Pouvoir Judiciaire et Constitution Espagnole
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ARTICLE 29 : Le Judiciaire et le Procureur Public
I. Le Réglage de la Constitution de la Magistrature
L'État constitutionnel est basé sur la séparation des pouvoirs, ou plus précisément, sur la division matérielle des fonctions et la séparation formelle des pouvoirs. Cela signifie que l'activité étatique est reconnue dans les tâches ordinaires de nature matérielle très différentes qui sont fondamentalement traçables à trois fonctions : la fonction d'adopter des lois (législative), celle d'exécuter les mandats de ces lois (exécutive) et celle de résoudre les conflits qui peuvent surgir dans l'application et l'interprétation des lois (judiciaire). Le constitutionnalisme attribue chacune de ces trois fonctions à différents organes, ou à un ensemble d'organes de l'État.
La primauté du droit exige l'existence d'organismes qui, institutionnellement caractérisés par leur indépendance, ont un rôle qui leur permet d'appliquer des règles constitutionnelles exprimant suffisamment la volonté populaire, de soumettre toutes les autorités publiques au respect de la loi, de contrôler la légalité de l'action administrative et de donner à chacun un recours effectif dans l'exercice de ses droits subjectifs et intérêts légitimes. Ces organes sont les tribunaux qui composent le système judiciaire.
La Constitution consacre le Titre VI au Pouvoir Judiciaire (articles 117 à 127), dont la réglementation légale est effectuée par la Loi Organique 6/1985, du 1er juillet, sur le Pouvoir Judiciaire (ci-après LOPJ).
I.1. Concept du Pouvoir Judiciaire
Le Pouvoir Judiciaire est l'ensemble des organes auxquels est attribuée la conduite de la fonction étatique impliquant la résolution, par l'application de la loi, des différends entre citoyens ou entre ceux-ci et le gouvernement. Le système judiciaire est composé, par conséquent, de l'ensemble des organes qui, conformément à la Constitution et aux lois, ont la fonction juridictionnelle attribuée. La fonction judiciaire est de juger et de faire exécuter les jugements, et ce dans toutes sortes de procès (article 117.3 CE). Il s'agit donc d'une activité dont l'exercice est limité à la partie du procès, y compris le pouvoir d'exécuter les jugements, c'est-à-dire d'appliquer l'ordonnance du tribunal. Cela ne signifie pas que les juges et les magistrats sont tenus d'exécuter eux-mêmes la décision du tribunal, mais qu'ils doivent avoir les pouvoirs nécessaires pour la faire exécuter effectivement.
Une caractéristique de la magistrature est que le pouvoir est diffus, contrairement aux pouvoirs législatif et exécutif. Il est prévisible pour tous et chacun des tribunaux du pays où ils exercent des fonctions judiciaires, sans lien hiérarchique. Cela signifie que l'exercice de sa fonction est particulièrement complexe en raison de la diversité des organes.
La deuxième caractéristique des organes du Pouvoir Judiciaire est que leur identification en tant que tels découle de l'exercice de la fonction constitutionnellement assignée, à savoir le pouvoir judiciaire. Comme l'article 117.1 CE, le premier du Titre VI dédié à la magistrature, l'indique, la justice est administrée par les juges et les magistrats. Ce sont donc les membres de la magistrature, et c'est le fait d'administrer la justice qui constitue le juge ou le magistrat en tant que membre du Pouvoir Judiciaire.
Ainsi, les titulaires d'organes tels que le registre d'état civil, qui n'exercent pas de fonctions judiciaires, qui n'administrent pas la justice, ne sont pas, à proprement parler, membres de la magistrature. De même, les juges et les magistrats ne sont membres du Pouvoir Judiciaire que lorsqu'ils administrent la justice, et non lorsqu'ils exercent toute autre fonction assignée par la loi. Même les membres du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (CGPJ), une partie de celui-ci, se voient attribuer par la Constitution des fonctions gouvernementales, mais aucune fonction judiciaire.
