La philosophie morale d'Emmanuel Kant
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Emmanuel Kant
Emmanuel Kant est né à Königsberg, dans l'ancienne Prusse, en 1724. Il appartient au siècle des Lumières. Il était un partisan de la guerre d'Indépendance américaine et de la Révolution française, en dépit d'être considéré comme un pacifiste et opposé à tout patriotisme exclusif. Ses travaux séminaux incluent «Critique de la Raison Pure», «Critique de la Raison Pratique», «La religion dans les limites de la simple raison».
La théorie éthique de Kant est appelée formalisme moral car elle ne définit que la forme de la norme, contrairement aux éthiques matérielles qui se concentrent sur le contenu éthique. L'éthique formelle kantienne a été exposée dans deux livres majeurs : «Critique de la Raison Pratique» et «Fondements de la métaphysique des mœurs».
Raison théorique et raison pratique
La distinction kantienne se fait entre la raison théorique, qui se réfère à la connaissance d'un objet, et la raison pratique, qui concerne la connaissance morale et le comportement humain.
Formalisme de l'éthique morale
Pour Kant, une éthique matérielle serait bonne si elle visait le bien suprême. Selon les éthiques matérielles, il y aurait un bien suprême qui serait notre but ultime, et une fois celui-ci établi, les règles et préceptes éthiques seraient fixés.
Critique kantienne des éthiques matérielles
Selon Kant, les éthiques matérielles présentent plusieurs lacunes :
- Premièrement, elles sont empiriques (extraites de l'expérience), comme l'éthique épicurienne où le plaisir est le plus grand bien de l'homme, car l'expérience nous montre que, dès l'enfance, nous recherchons le plaisir et évitons la douleur.
- Deuxièmement, leurs préceptes sont des impératifs hypothétiques (n'ayant pas la même signification pour chaque individu).
- Enfin, les éthiques matérielles sont hétéronomes, car le sujet moral reçoit la loi de l'extérieur de sa raison.
Sens de l'éthique formelle
Une éthique formelle, contrairement aux éthiques matérielles, ne doit pas chercher de contenu ou de fin particulière. Elle doit être :
- Universelle et rationnelle, non empirique, mais a priori (indépendante de l'expérience).
- Ses impératifs ne doivent pas être hypothétiques, mais catégoriques (absolus).
- Elle ne doit pas être hétéronome, mais autonome, c'est-à-dire que le sujet moral doit recevoir la loi de l'intérieur de sa propre raison.
Une éthique formelle doit être vide de contenu.
L'éthique formelle nous montre comment nous devons agir. Selon Kant, le devoir d'agir découle de la soumission à une loi, non pas pour son utilité, mais par respect pour elle. Kant distingue trois types d'actions : celles contraires au devoir, celles conformes au devoir (légales), et celles faites par devoir (morales). Seules les actions faites par devoir ont une valeur morale.
Prenons l'exemple donné par Kant : un commerçant ne pratique pas de prix excessifs. S'il le fait pour éviter de perdre des clients, c'est une action conforme au devoir, car il recherche un but particulier. Mais s'il ne pratique pas de prix excessifs parce qu'il estime que c'est ce qu'il doit faire, c'est agir par devoir, sans rechercher d'objectif particulier.
L'impératif catégorique
Kant a donné différentes formulations de l'impératif catégorique. La première est : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle. » Cette formulation montre clairement son caractère formel et universel, car elle ne nous donne aucune norme spécifique, mais uniquement la forme que doit prendre la norme.
La deuxième formulation est : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans celle de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. » Encore une fois, le caractère formel et universel est présent, avec l'ajout de l'idée de la dignité humaine.
Postulats de la Raison Pratique
Un postulat est une proposition indémontrable, mais dont l'existence est supposée nécessaire pour la morale elle-même.
- Le premier postulat est la liberté, nécessaire à l'existence de la moralité.
- Le deuxième postulat est l'immortalité de l'âme : puisque la perfection éthique ne peut être atteinte dans cette vie, nous devons agir comme s'il y en avait une autre.
- Enfin, le troisième postulat est l'existence de Dieu : pour que la bonne action soit véritablement récompensée, il doit exister un être absolument juste pour assurer un « jugement » de notre comportement.
L'existence d'un ordre moral conduit donc à l'existence de Dieu. Les postulats sont des exigences de la raison pratique ; ils ne nous donnent pas une connaissance réelle, mais seulement une foi rationnelle. Les postulats ne nous permettent pas de dire « je sais », mais ils nous permettent de dire « je crois ».
Critiques de l'éthique kantienne
L'éthique kantienne va parfois à l'encontre du sens commun et semble rabaisser le philosophe. Nous ne pouvons compter que sur la raison ; la sympathie ou la haine ne devraient pas être des motivations pour un acte moral. Bertrand Russell a critiqué cette éthique en affirmant qu'il s'agit simplement d'une formulation philosophique de la règle morale.
Par ailleurs, l'éthique matérielle des valeurs de Max Scheler tente de surmonter l'éthique formelle de Kant, estimant que Kant a commis une erreur en confondant le droit et la valeur ; Scheler propose une éthique des valeurs.
Une autre critique de l'éthique kantienne concerne son caractère universalisant : Kant cherche à universaliser toutes les règles, mais aucune loi ou règle n'est précise en toutes circonstances. Par exemple, « ne pas tuer » peut être remis en question en cas de légitime défense, tandis que « ne pas mentir » est plus clair.
Au XXe siècle, l'éthique formelle kantienne a trouvé son prolongement dans l'éthique de la discussion de Karl-Otto Apel et Jürgen Habermas. Pour eux, une norme morale est acceptable lorsque tous les participants l'ont approuvée par un consensus rationnel.