La Preuve en Procédure Civile : Principes et Procédures

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Point 24 : La Preuve en Procédure Civile

Concept de la Preuve

La preuve a deux significations :

  • Comme moyen de preuve : l'ensemble des ressources utilisables pour établir la véracité d'un fait.
  • Comme finalité de la preuve : l'activité visant à démontrer la véracité d'un fait.

La preuve est l'activité visant à convaincre le juge de la vérité ou de la fausseté d'une allégation.

Pour garantir le droit à une protection juridictionnelle effective, la preuve est fondamentale. Les citoyens ont le droit d'utiliser les moyens de preuve pertinents pour leur défense.

L'un des piliers de la procédure civile est le principe dispositif : il appartient aux parties d'alléguer les faits et d'apporter les preuves correspondantes.

Sources et Moyens de Preuve

Sources de Preuve

Ce sont les éléments existant en dehors du processus, susceptibles d'être utilisés par les parties pour prouver un fait. Exemple : un document, un témoin.

Moyens de Preuve

C'est l'activité procédurale nécessaire pour introduire les sources de preuve dans le procès.

La preuve est régie par la loi (par exemple, le Code de Procédure Civile - LEC art. 299 et suivants) et comprend la proposition et l'administration de la preuve.

L'article 299 LEC énumère les moyens de preuve :

  • Interrogatoire des parties
  • Documents publics
  • Documents privés
  • Avis d'expert (Expertise)
  • Inspection judiciaire
  • Interrogatoire des témoins
  • Moyens de reproduction de la parole, du son et de l'image, et instruments de stockage de données
  • Tout autre moyen non expressément prévu permettant d'obtenir la certitude sur des faits pertinents (numerus apertus)

L'article 300 LEC définit l'ordre d'administration des preuves (interrogatoire des parties, témoins, experts, inspection judiciaire, reproduction de sons/images...).

Objet de la Preuve (Art. 281-283 LEC)

L'objet de la preuve concerne ce qui peut être prouvé dans le processus. En principe, il s'agit des faits allégués par les parties et qui sont pertinents pour la décision. Cependant, tous les faits allégués ne nécessitent pas de preuve.

Faits dispensés de preuve :

  • Faits admis : Les allégations factuelles reconnues par la partie adverse.
  • Faits notoires : Faits dont l'existence est publiquement connue et considérée comme certaine par une personne de culture moyenne dans un lieu et un temps donnés. La notoriété doit être :
    • Absolue et générale : connue de la majorité des personnes.
    • Cognitive : connue sans nécessiter de connaissances spécialisées.
    • Territoriale : connue dans le lieu concerné.

Exception : La preuve du droit

Parfois, l'objet de la preuve peut s'étendre au droit lui-même. Bien que le principe iura novit curia (le tribunal connaît le droit) prévale, il existe des exceptions où l'on ne peut exiger du juge qu'il connaisse certaines normes :

  • Droit historique : N'étant plus en vigueur.
  • Droit non étatique ou local : Règlements spécifiques (règlements locaux, statuts d'entités, etc.) dont la connaissance ne peut être présumée.
  • Droit étranger : Son contenu, sa validité et son interprétation doivent être prouvés (par exemple, via des certificats consulaires, des avis d'experts juridiques).
  • La coutume : Source de droit en l'absence de loi applicable, à condition qu'elle ne soit pas contraire à la morale ou à l'ordre public et qu'elle soit prouvée.

Charge et Évaluation de la Preuve

Charge de la Preuve (Art. 217 LEC : Règle générale)

  • Il incombe au demandeur (et au défendeur sur demande reconventionnelle) de prouver les faits constitutifs de sa prétention.
  • Il incombe au défendeur (et au demandeur sur demande reconventionnelle) de prouver les faits impeditifs, dirimants ou extinctifs qu'il oppose aux prétentions adverses.

Il s'agit toutefois d'une règle supplétive, applicable en l'absence de dispositions légales spécifiques prévoyant une répartition différente de la charge de la preuve. Exemples :

  • Art. 217.5 LEC : Dans les procès sur la concurrence déloyale ou la publicité illicite, la charge de la preuve de l'exactitude et de la véracité des indications ou manifestations incombe au défendeur. En matière de discrimination, il incombe au défendeur de prouver l'absence de discrimination.
  • Art. 434 Code Civil : La bonne foi est présumée ; celui qui allègue la mauvaise foi doit la prouver.
  • Art. 850 Code Civil : Celui qui fonde l'exhérédation sur une juste cause doit la prouver si l'héritier concerné la conteste.
  • Art. 1183 Code Civil : La perte de la chose due en possession du débiteur est présumée due à sa faute (sauf preuve contraire par le débiteur).