Une réforme du système judiciaire est actuellement à l'étude, ce qui est nécessaire pour qu'il soit un service public efficace dans l'intérêt du citoyen, car il se caractérise actuellement par son extrême lenteur. Il est donc nécessaire de rationaliser les processus, d'informatiser les greffes des tribunaux, d'augmenter le personnel judiciaire, etc. Ces mesures nécessitent d'élargir le budget alloué à l'administration actuelle de la Justice.
I.2. Judiciaire et Administration de la Justice
Cette caractérisation du pouvoir de l'État comme provenant de la fonction judiciaire est précisément ce qui distingue l'administration judiciaire de l'Administration de la Justice : la première est une branche du gouvernement, séparée des autres et indépendante d'eux ; l'Administration de la Justice, cependant, est fonctionnellement subordonnée à la magistrature, dans la mesure où elle implique un ensemble de personnels et de matériels qui sont disposés pour mieux satisfaire les besoins de la première.
Les moyens personnels s'intègrent avec une variété d'organismes au service des fonctionnaires de l'Administration de la Justice. Parmi eux, les greffiers, agents, assistants, médecins légistes et, finalement, tout membre du personnel du service civil (articles 454 à 550 de la loi judiciaire).
Les moyens matériels, à leur tour, sont ceux nécessaires à l'accomplissement correct des fonctions du Pouvoir Judiciaire et sont mis à disposition par le gouvernement ou les Communautés Autonomes, dans les cas où cela est prévu par le Statut d'Autonomie (article 37 OLJ).
Pris ensemble, tous ces moyens forment ce qu'on appelle l'Administration de la Justice. En conclusion, il y a une nette distinction entre le Pouvoir Judiciaire indépendant, composé uniquement de juges et de magistrats exerçant des fonctions judiciaires, et tous les moyens de toutes sortes qui sont disposés à son service et qui configurent l'Administration de la Justice.
La distinction entre le Judiciaire et l'Administration Judiciaire répond, d'autre part, à la double nature de la tâche d'administrer la justice. En effet, le Pouvoir Judiciaire est, d'une part, et sans doute, une branche du gouvernement, mais la fonction d'administrer la justice est aussi une activité basée sur la performance de l'État, un service public (essentiel), dérivé du monopole d'État du pouvoir juridictionnel compris comme le pouvoir de déclarer et de faire appliquer la loi. Alors que le Pouvoir Judiciaire est totalement indépendant des deux autres pouvoirs, l'Administration de la Justice, en tant que service public, est soumise aux responsabilités de l'exécutif, comme le sont les autres services publics en général.
Cette facette de service public est aussi la référence constitutionnelle pour justifier, selon l'article 119 CE, le libre accès à la justice pour tous ceux qui n'ont pas les moyens de plaider, ce qui se reflète dans les diverses dispositions de procédure en ce sens et dans l'existence d'un service d'avocats financés par l'État, connu sous le nom de rôle de service – et pour ceux qui en ont besoin. De même, c'est cette double nature de pouvoir de l'État et de service public qui est à la base de la référence constitutionnelle aux dommages causés par une erreur judiciaire et à ceux résultant d'irrégularités dans l'administration de la justice, qui donneront lieu à une indemnisation par l'État (article 121 CE). Cette disposition est actuellement appliquée dans des hypothèses génériques (articles 292 et 293 OLJ) et d'autres spécifiques au cas d'erreur judiciaire ayant abouti à une détention provisoire, lorsque la personne emprisonnée a ensuite été acquittée par absence de l'acte reproché, ou lorsque l'arrêt des procédures a été prononcé pour la même cause (article 294 LOPJ).
II. Les Principes Constitutionnels qui Régissent la Magistrature
Les caractéristiques de base de l'exercice des fonctions judiciaires sont l'unité, la plénitude, l'exclusivité et la responsabilité.
