Le Règne de Ferdinand VII (1814-1833) : Absolutisme vs Libéralisme
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La crise de l'Ancien Régime a débuté avec les différends sous le règne de Charles IV, la mutinerie d'Aranjuez et le soulèvement du 2 mai 1808, menant à une confrontation durable entre l'absolutisme et le libéralisme, où les positions politiques se sont radicalisées. La persistance de cette lutte tout au long du règne de Ferdinand VII souligne la puissance des privilégiés de l'Ancien Régime et la faiblesse des forces libérales. Cependant, à la fin de cette étape, il est évident que l'Ancien Régime (AR) est terminé et que les classes dirigeantes structurent l'État différemment.
A) La Restauration de l'Absolutisme (1814-1820)
En 1813, suite à la défaite de Napoléon, le traité de Valençay est signé, restaurant Ferdinand VII sur le trône d'Espagne. Le roi promet de réhabiliter les afrancesados (francophiles). En mars 1814, Ferdinand arrive en Espagne. La Régence et les Cortes avaient pour objectif que le roi jure la Constitution dès son arrivée, craignant un retour à l'absolutisme.
Cependant, durant son voyage de retour, le roi voit des signes de division politique. Le général Elio, à Valence, se prononce en faveur du retour à l'absolutisme. Dans la même ville, un groupe d'une centaine de députés remet un document, le Manifeste des Perses, demandant le rétablissement du pouvoir absolu et l'abrogation de la législation libérale.
Ajouté à l'enthousiasme populaire qui accompagne le voyage du roi et à la situation européenne (la défaite de Napoléon favorisant l'absolutisme), il n'est pas surprenant que le roi ait décidé de proclamer le décret du 4 mai à Valence, détruisant la Constitution et les lois de Cadix. À Madrid, des dirigeants libéraux clés sont arrêtés ou exécutés. Dans les jours suivants, toutes les lois antérieures à 1808 sont restaurées, le régime féodal et l'Inquisition sont rétablis.
Ce fut un véritable coup d'État absolutiste où convergent à nouveau les grands pouvoirs traditionnels : la monarchie, l'aristocratie et l'Église. Les libéraux doivent passer dans la clandestinité et recourir aux coups d'État insurrectionnels (*pronunciamientos*), en s'appuyant sur les secteurs de l'armée libérale issus de la guerre contre Napoléon, pour tenter de mettre fin à l'absolutisme. Jusqu'en 1820, la plupart ont payé de leur vie cette tentative (Lacy, Porlier, Vidal...).
Inefficacité et Crise du Régime Absolutiste
Le gouvernement de ces six années fut totalement inefficace, non seulement en raison de la rotation permanente des ministres et des actions libérales, mais surtout de l'impossibilité de maintenir ce système politique. La situation du pays était chaotique :
- Destruction des infrastructures productives et de la flotte.
- Désastre démographique.
- Situation financière catastrophique.
- Les problèmes traditionnels, exacerbés par la guerre, n'avaient aucune solution à moins que les structures fiscales de l'Ancien Régime ne soient modifiées.
- Les colonies américaines étaient en rébellion, provoquant une paralysie du commerce.
Sans la mise en œuvre des réformes préconisées par le libéralisme (abolition du régime seigneurial, réforme fiscale, libre entreprise), il était impossible d'améliorer la situation économique. Or, ces réformes étaient opposées par ceux-là mêmes qui avaient soutenu le coup d'État absolutiste de mai 1814. Isolé, en faillite et impuissant, avec une armée désorganisée et mal payée, le régime absolutiste ne résistera pas à l'insurrection générale de 1820.
B) Le Triennat Libéral (1820-1823)
Le 1er janvier 1820, le *pronunciamiento* de Riego à Cabezas de San Juan proclame la Constitution de Cadix et restaure les autorités municipales constitutionnelles. Riego traverse plusieurs localités andalouses, rencontrant peu d'adhésion et des défections, mais d'autres villes se joignent à la déclaration. L'armée chargée de la lutte contre Riego proclame également la Constitution de Cadix, et Ferdinand VII est contraint de prêter serment à la Constitution, déclarant : « Marchons, franchement, et moi le premier, par la voie constitutionnelle. »
Cet événement aura un impact majeur hors d'Espagne, notamment au Portugal, dans le Piémont et surtout à Naples.
Mesures et Réformes du Triennat
En Espagne, les mesures suivantes sont prises :
- Création d'un Conseil d'administration provisoire, reconnu par des conseils similaires formés à travers le pays, qui demande des élections et la convocation des Cortes en juin.
- Décret d'une amnistie qui a permis le retour des anciens libéraux et afrancesados.
- Décret de la liberté de réunion et d'association (menant à la formation des Sociétés Patriotiques). Grâce à la liberté d'expression, on compte jusqu'à 700 journaux.
- Création de la Milice Nationale, force armée composée de citoyens volontaires.
Entre 1820 et 1823, il fut tenté de mettre en œuvre l'œuvre et l'esprit de Cadix :
- Abolition des tribunaux féodaux.
- Suppression de l'Inquisition.
- Réorganisation territoriale et administrative.
- Unification des codes et lois.
- Liberté de commerce, d'industrie et de la propriété.
- Contrôle des privilèges ecclésiastiques, réforme des ordres monastiques et réduction de la dîme.
Tout cela ne fut pas facile. La noblesse, l'Église et les privilégiés ont résisté et boycotté toute tentative de réforme. Surtout, le roi, utilisant le pouvoir de veto accordé par la Constitution, retardait la promulgation des lois.
Division des Libéraux en Factions
Étant donné les difficultés, les libéraux se sont divisés, donnant naissance aux embryons des premiers partis politiques :
- Modérés ou Doceañistas (Argüelles, Martínez de la Rosa, Toreno) : Partisans de réformes limitées. Ils collaborent avec le roi et recherchent un compromis avec l'Ancien Régime. Ils accusent leurs adversaires de républicanisme et de perturbations sociales.
- Exaltés : Ceux qui ont mené la révolution (jeunes officiers de la Milice Nationale et secteurs urbains). Accédant au pouvoir en 1822, ils accélèrent les réformes, conformément à un programme de développement capitaliste visant à bénéficier la bourgeoisie possédante (urbaine et rurale). Ils supposaient également créer les conditions d'une expansion du marché du travail pour les agriculteurs déplacés vers les villes à la suite de la réforme agraire. Mais ces réformes ne correspondaient pas aux aspirations des paysans concernant l'accès à la terre.