Règne de Ferdinand VII et Indépendances Latino-Américaines
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Règne de Ferdinand VII: Absolutisme, Libéralisme et Indépendances
La fin de la Guerre d'Indépendance et le retour de Ferdinand VII entraînèrent l'annulation des réformes libérales et la restauration de l'Ancien Régime. Son règne est divisé en trois étapes :
1. La Première Restauration (1814-1820)
En 1814, Ferdinand VII entra en Espagne depuis la France, acclamé par le peuple. Il céda rapidement à la pression des officiers supérieurs de l'armée, de l'Église et des politiciens conservateurs pour renverser la Constitution de 1812 et dissoudre le Parlement. L'action la plus importante de ce groupe fut le Manifeste des Perses, un document signé par plusieurs législateurs et remis au roi à Valence en avril 1814. Le texte appelait à la restauration des institutions traditionnelles et à la collaboration du monarque avec l'aristocratie, rejetant tous les travaux des Cortès de Cadix. Le manifeste justifia idéologiquement un coup d'État, que le roi réalisa le 4 mai 1814 à Valence en adoptant un décret qui annula toutes les réformes approuvées au Parlement, y compris la Constitution. Les libéraux les plus importants furent poursuivis et arrêtés ; d'autres purent s'exiler.
Pendant ce temps, le roi procéda à la restauration des institutions monarchiques d'avant 1808 : les conseils et l'Inquisition furent rétablis, les droits féodaux restaurés et la confiscation de 1803 suspendue.
La monarchie fut confrontée à une série de problèmes :
- L'instabilité au sein du gouvernement due aux fréquentes interventions de la Camarilla (groupe de personnes qui jouissent de la faveur royale).
- La crise financière de l'État : les dettes antérieures furent aggravées par la Guerre d'Indépendance et l'émancipation des territoires américains, privant la Couronne de revenus et paralysant le commerce et le développement industriel. Il fut impossible d'imposer un système fiscal qui ne remettrait pas en cause les privilèges de certains groupes. Le projet le plus ambitieux fut celui de Martín de Garay, ministre des Finances (1816-1818), qui tenta des mesures de désamortissement qui furent rejetées.
- Les complots et les rébellions militaires menés par les libéraux : les complots furent canalisés à travers des sociétés secrètes comme les francs-maçons, et les rébellions militaires s'exprimèrent par des pronunciamientos qui eurent lieu tout au long du XIXe siècle. Le pronunciamiento du général Rafael del Riego en janvier 1820 provoqua un changement politique marquant le début d'une nouvelle étape.
2. Le Triennat Libéral (1820-1823)
Après le pronunciamiento de Riego, Ferdinand VII signa un décret promettant de jurer fidélité à la Constitution de 1812 (mars 1820). Une nouvelle étape commença, au cours de laquelle on tenta de mettre en œuvre les réformes adoptées aux Cortès de Cadix. Les libéraux, désormais au pouvoir et disposant d'une milice armée, se divisèrent en deux courants : les exaltados (radicaux) et les modérés. Parallèlement à ces développements, il faut ajouter la naissance de l'opinion publique et l'émergence d'une opposition absolutiste qui déclencherait des rébellions militaires.
Le programme du gouvernement était de rétablir les lois votées à Cadix, telles que l'abolition de l'Inquisition (1820) et l'abolition du régime seigneurial. Le désamortissement fut repris, appliqué aux biens de mainmorte, et les majorats furent supprimés. Une réforme de l'Église fut entreprise pour réduire le nombre de monastères et d'ordres religieux ; les biens des ordres religieux furent nationalisés et vendus. La dîme fut réduite de moitié. Durant cette période, une législation sur l'éducation fut également adoptée (le Règlement général de l'Instruction publique), ainsi que le premier Code pénal et une nouvelle division du territoire espagnol en 52 provinces.
Le gouvernement libéral créa une Milice Nationale, conçue comme un organisme civil composé de citoyens armés prêts à défendre la Constitution et le régime libéral, distincte de l'armée régulière. Elle fut organisée dans toutes les municipalités, ses membres portant les armes, permettant l'incorporation des classes populaires urbaines. Ainsi, la Milice devint un allié de l'aile gauche du libéralisme et un instrument de diffusion des idées libérales.
Les libéraux de cette période étaient divisés entre les doceañistas (modérés), qui estimaient suffisantes les lois adoptées à Cadix, et les exaltados (radicaux), partisans de réformes plus profondes. Les premiers gouvernements, jusqu'en août 1822, furent modérés. Les exaltados menèrent plusieurs manifestations urbaines dès 1821, comme la « bataille des Platerías » à Madrid, inaugurant les mouvements populaires urbains à caractère libéral, fréquents tout au long du XIXe siècle. Ils accédèrent au gouvernement en 1822.
Le Triennat libéral généra un débat public grâce à la liberté constitutionnelle de presse, de réunion et d'expression. Le débat fut relayé par les sociétés patriotiques (clubs de discussion politique), les cafés et une presse libre. Il y eut jusqu'à 200 sociétés ; la « Fontana de Oro » fut célèbre, et parmi la presse politique se distingua le journal satirique « La Abeja » (1821-1823). Des journaux absolutistes furent également publiés, et des chansons populaires et airs à thèmes politiques émergèrent, comme « La Golondrina » et l'« Himno de Riego ».