II.1. L'Unité Juridictionnelle
Elle est expressément inscrite dans la Constitution de deux manières différentes : concernant la fonction judiciaire à proprement parler, l'article 117.5 CE exige que le principe de l'unité juridictionnelle soit la base de l'organisation et du fonctionnement des tribunaux.
Concernant ceux qui exécutent cette fonction, l'article 122.1 CE stipule que les juges et les magistrats forment un seul corps. La reconnaissance constitutionnelle du principe de l'unité juridictionnelle a deux conséquences immédiates : premièrement, la division territoriale du pouvoir opérée par la Constitution n'affecte pas le système judiciaire : les Communautés Autonomes (CACC) peuvent assumer des pouvoirs législatifs et exécutifs, mais le Pouvoir Judiciaire est unique en Espagne. La deuxième conséquence de l'unité juridictionnelle est l'exclusion de toute juridiction non encore intégrée dans la structure organisationnelle de la magistrature (article 3.1 LOPJ). Sont interdits, par conséquent, les tribunaux spéciaux, ainsi que les tribunaux d'honneur et d'exception, expressément mentionnés par la CE (articles 26 et 117.6). Cela implique également l'interdiction pour l'Administration d'imposer des sanctions qui, directement ou indirectement, entraînent une privation de liberté (article 25.3 CE). Sans préjudice des autres organes en dehors du système judiciaire, comme la Cour Constitutionnelle ou la Cour des Comptes, qui exercent des fonctions judiciaires, l'unité ne connaît pas d'autre exception d'incompétence que la juridiction purement militaire, qui, selon l'article 117.5 CE, doit être réglementée par la loi et doit être limitée au domaine strictement militaire et aux cas d'état de siège. En attendant, la Loi Organique 4/1987, sur la compétence et l'organisation de la justice militaire, a déclaré que cette compétence est un membre de la magistrature de l'État, à quoi il faut ajouter l'existence d'une Chambre de la Cour Suprême Militaire, qui est l'organe suprême dans ce domaine.
II.2. La Compétence Entière
L'article 24.1 CE garantit un recours effectif ; l'article 103.1 prévoit la soumission de l'action administrative à la loi, et l'article 106 CE énonce le principe du contrôle, par les tribunaux, des pouvoirs réglementaires de l'action administrative et de sa soumission aux fins constitutionnelles. Cela se reflète dans l'article 4 LOPJ, selon lequel la juridiction s'étend à tous les peuples, tous les sujets et l'ensemble du territoire espagnol. La compétence entière est projetée, ensuite, matériellement, personnellement et territorialement, sans exception, ni en raison de la personne – à moins que le Roi ne soit inviolable (article 56.3 CE) –, ni en raison du sujet, ni en raison du territoire. En outre, l'article 1.7 du Code Civil prévoit que les juges et les tribunaux ont le devoir incontournable de résoudre toutes les questions dont ils sont saisis. Il s'agit donc d'un système fermé qui garantit que toute réclamation trouvera toujours, suivant la procédure légale prévue, un tribunal qui examinera la demande et la résoudra.
Il faut noter, cependant, que toute l'étendue de la compétence s'étend à l'application des lois, y compris le contrôle de la légalité de l'action administrative, et que ce dernier est subordonné aux fins qui le justifient (article 106 CE). Ne sont pas inclus, cependant, le contrôle du *timing*, c'est-à-dire, sont exclus de la portée du contrôle judiciaire, les actes qui, ayant été faits par les organes compétents, conformément à la procédure prévue par la loi et en étant matériellement conformes au système, sont cependant susceptibles d'estimations différentes quant à leur convenance ou opportunité. En ce qui concerne l'action administrative, la manifestation de ces hypothèses réside dans les actes relevant du rôle du gouvernement : en d'autres termes, le contrôle judiciaire ne s'étend pas au *timing* des actes accomplis dans l'exercice du rôle de direction de la politique intérieure et étrangère et de l'administration civile et militaire que la CE reconnaît au gouvernement.
