Pouvoir Politique, État et Théories du Contrat Social : De Platon à Rousseau

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I. Le Pouvoir Politique et l'État

Le pouvoir est la capacité d'un individu ou d'un groupe social d'imposer sa volonté sur les autres. Il est déterminé par une relation dans laquelle un élément est contrôlé et déterminé par l'autre composante de la relation.

Lorsque les relations de pouvoir concernent principalement le fonctionnement social, on parle de pouvoir politique, organisé au sein de la polis. Le pouvoir politique est celui exercé dans la gestion, le contrôle et la distribution des affaires publiques.

Dans la plupart des sociétés modernes, la régulation du pouvoir politique est assurée par l'État. Il existe un État dans toute société possédant une forme d'organisation politique. Dans toute société, il y a des agences qui détiennent le pouvoir et dont la fonction est de contrôler, de réglementer et de gérer le bien commun ainsi que les droits et obligations des citoyens. La forme moderne de l'État apparaît au XVIe siècle.

D'après l'œuvre de Machiavel, l'État est une forme d'organisation politique caractérisée par une énergie permanente et incontestable dans une zone définie. Pour Max Weber, ce qui caractérise l'État est la possession du monopole de la force et de la violence au sein de son territoire. L'État est une organisation qui possède les caractéristiques suivantes :

  • Le Territoire : Le pouvoir de l'État est limité au territoire que définissent ses frontières.
  • La Souveraineté : Au niveau de l'État, il n'existe aucune juridiction supérieure à laquelle l'État doit se soumettre. Cette caractéristique des États est discutée avec l'émergence d'organes supra-étatiques qui peuvent usurper certaines fonctions des États-nations.
  • L'Ordre et la Sécurité : L'État maintient l'ordre pour protéger les membres de la société des dangers extérieurs. Sur le plan intérieur, l'État doit appliquer la loi pour garantir la paix et la sécurité. Extérieurement, il doit protéger les citoyens contre les agressions, établir des relations internationales avec d'autres pays et respecter les engagements internationaux découlant des accords souscrits.

II. Premières Formes d'Organisation Politique

II.1. La Démocratie Athénienne

Dans les communautés grecques archaïques, différentes tribus étaient structurées pour former un certain nombre de fratries, probablement l'unité hiérarchique fondamentale, qui à leur tour se regroupaient en plusieurs ensembles de familles ayant un ancêtre mythique commun unique. Articulée de cette manière, une dépendance hiérarchique et pyramidale s'exerçait sur un territoire donné, présidant à la fois l'organisation des décisions politiques et la défense militaire de la communauté.

Une théorie politique émerge véritablement lorsque la crise sociale, économique et politique survient dans la seconde moitié du VIIIe siècle av. J.-C. et particulièrement au VIIe siècle av. J.-C. Ceci est souvent appelé la période pré-classique, précédant les théories politiques classiques.

Dans cette société, l'aristocratie était investie de vertus spéciales. Le concept de la dikela justice — était vaguement caractérisé comme l'ordre donné par les règles, par la tradition. D'autre part, les idéaux aristocratiques valorisaient le héros équipé d'aretēla vertu — qui comprenait à la fois la capacité d'exprimer la meilleure opinion et la capacité de mener à une vie matérielle et spirituelle supérieure.

La théorie pré-classique a évolué face à la situation traditionnelle. D'une part, il y avait une intention d'inclure dans l'univers de la dike les secteurs défavorisés de l'échelle sociale. D'autre part, il y avait la conviction que la « mesure » était l'idéal qui devait régir nos actions, tout comme l'idéal lié à la connaissance de nos propres limites. Cet idéal de nouvelle mesure permettra un processus de rationalisation et de moralisation des comportements qui prendra une expression constitutionnelle dans le système athénien de Solon en 594 av. J.-C. Ce processus simplifié permet de comprendre l'univers comme essentiellement rationnel, présidé par un logos commun. Les conséquences politiques seront décisives pour la période démocratique : la force égalitaire de la justice reviendra à la base du système démocratique.

Réformes

Les réformes successives visaient deux directions : d'une part, il était conscient que les efforts de démocratisation ne devaient pas nécessairement limiter le pouvoir des secteurs aristocratiques. Il n'était pas possible d'éliminer l'aristocratie en tant que classe, mais on pouvait supprimer les fonctions des organes politiques qui les représentaient. Les questions politiques majeures étaient abordées lors de la réunion (l'Assemblée), où les citoyens auraient une plus grande présence. D'autre part, les réformes constitutionnelles visaient à organiser politiquement les organes où les décisions politiques, administratives et économiques étaient prises, permettant à la démos (le peuple) d'être intégré aux tâches de gouvernement et de vider politiquement de leur contenu les institutions aristocratiques.