Évaluation de la Preuve

C'est l'activité intellectuelle du juge visant à déterminer si les allégations factuelles sont corroborées par les preuves administrées. Le juge doit motiver son appréciation dans sa décision.

Deux systèmes d'évaluation coexistent :

  • Le système de la preuve légale (ou tarifée)
  • Le système de la libre appréciation (ou intime conviction raisonnée)
Système de la Preuve Légale (Tarifée)

La loi impose au juge la valeur probante à accorder à certains moyens de preuve. Cas limités :

  • Documents publics (Art. 319 LEC) : Font pleine foi du fait, de l'acte ou de l'état des choses qu'ils documentent, de la date et des personnes qui y interviennent.
  • Documents privés (Art. 326 LEC, cf. Art. 1225 CC) : Font foi comme un document public entre ceux qui les ont signés et leurs ayants cause, s'ils sont reconnus légalement. Ils acquièrent date certaine à l'égard des tiers notamment le jour de leur inscription dans un registre public, du décès d'un signataire, ou de leur présentation à un fonctionnaire public (Art. 1227 CC).
Système de la Libre Appréciation (Art. 218 LEC)

Pour les preuves non soumises à une règle d'évaluation légale (la majorité des cas : témoignages, expertises, interrogatoires, etc.), le juge les apprécie librement, mais de manière motivée, selon les règles de la saine critique (logique, science et expérience), en considérant les preuves dans leur ensemble.

Procédure Probatoire (Art. 284-292 LEC)

Elle comprend trois phases : proposition, admission et administration des preuves.

Proposition

Acte par lequel les parties indiquent les moyens de preuve qu'elles souhaitent utiliser pour étayer leurs allégations.

Admission

Décision par laquelle le tribunal, après avoir vérifié la pertinence, l'utilité et la légalité des preuves proposées, accepte de les recevoir et ordonne leur administration.

La décision d'admission ou de rejet peut être contestée par un recours immédiat (reposición). En cas de rejet de ce recours, la partie peut réitérer sa demande en cas d'appel sur le fond (formuler protesta).

  • Pertinence : Un moyen de preuve est pertinent s'il a un lien avec l'objet du litige.
  • Utilité : La preuve doit être apte à contribuer à l'établissement des faits.
  • Légalité : La preuve ne doit pas avoir été obtenue en violation des droits fondamentaux.

Administration

Phase de réalisation effective des preuves admises (auditions, expertises, etc.), généralement lors de l'audience de jugement ou de l'audience principale (vista).

Preuve Anticipée et Mesures Conservatoires (Art. 293-298 LEC)

Ces mécanismes visent à prévenir que l'écoulement du temps n'affecte la possibilité d'administrer une preuve.

Preuve Anticipée

Administration d'un moyen de preuve avant le moment normalement prévu dans la procédure.

  • Qui peut la demander ? Le futur demandeur avant le procès ; les deux parties une fois le procès engagé.
  • Compétence : Avant le procès, le tribunal compétent pour le fond ; pendant le procès, le tribunal saisi.
Conditions :
  • Temporelle : Peut être demandée avant l'introduction de la demande ou pendant la procédure. Si demandée avant, elle perd sa valeur si la demande au fond n'est pas introduite dans les 2 mois suivant son administration.
  • Matérielle : Crainte fondée qu'en raison des circonstances (personnes ou choses), la preuve ne puisse être administrée au moment opportun (ex: témoin gravement malade, bien périssable).
  • Contradictoire : La partie adverse (ou future partie adverse) doit être citée pour participer à l'administration de la preuve.
  • Formelle : Les éléments matériels de la preuve sont conservés par le greffe.
Procédure :

Demande écrite et motivée au tribunal compétent, indiquant :

  • Le moyen de preuve proposé.
  • L'identité de la (future) partie adverse.
  • Les motifs justifiant l'anticipation.

Mesures Conservatoires de la Preuve

Elles ne visent pas à administrer une preuve par anticipation, mais à préserver une source de preuve (objet, lieu, information) pour qu'elle puisse être utilisée ultérieurement via le moyen de preuve adéquat.

Si ordonnées avant le procès, la demande au fond doit être introduite dans les 20 jours suivant l'adoption de la mesure.

Conditions :
  • Péril : Risque fondé que des actions humaines ou des événements naturels détruisent ou altèrent des objets ou états de fait, rendant la preuve future impossible ou difficile.
  • Adéquation : La mesure doit être possible, pertinente et utile pour la preuve future.
  • Nécessité : Crainte fondée que sans la mesure, la preuve future soit compromise.
Procédure :

Demande écrite et motivée au tribunal. Une caution peut être exigée.

Le juge peut statuer :

  • Après audition de la partie adverse.
  • Sans audition préalable (inaudita altera parte) : La décision doit alors être spécialement motivée sur ce point. La partie adverse peut former opposition dans les 20 jours suivant la notification.

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