II.3. La Compétence Exclusive
L'exclusivité se manifeste de deux manières. D'une part, la fonction judiciaire est réservée aux juges et magistrats, sans que personne d'autre qu'eux, pas même le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire ou le Procureur, ne puisse l'exercer (article 117.3 CE). Les juridictions spéciales sont interdites. D'autre part, les juges et les magistrats ne peuvent pas exercer d'autres fonctions que la fonction judiciaire et celles qui leur sont expressément attribuées par la loi pour garantir un droit quelconque. Cela permet d'éviter une répartition inégale des tâches qui rendrait difficile pour les juges et les magistrats l'exercice de leurs fonctions judiciaires, mais permet au législateur, lorsqu'il le juge approprié pour assurer l'exercice d'un droit, d'attribuer d'autres fonctions aux juges. Ce dernier cas se produit, par exemple, dans le processus électoral ou pour le greffier. Pour la même raison, les juges sont soumis à un système rigide d'incompatibilités.
II.4. Responsabilité
L'article 117.1 CE mentionne la responsabilité, immédiatement après l'indépendance et l'inamovibilité, comme l'un des attributs des juges. Cette responsabilité, constitutionnellement reconnue de façon générique, est très facile à distinguer.
Bien qu'ils exercent sans aucun doute un pouvoir politique important, il n'y a pas de responsabilité politique à l'encontre des juges et des magistrats, ce qui serait contraire à la garantie d'occupation. La seule forme de contrôle dont ils sont l'objet est celle dérivée de l'appel déposé, le cas échéant, légalement contre leurs résolutions, et qui n'a d'autre conséquence que l'annulation éventuelle de la décision attaquée.
Ils sont passibles de mesures disciplinaires en cas de violation de leurs devoirs en tant que juges, mais celles-ci n'atteignent pas le fond des décisions, car cela serait incompatible avec l'indépendance du Pouvoir Judiciaire (articles 414 à 433 LOPJ).
La responsabilité civile est réduite à des cas très spécifiques, qui ne modifient pas la décision du juge (articles 411 à 413 LOPJ). Elle génère toujours la responsabilité de l'État, malgré l'action récursoire de l'État contre le juge si le dommage a été produit par dol ou négligence grave, et ne modifie ni la résolution ni la position du juge.
Il s'ensuit que la seule responsabilité réelle des juges et des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions résulte de la responsabilité pénale, et plus spécifiquement, dans le cas de la prévarication, qui consiste à rendre sciemment une décision injuste. Il s'agit de la seule responsabilité concernant le contenu de la fonction de juger qui puisse être attribuée au juge (articles 351 à 357 du Code Pénal).
III. La Position Constitutionnelle du Juge
III.1. Impartialité
Si la fonction judiciaire est attribuée à un tiers pouvoir, ce n'est pas seulement pour éviter la concentration du pouvoir, mais surtout pour s'assurer que l'application des lois et l'interprétation des règles applicables à quelqu'un d'autre et d'extérieur à celui qui produit les règles de base de l'ordre et qui a promu et exécute son contenu puissent être résolues de façon équitable.
La position constitutionnelle du juge est centrée sur un principe de base : le principe d'impartialité. Comme indiqué dans l'article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, le droit principal des parties dans un procès est le droit à un tribunal impartial. Par conséquent, l'équité est une caractéristique importante de la fonction judiciaire, qui, compte tenu de la nature fragmentée de ce pouvoir, revient à dire que l'équité doit être la caractéristique de base de chacun des juges et des magistrats.
Les garanties accordées aux juges et magistrats visent à atteindre cette impartialité. Elles sont instrumentales et ne constituent donc pas une fin en soi : leur but est de garantir l'impartialité de celui qui juge.
III.2. Indépendance et Légitimité
Traditionnellement, cette série de garanties est résumée dans la notion d'indépendance. Cet attribut est déjà mentionné dans le préambule du titre de la Constitution consacré à la magistrature : en fait, l'indépendance est la première caractéristique que l'article 117.1 CE mentionne concernant les juges et les magistrats.
