct de la magistrature.
- La rationalité.
- La légalité : Seule la loi peut prescrire les peines pour les crimes, et non la volonté du juge. L'interprétation de la loi revient au législateur, et non au juge. Le droit pénal doit contenir tous les éléments nécessaires pour éliminer l'arbitraire des juges.
- La justice pénale doit être publique, avec un processus contradictoire et des preuves claires et rationnelles.
- L'abolition de la torture : « La torture devrait être abolie, car dans de nombreux cas, elle ne sert qu'à condamner l'innocent faible et à acquitter le délinquant fort. »
- L'égalité devant la loi : Les sanctions doivent être les mêmes pour tous, et la loi doit s'appliquer à tous.
- La nécessité de fixer des délais courts mais suffisants pour la présentation des preuves, la défense de l'accusé et l'application de la peine.
- La gravité de la criminalité doit être proportionnée au préjudice qu'elle cause.
- Une stricte proportionnalité entre le crime et le châtiment.
- L'atrocité de la peine est au mieux inutile, mais pernicieuse, et devrait donc être assouplie au maximum.
- L'association de la peine et de la justice : Plus la peine est rapide et proche de l'infraction commise, plus elle est juste et utile.
- L'abolition totale de la peine de mort, sauf dans deux cas extrêmes : la sécurité nationale ou lorsque l'individu peut provoquer une révolution dangereuse dans la forme de gouvernement établie.
- La prévention est préférable aux sanctions : La répression n'est pas la seule ni la meilleure façon de prévenir la perpétration d'actes criminels.