Au VIe siècle av. J.-C., le système athénien pouvait être considéré comme une isonomie, ou égalité devant la loi, ou comme une iségorie, ou égalité des citoyens devant l'Assemblée. Au Ve siècle av. J.-C., le terme Demokratia apparaît pour décrire le système politique à Athènes durant la période des guerres médiques.

II.2. Formes Personnelles de l'Autorité Politique

La forme d'autorité politique qui prévalait dans l'Antiquité était l'autorité personnelle dans l'exercice du pouvoir. La légitimité provenait de différents types de despotismes, dans lesquels le pouvoir était lié au héros, fondateur d'une ville, d'un clan ou d'une dynastie. Le transfert du pouvoir dans ces cas était héréditaire, comme dans les monarchies actuelles.

Avec la disparition de l'Empire romain en Europe, apparaît un système de pouvoir personnel axé sur la subordination d'un individu à un autre, connu sous le nom de « servage ». Le vassal jurait allégeance à son seigneur en échange d'un engagement de ce dernier à le défendre.

La relation de vassalité permettait le transfert d'une partie de la terre par un seigneur à un membre de son entourage, qui obtenait ainsi des moyens de subsistance. Le seigneur n'avait pas besoin de maintenir tout son entourage, mais pouvait l'utiliser si nécessaire.

La caractéristique de ces relations socio-économiques n'était pas la propriété du bien, mais le droit d'usage ; ce droit de succession était transmis avec les charges et les frais qui s'y rattachaient. La priorité était donc de contrôler l'usage des terres et de la population active.

À la fin du Moyen Âge, deux grandes institutions politiques existaient : l'État-Empire et l'Église. L'État et l'Église ont développé des systèmes élaborés pour remplir leurs fonctions administratives et de gouvernance, ce qui mènera par la suite à la formation des États modernes.

II.3. La Société Civile Moderne et les Théories du Contrat Social

Un trait caractéristique de la société moderne est la défense des droits de propriété. Cela garantit l'existence d'individus libres et autonomes, capables d'établir des liens sociaux entre eux tout en respectant leur individualité. Résultat de ce lien entre autonomie sociale, politique et économique, l'individu prend le pas sur la communauté sociale. La sociabilité est désormais basée sur l'idée que la société est le résultat d'individus formant des relations sociales qui régissent l'usage politique, économique et de la force.

Les penseurs de l'époque se sont interrogés sur la source du pouvoir. Puisque l'individu est libre, le pouvoir qu'ils exercent les uns sur les autres doit provenir soit de la violence que certains individus peuvent exercer aux dépens des autres, soit de l'idée d'une alliance ou d'un contrat entre individus libres. Un pouvoir basé sur l'usage constant de la violence ne garantit pas la stabilité. Une série de normes obligatoires n'a de sens que si ces règles sont utiles et bénéfiques pour tous, ou du moins pour la majorité. Il fut alors trouvé nécessaire de légitimer une série de normes pour assurer la possession de ce que chacun possède et sa propre sécurité. Cela postule l'existence de l'État dont la fonction essentielle est d'assurer la conformité au Pacte.

Les théories du contrat social distinguent entre l'alliance de partenariat créant la société civile et le pacte de soumission par lequel l'individu cède son autorité à l'État. Cette distinction est fondamentale pour comprendre la théorie du contrat social. Cette nouvelle distinction permet d'opposer l'état civil à l'état de nature. Ce qui caractérise l'état de nature est la liberté radicale de l'individu, sans aucune forme de coercition sur les individus, garantissant également la possession et la jouissance de leurs biens ou leur sécurité personnelle. Contre l'état de nature, l'état civil garantit la possession des biens par leur reconnaissance et leur cadre juridique. L'état civil est un état de droit dans lequel les personnes privées réglementent légalement leurs relations et agissent collectivement conformément à des normes communes.

I. Thomas Hobbes

Sa théorie politique vise à assurer l'ordre social et à éviter le conflit généralisé de la population dans un état de guerre de tous contre tous. Cette idée ne doit pas être prise au sens littéral d'une guerre civile, mais plutôt comme un conflit social généralisé qui empêche le développement des qualités ou du potentiel des êtres humains et de leur culture.

Thomas Hobbes repose sur trois prémisses :

  1. Les êtres humains sont égaux en ce qui concerne les capacités intellectuelles ou physiques, ce qui les amène à poursuivre les mêmes objectifs.
  2. Tous les êtres humains recherchent leur propre conservation et leur plaisir dans les mesures qu'ils prennent.
  3. Le fait que chacun cherche sa propre conservation et à satisfaire ses propres besoins conduit à une concurrence généralisée entre les individus.