Cela signifie que les membres de la magistrature adoptent des résolutions en conformité avec la loi, et ne peuvent recevoir aucun ordre, instruction, suggestion ou directive concernant les faits soumis à leur jugement, la norme juridique à appliquer, le sens à donner à cette règle ou la résolution qu'ils doivent finalement adopter. Un juge est seulement soumis à la règle de droit (article 117.1 CE, *in fine*), le droit étant entendu comme un ensemble, un système juridique.
Ceci est souligné par la LOPJ, lorsqu'elle dit que les juges et les magistrats ne sont soumis qu'à la Constitution et à la primauté du droit (article 1.1 LOPJ) et donc aux principes et valeurs que la Constitution proclame ou recueille. En ce sens, l'article 5 LOPJ, déjà étudié, prévoit que : La Constitution est la loi suprême, et lie tous les juges et les tribunaux qui interprètent et appliquent les lois et règlements selon les préceptes et les principes constitutionnels, conformément à l'interprétation de ceux-ci résultant des décisions rendues par la Cour Constitutionnelle dans tous les types de processus. Le seul moyen possible de remédier à l'application de la loi par un organe judiciaire est le recours prévu par la loi.
La soumission à la loi, tout en excluant toute ingérence possible, inclut également l'obligation pour le juge de respecter, dans le raisonnement juridique qui l'amène à résoudre un conflit, le système des sources dans lequel les règles écrites, singulièrement la loi, occupent une place prépondérante. Cela préserve le juge des influences extérieures, mais rappelle aussi qu'il est un applicateur de la loi, et non un créateur libre du droit.
La soumission à la loi est aussi la source de la légitimité du juge dans l'exercice des fonctions judiciaires. Étant donné que la nomination des juges par élection populaire n'a pas lieu, et compte tenu de son intégration dans un corps de métier, la seule légitimité démocratique du juge réside précisément dans l'application limitée de la loi qui exprime la volonté générale. C'est cette application de la règle légitimée démocratiquement qui légitime à son tour celui qui, sans être élu directement ou indirectement, administre la justice au nom du peuple. Il ne s'agit donc pas d'une source de légitimité, mais d'un exercice.
L'indépendance judiciaire est absolue, s'étendant à tous, et l'article 13 LOPJ prévoit que tous sont tenus de respecter l'indépendance des juges et des magistrats. Elle s'étend aux organes directeurs de la magistrature et même au tribunal lui-même, dont aucun ne peut émettre d'instructions générales ou particulières concernant le fond de l'affaire ou l'application ou l'interprétation de la loi.
IV. Le Statut des Juges et des Magistrats
Afin de garantir l'indépendance des juges, la Constitution sous-tend leur position juridique par un noyau de garanties et de limitations des droits qui, pris ensemble, constituent un véritable statut du juge. Ce noyau de garanties est largement contenu dans la Constitution, et est développé et élargi par la Loi Organique du Pouvoir Judiciaire.
L'article 122.1 CE prévoit que le statut juridique des juges et des magistrats doit être développé par cette loi, qui n'est plus une simple réserve de loi organique, mais une réservation pour une loi organique particulière pour toutes les questions relatives à la position statutaire des juges et des magistrats. Cette réserve, qui supprime le pouvoir exécutif et même le législateur ordinaire de la possibilité de réglementer le statut administratif des juges, est la première garantie de l'indépendance.
a) Inamovibilité :
C'est une sauvegarde traditionnelle pour assurer l'indépendance. Les juges et les magistrats ne peuvent pas être destitués, suspendus, transférés ou mis à la retraite, sauf pour des raisons et avec le respect de la loi (article 117.2 CE)1. Le but de cette disposition est d'empêcher que l'action d'un magistrat jugée inappropriée n'ait des conséquences sur le poste de son titulaire, ou que celui qui a l'autorité pour le faire ne puisse déposer ou retirer un juge d'un procès donné, un juge dont le comportement ne serait pas satisfaisant, en imposant à sa place quelqu'un de plus réceptif à ses désirs.
