Le Pouvoir du Langage : Marqueur Social et Outil de Domination

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Le Pouvoir du Langage

Le Langage Mène à la Prise de Parole

Comprendre le pouvoir du langage suppose que l'on s'intéresse à un autre aspect de son fonctionnement : le langage comme parole. En effet, le langage est aussi l'acte même de parler.

Distinction entre Langue et Parole

Il existe une différence essentielle entre la langue et la parole :

  • La langue est une institution commune à un groupe : elle est sociale.
  • La parole renvoie à la performance individuelle.

Langue et parole ne sont pas équivalentes : si le langage est extérieur à l'individu, s'il s'apprend, la maîtrise de la langue ne sera pas la même pour tous. Puisque les deux ne sont pas équivalents, la maîtrise du langage dépend de chaque individu.

Or cette maîtrise est décisive : parce qu'une pensée claire s'exprime par des mots précis, alors le mauvais usage du langage prouve une insuffisance de la pensée. Le langage mène à la prise de parole, et cette prise de parole n'est pas la même pour tous. Certains individus sont plus à l'aise à l'oral que d'autres, et de plus la rhétorique, qui dépend de critères sociaux et culturels, n'est pas forcément maîtrisée de la même façon par tous.

Le Langage comme Marqueur Social

Par la prise de parole, par la maîtrise de la langue, l'individu s'exprimant prend, en quelque sorte, le pouvoir. Il apparaît en effet souvent que la maîtrise de la langue peut permettre à un individu de manifester une forme de supériorité. D'ailleurs, les différentes maîtrises du langage renvoient généralement à des différences sociales. Par exemple, l'utilisation d'un vocabulaire très spécifique et inaccessible est une manière de manifester sa supériorité et sa culture.

L'Analyse de Pierre Bourdieu

C'est ce que souligne le sociologue Pierre Bourdieu : pour lui, le langage n'est pas seulement un instrument de communication, mais aussi une manifestation symbolique de pouvoir. Lorsqu'une personne prend la parole, elle exprime toujours plus qu'un simple contenu informatif : le ton de sa voix, l'accent, le choix des mots, tous ces éléments constituant la manière de dire quelque chose expriment aussi la valeur de ce que l'on dit. Ainsi, choisir un mode d'expression (l'argot, le verlan, le français conventionnel ou soutenu) c'est en même temps exprimer une appartenance sociale, c'est se classer. Le pouvoir symbolique d'un certain langage n'est donc que le reflet d'un pouvoir qui s'exerce sur le plan social. Le pouvoir du langage, son efficacité, vient donc du pouvoir social, de la reconnaissance sociale. Ainsi, si la langue est un instrument de pouvoir, alors prendre la parole est en un sens prendre le pouvoir. Le pouvoir dont témoigne le langage n'est en définitive qu'une des manifestations de la hiérarchie sociale.

Le Langage, Outil de Domination

Le langage peut donc se révéler dangereux et devenir un outil de domination. En effet, on aura tendance à faire preuve de révérence à l'égard de quelqu'un qui donne l'apparence de maîtriser parfaitement ce dont il parle, comme lorsque l'on fait intervenir des spécialistes pour expliquer certaines choses. Pourtant, maîtriser la langue ne signifie pas nécessairement que l'on maîtrise le sujet dont on parle : les mots ont une force extraordinaire, et ce en dépit du fait qu'ils n'expriment pas forcément la vérité.

La Critique de la Rhétorique par Platon

C'est ainsi que Platon condamnait l'art de la rhétorique qu'utilisaient les sophistes, lesquels étaient maîtres dans l'art de la persuasion, indépendamment de la vérité de ce qu'ils défendaient. On adresse d'ailleurs le même reproche aux démagogues, qui utilisent un langage flatteur pour acquérir une légitimité : ils instrumentalisent le pouvoir des mots pour gagner les esprits. Puisque le langage peut véhiculer n'importe quel contenu et qu'il a un pouvoir très important, son usage est potentiellement dangereux.

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