La manière d'éviter ce conflit serait de soumettre chacun à un pouvoir politique capable d'empêcher les sujets de s'affronter les uns contre les autres.

Ce qui caractérise l'état de guerre est sa permanence dans le temps et le fait que l'individu dépend de sa propre force et de son ingéniosité pour sa sécurité.

L'état naturel de guerre est une conséquence de la nature de l'homme et de ses passions. La force et la fraude sont les deux vertus de la guerre ; dans cet état de choses, la justice n'a aucun sens. Le conflit généralisé dans l'état de guerre empêche l'humanité de bénéficier des avancées de la civilisation, car ce n'est que dans une société et la création d'un corps social que la paix et la civilisation peuvent être atteintes.

L'état de guerre n'est pas un fait historique ayant précédé la création de toutes les sociétés, mais c'est un état qui précède la société d'un point de vue logique. Si l'on fait abstraction de ce qui caractérise la société et des avantages qu'elle procure, on aboutirait à une situation antérieure à l'État où chacun devrait se débrouiller seul et compter sur ses propres chances de survie pour assurer sa conservation. Ce que Hobbes pourrait affirmer, c'est que l'état de guerre représente la situation dans laquelle l'homme pourrait se trouver s'il ignorait la civilisation et un modèle social fondé sur la notion d'un État garantissant la conformité à une loi qui limite les abus de pouvoir qu'un individu pourrait exercer sur un autre. Hobbes s'opposerait au principe préconisé par Calliclès selon lequel il existerait un droit naturel du plus fort à imposer sa volonté sur le reste de la population incapable de s'y opposer. Tout pouvoir doit être concentré dans un État conçu comme une puissance impitoyable pour éviter le chaos qui s'établirait dans une situation décrite comme un état de guerre de tous contre tous.

La fondation de cet État doit reposer sur ce que Hobbes appelle les lois de la nature, qui sont les lois adoptées par l'usage de la raison.

La loi naturelle n'est pas fondée sur un principe métaphysique ou théologique, mais sur un principe égoïste de survie. Les lois garantissent notre survie mieux que la lutte continue pour l'existence. Il y aurait une tendance naturelle chez l'homme à vouloir être jugé, ce qui expliquerait la source ultime du pouvoir.

Hobbes décrit 19 lois naturelles dans le Léviathan.

Ces lois visent à assurer l'auto-préservation et la sécurité personnelle. Les lois elles-mêmes ne peuvent y parvenir sans une puissance coercitive qui les impose et assure leur respect par la menace et la répression, appuyée par la force.

De cette conception du pouvoir politique, on peut déduire que les citoyens « transfèrent tous leurs pouvoirs et leur force à un homme ou une assemblée d'hommes qui peuvent réduire toutes leurs volontés à une volonté unique » après un accord entre les personnes. Il s'agit de renoncer au droit à l'autonomie gouvernementale et d'autoriser un ensemble de personnes ou un homme à statuer en leur nom propre, à condition qu'ils renoncent également à leur droit de se gouverner. La personne à qui incombe la responsabilité du gouvernement est nommée souverain et les autres personnes sont les sujets. Pour Hobbes, le contrat est passé entre les sujets, égaux entre eux, et non entre les sujets et le souverain ; la légitimité du souverain provient du contrat entre les sujets, même s'il n'en fait pas partie.

Le pouvoir souverain est absolu et ne peut être accordé sous condition. Les sujets ne peuvent pas changer la forme du gouvernement, ni répudier l'ordre établi après le contrat. Le souverain ne peut être blâmé pour ses actions, ni puni par ses sujets, car chaque sujet est l'auteur des actes de son souverain, et punir le souverain reviendrait à se punir soi-même.

Le pouvoir souverain est absolu, mais il existe des limites à ses actions. Le souverain ne peut demander à l'un de ses sujets de renoncer à ses droits fondamentaux de survie ou à son intégrité physique. Ni une personne ne peut être forcée d'avouer ses crimes ou de tuer sur commande. Les sujets sont déliés de leur obligation d'obéir lorsque le souverain renonce à sa souveraineté ou lorsqu'il est incapable d'exercer le pouvoir et de protéger ses sujets.

II. John Locke

Locke est d'accord avec Hobbes sur l'état de nature : « Tous les hommes sont naturellement dans cet état et y restent jusqu'à ce que, de leur plein gré, ils deviennent membres d'une société politique. » Son idée de l'état de nature est très différente de celle de Hobbes. Pour Locke, il existe des différences essentielles entre l'état de nature et l'état de guerre. « L'état de nature est caractérisé par des hommes vivant ensemble selon la raison, sans avoir de supérieur commun pour résoudre leurs conflits. » L'état de guerre se produit lorsque la force est utilisée en dehors du domaine du droit.