Cela soustrait au pouvoir exécutif tout pouvoir de sanction ou toute autorité sur les situations administratives et les carrières. La Constitution dit que l'application des réglementations liées à la mobilité des membres de la magistrature correspond à un organe extérieur aux pouvoirs législatif et exécutif : le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire, qui a la responsabilité des nominations, promotions, inspections et de la discipline au sein de la magistrature (article 122.2 CE). L'attribution à cet organe, ou à ses propres organes, du système judiciaire, des Conseils des Gouverneurs, des Présidents ou des Hauts Magistrats, de l'autorité administrative concernant les juges et les magistrats, est une garantie supplémentaire d'indépendance judiciaire.
Dans tous les cas, c'est au Conseil Général du Pouvoir Judiciaire que correspond la suspension ou la révocation d'un juge ou d'un magistrat.
De même, les détails et les règles régissant la carrière de la magistrature sont présidés par le but de garantir l'indépendance. Dans certains cas, la nomination est discrétionnaire, mais l'autorité est investie dans le CGPJ. Cela empêche l'exécutif d'influencer la carrière et, par conséquent, l'impartialité nécessaire des juges.
1 Les causes de la perte de la condition de juge sont la renonciation, la perte de la nationalité, la sanction administrative, la condamnation pénale ou le processus menant à son imposition, l'invalidité et la retraite.
b) Restrictions et Interdictions :
Le statut des juges comporte, par conséquent, des garanties positives : l'indépendance, la permanence et la suppression de tout pouvoir exécutif de sanction ou de toute autorité sur la situation administrative et la carrière. Mais le statut du juge inclut aussi, nécessairement, des actions négatives ou des limites des pouvoirs que le système reconnaît à la majorité des citoyens. Ainsi, les juges et les magistrats ont constitutionnellement l'interdiction d'appartenir à des partis politiques et à des syndicats (article 127.1 CE), précepte complété par la mise à disposition d'un régime spécifique de partenariat qui a été développé par le personnel législatif (article 401 LOPJ). Bien qu'il ne soit pas possible d'empêcher un juge d'avoir une idéologie politique, il est possible d'éviter l'expression publique de cette idéologie politique par l'affiliation à un parti politique ou à un syndicat.
Outre le droit d'association politique et syndicale, et dans le même but de préserver l'image d'impartialité du juge, l'exercice de droits fondamentaux tels que la liberté d'expression, de réunion ou de grève est également limité. Ainsi, il leur est interdit de critiquer directement, de faire des compliments ou des critiques au gouvernement, ils ne peuvent pas assister, en tant que membres du Pouvoir Judiciaire, à des rassemblements publics n'ayant pas un caractère judiciaire, et ils ne peuvent pas, lors des élections, prendre plus de part que le vote.
La LOPJ prévoit en outre que les juges ou les magistrats qui occupent des fonctions politiques doivent ensuite passer trois ans en situation d'inactivité.
La préservation de l'impartialité du juge a également conduit le constitutionnalisme à prévoir pour les membres de la magistrature un système rigide d'incompatibilités, interdisant aux juges et aux magistrats toutes les activités en dehors de la fonction judiciaire elle-même : ils ne peuvent pas exercer, tant qu'ils sont en activité, d'autres fonctions publiques ou un emploi rémunéré ou une profession, ni mener des activités commerciales, ni donner des conseils. Seuls l'enseignement et la recherche juridique, ainsi que les activités littéraires, artistiques, scientifiques et techniques leur sont ouverts (article 127.2 CE).
La compétence pour déterminer la présence d'une incompatibilité ou la violation des interdictions applicables revient également au Conseil Général du Pouvoir Judiciaire.