Régence, Libéralisme et Guerres Carlistes en Espagne (1833-1843)
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La Régence de Marie-Christine et la Première Guerre Carliste (1833-1839)
À la mort de Ferdinand VII en 1833, sa fille Isabelle II lui succéda, sous la régence de sa veuve, Marie-Christine de Naples. La loi salique avait été annulée par la Pragmatique Sanction, permettant ainsi l'accession au trône d'une femme. Cette décision provoqua les protestations des partis carlistes, purement apostoliques et royalistes, et déclencha la Première Guerre Carliste, dont la cause profonde était le maintien de l'absolutisme.
L'Idéologie Carliste et ses Soutiens
L'idéologie du Carlisme était simple : l'identification du trône et de l'autel à l'absolutisme, l'opposition au centralisme libéral et la défense des fueros (chartes régionales). Pour beaucoup, la Guerre Carliste avait une composante religieuse. Les zones contrôlées par les rebelles étaient des régions profondément provinciales. La lutte carliste contre les libéraux était en partie une lutte de la campagne contre la ville : des agriculteurs, des nobles et des artisans ont nourri les rangs de la rébellion, s'opposant au libéralisme qui cherchait à introduire des changements dans l'économie traditionnelle.
Le Carlisme était plus présent dans les provinces forales (Pays Basque et Navarre) et, dans d'autres régions (Catalogne, Aragon, Valence, Galice, Vieille-Castille), il était limité à certaines de leurs zones.
Les Premières Réformes Libérales et la Division Politique
Le soulèvement carliste a poussé la régente vers une transition politique. Le ministre du Développement, Javier de Burgos, a créé la division provinciale de l'Espagne en 49 provinces régies par un chef politique, posant ainsi l'un des fondements de la centralisation libérale.
Le libéral modéré Martínez de la Rosa fut l'architecte du Statut Royal (1834), par lequel la monarchie cessa d'être absolue. Il ne s'agissait pas d'une constitution, mais d'une charte octroyée qui n'acceptait ni le principe de la souveraineté nationale ni la séparation des pouvoirs. Elle établissait deux chambres : celle des Próceres (pairs) et celle des Procuradores (députés), ces dernières ayant un rôle purement consultatif.
Cela provoqua la division des libéraux : les modérés acceptaient cette charte, tandis que les progressistes exigeaient une constitution issue de la souveraineté nationale, dont la référence était la Constitution de 1812.
Le Mouvement Révolutionnaire et le Gouvernement Mendizábal (1834-1836)
En 1834-1835, l'échec de la Guerre Carliste et les exigences des milieux urbains et des classes inférieures pour un régime entièrement libéral déclenchèrent un mouvement révolutionnaire. Des Juntes révolutionnaires rejetèrent la loi et demandèrent à la Régente :
- La convocation des Cortès
- La liberté de la presse
- Une nouvelle loi électorale
La radicalisation du mouvement révolutionnaire et sa propagation à travers le pays obligèrent Marie-Christine à faire appel au gouvernement progressiste de Mendizábal. Celui-ci adopta des mesures pour réformer le régime seigneurial et consolider définitivement le régime libéral :
- L'abolition des mayorazgos (majorats), des dîmes et des droits seigneuriaux
- L'abolition de la Mesta
- L'abolition des privilèges des corporations et la mise en œuvre de la liberté de commerce et d'industrie
- Le désamortissement des biens ecclésiastiques, entrepris pour réunir les ressources financières nécessaires au financement de la guerre civile et pour démanteler le pouvoir économique et l'influence contre-révolutionnaire de l'Église.
Ainsi, les majorats et les domaines furent supprimés, mais la terre resta en grande partie aux mains de la noblesse. Le triomphe du régime libéral en Espagne fut donc le résultat d'un pacte entre la bourgeoisie et la noblesse terrienne.
La Constitution de 1837 et la Fin de la Guerre Carliste
Après le pronunciamiento des sergents de La Granja en 1836, la Constitution de 1812 fut rétablie. Les Cortès convoquées décidèrent de réviser le texte, et la Constitution de 1837 fut adoptée. Elle représentait un compromis entre celle de 1812 et la situation réelle :
- Elle reconnaissait le principe de la souveraineté nationale (mais seulement dans le préambule).
- Le roi partageait le pouvoir législatif avec les Cortès et disposait d'un droit de veto absolu.
- Le bicamérisme était fondé sur le suffrage censitaire.
- La religion n'était pas aussi exhaustivement définie que dans celle de 1812.
La Guerre Carliste se termina en 1839 par l'Accord de Vergara entre le général Espartero et le général carliste Maroto. Il fut convenu d'incorporer les officiers de l'armée carliste dans l'armée isabelline et Espartero s'engagea à recommander aux Cortès la reconnaissance des fueros basques et navarrais.
La Régence d'Espartero et la Majorité d'Isabelle II (1840-1843)
La fin de la régence de Marie-Christine survint suite à sa confrontation avec Espartero au sujet de la loi sur les municipalités. Espartero la contraignit à renoncer à la régence et elle partit en exil.
De 1840 à 1843, la régence d'Espartero rencontra de nombreuses difficultés. De nombreux modérés complotaient pour remplacer Marie-Christine. En 1841, Espartero décréta un nouveau désamortissement, touchant cette fois les biens du clergé séculier. La situation intérieure fut encore compliquée par la signature d'un traité économique de libre-échange avec l'Angleterre.
Finalement, un vaste mouvement militaire, dans lequel modérés et progressistes formèrent un front commun, mit fin au régime d'Espartero. Le nouvel homme fort fut Narváez, et la majorité d'Isabelle II fut proclamée.