L'existence de l'état de nature est basée sur l'existence d'une loi morale naturelle découverte par l'usage de la raison. « L'état de nature est régi par une loi, et cette loi, qui est la raison, enseigne à toutes les personnes qui la consultent qu'elles sont égales et indépendantes, et que nul ne doit nuire à un autre dans sa vie, sa santé, sa liberté ou sa propriété. » L'existence d'un état naturel basé sur une loi morale naturelle agissant dans la conscience de tous les hommes, indépendamment de l'État, permet à Locke de justifier l'existence des droits naturels.

L'émergence du mariage ou du partenariat est un besoin inhérent à la nature humaine. Pour Locke, Dieu créa l'homme libre, mais dans l'état de nature, il lui donna aussi une forte propension à vivre en société. Locke permet d'affirmer que la société est quelque chose de naturel à l'homme. La première forme de groupement social serait la famille, tandis que la société civile répondrait aux besoins de l'homme. Ces besoins humains ne peuvent être couverts par l'état de nature, caractérisé par l'indépendance totale des uns par rapport aux autres. Pour Locke, la satisfaction de certains besoins humains n'est possible que si les hommes sont dotés d'une certaine organisation sociale, notamment pour préserver leur liberté et leurs droits naturels.

Locke reconnaît la nécessité d'un droit positif pour établir des lois reconnues et acceptées par tous. La société politique naît « partout où un certain nombre d'hommes en état de nature s'associent, ou si un homme s'associe et s'intègre dans une communauté politique établie ». Cette loi empêche que tout homme puisse être privé dans cet état et soumis à un pouvoir politique civil sans son consentement.

L'acceptation de cet état implique de renoncer à leurs pouvoirs législatif et exécutif, tels qu'ils étaient exercés dans l'état de nature, dans le but d'assurer leur sécurité et leur liberté. « Ceci étant, dans un état de nature, ils se regroupent en société. » Cette situation exige le consentement des individus à se soumettre à la volonté de la majorité.

Locke reconnaît la possibilité que les plus tyranniques se comportent mal envers la minorité, mais cela reste moins grave que dans le système politique de la monarchie absolue que Locke considérait comme incompatible avec la société civile.

Ce qui pousse un homme à accepter le pouvoir de la majorité, c'est l'acceptation des avantages de vivre en société.

Locke établit implicitement deux types d'accords par lesquels le gouvernement est formé et le pouvoir transféré au souverain. Par la première alliance, un homme fait partie d'une société politique et est obligé d'accepter les décisions prises par la majorité des membres de la communauté ; par la seconde alliance, les membres de la communauté décident eux-mêmes du gouvernement responsable ou établissent une monarchie ou une oligarchie. La différence entre l'alliance de Hobbes et celle de Locke réside dans le fait que, dans le premier cas, la destitution du souverain entraîne la dissolution de la société politique, tandis que dans le cas de Locke, la société politique ne peut être dissoute car elle repose sur un pacte différent et ne peut disparaître que par accord de ses membres.

Locke estime qu'il existe des moyens de dissoudre le corps législatif en interne. Locke indique que lorsque l'assemblée, ayant transféré le pouvoir au prince, confond le droit avec sa volonté personnelle, ou empêche l'appel et la réunion de tous, on peut considérer que le corps législatif a changé de rôle et doit donc être dissous. Si ceux qui détiennent le pouvoir législatif abandonnent ou négligent leurs devoirs, le gouvernement est dissous. Le gouvernement est dissous lorsque le pouvoir législatif agit contre les intérêts des citoyens, ou contre le mandat qui lui a été confié.

Dans les cas où un gouvernement est dissous, la rébellion est justifiée. La théorie politique de Locke laisse ouverte la possibilité d'une rébellion contre le pouvoir à condition que celle-ci vise à défendre les intérêts collectifs. Le rebelle est celui qui ignore, néglige ou contredit les intérêts de la collectivité ou agit contre ses droits.

III. Rousseau

L'augmentation de la pauvreté et de l'inégalité entre les êtres humains ne pouvait être freinée que par la création d'une alliance ou d'un contrat menant à une société plus juste.

Rousseau affirmait la « bonté innée des hommes ». C'est la vie sociale qui engendre les inégalités sociales à partir des inégalités naturelles, rendant possible l'appropriation inégale des richesses.

Responsable de cette situation, la société civile nécessitera l'établissement d'un concept de « société civile » dans laquelle tous ses membres pourraient se traduire par une « volonté générale », entendue comme un corps moralisé au-dessus de la volonté individuelle et des intérêts égoïstes de certains individus. La structure politique serait la démocratie directe et non une démocratie représentative.

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