Une opposition conservatrice se forma durant cette période, composée du roi (qui s'opposa à plusieurs reprises à ses ministres et au Parlement), d'une partie des officiers de l'armée, de l'élite de l'Ancien Régime, de la plupart des membres du clergé et de la paysannerie. Cette dernière percevait que le gouvernement favorisait la propriété privée des propriétaires terriens et transformait les locataires en simples employés et contribuables. Cette opposition fut connue sous les noms d'absolutistes, de realistas, d'apostoliques ou de sublevados (ils inventèrent la devise « Dieu, la Patrie et le Roi »). Elle s'exprima par diverses rébellions militaires urbaines, comme celle du 7 juillet 1822, où la Garde Royale organisa un coup d'État avec la complicité du roi. La rébellion fut contrecarrée par le conseil municipal, les tribunaux et la Milice, malgré la passivité du gouvernement qui fut remplacé. Les realistas organisèrent également une guerre de guérilla rurale qui dura jusqu'en 1823 et fut active en Catalogne, au Pays Basque, en Navarre et en Castille du Nord.
Un gouvernement absolutiste fut créé dans les Pyrénées catalanes, parallèlement au gouvernement libéral, connu sous le nom de la Régence d'Urgel (1822), qui fut dissous par les militaires.
Enfin, le Triennat libéral se termina en raison de l'intervention étrangère. La France, agissant selon l'idéologie du Congrès de Vienne de 1815, organisa une expédition, connue sous le nom des Cent Mille Fils de Saint Louis, dirigée par le duc d'Angoulême, qui entrèrent en Espagne en avril 1823. Une fois le monarque libéré (il avait voyagé avec le gouvernement à Cadix), une nouvelle période conservatrice commença.
3. La Décennie Ominieuse (1823-1833)
L'absolutisme, sinistrement appelé par les libéraux la « Décennie Ominieuse », ne fut pas un simple retour aux positions de Ferdinand VII d'avant 1820. Bien que les institutions de la monarchie absolue fussent restaurées (à l'exception du Tribunal de l'Inquisition), le régime évolua progressivement vers un réformisme modéré. L'opposition la plus virulente venait des absolutistes (qui formeraient plus tard le groupe extrémiste carliste), tandis que la répression des libéraux se poursuivait.
Au cours de cette décennie, des mesures techniques furent prises visant à améliorer l'administration gouvernementale.
Les libéraux subirent une sévère répression politique. Des « Juntas de Fe » (Conseils de Foi) furent mises en place dans certains diocèses, fonctionnant comme des tribunaux contre les « hérétiques libéraux ». Ceux qui parvinrent à s'exiler se rendirent d'abord en Angleterre, puis en France après 1830.
En alternative à la Milice Nationale, le Corps des Volontaires Royalistes fut établi.
Plusieurs tentatives d'insurrection furent réprimées et leurs protagonistes exécutés, tels que José María Torrijos. Mariana Pineda fut également exécutée pour avoir brodé la devise « Loi, Liberté, Égalité ».
Parmi les réformes entreprises figurent : la création du Conseil des ministres (1823), le nouveau ministère du Développement (1832), visant à promouvoir le progrès. Au ministère des Finances, Luis López Ballesteros (1823-1832) fut le premier à élaborer un budget de l'État. Il promut également la mise en œuvre du Code de commerce (1829) et créa la Banque Royale de San Fernando (1829), héritière de l'ancienne Banque de San Carlos, ainsi que la Bourse de Madrid (1831).
Une radicalisation des royalistes eut lieu ; une faction favorisa les mouvements ultra-royalistes et les complots contre les ministres plus modérés de Ferdinand VII. La plus importante fut la révolte des Malcontents ou Agraviats en Catalogne (1827), menée par des paysans mécontents des impôts, et rejointe par des royalistes extrémistes. L'armée et le roi durent intervenir pour mater la rébellion.
Les realistas devinrent carlistes en raison de la crise de succession déclenchée par Ferdinand VII en 1830. Avant la naissance d'Isabelle II, le frère du roi, Carlos María Isidro, était considéré comme l'héritier du trône. Quelques mois avant la naissance d'Isabelle, Ferdinand VII avait publié la Pragmatique Sanction, adoptée par son père en 1789, qui permettait à une femme de régner.
Les partisans de Carlos María profitèrent de la maladie du roi en 1832 pour provoquer l'événement appelé « Les Événements de La Granja » : ils firent pression sur la reine Marie-Christine et le roi lui-même pour l'abolition de la Pragmatique Sanction. Suite au refus du monarque, Carlos María partit au Portugal. La reine prit le pouvoir et décréta une amnistie qui permit le retour des libéraux modérés. Ferdinand VII mourut en 1833 et peu après éclata la Première Guerre Carliste (1833-1840) entre les partisans de Carlos María Isidro et ceux de la reine Marie-Christine et de sa fille Isabelle.
L'Émancipation de l'Amérique Latine
L'émancipation fut menée par les minorités créoles et blanches. Bien que ses dirigeants, Simón Bolívar et José de San Martín, fussent d'idéologie libérale, les rébellions eurent un caractère caudilliste autoritaire, soutenu par l'armée et souvent éloigné des revendications populaires. L'indépendance montra un respect scrupuleux de l'ordre des classes sociales existant dans la société coloniale.
La crise politique en Espagne entre 1808 et 1814 affecta les colonies, qui furent autorisées à commercer avec les pays neutres, étant donné la difficulté d'établir une bonne communication entre la métropole et ses colonies. Tout cela contribua à renforcer l'autonomie des territoires américains.
Ces mouvements furent soutenus et financés par les Créoles et même par des Indiens mécontents des mesures prises dans la péninsule. À ce mécontentement s'ajoutèrent les idées d'indépendance américaine (1776) et de la Révolution française (1789), qui alimentèrent les idées d'émancipation.
La Guerre d'Indépendance et la crise politique fournirent le prétexte. En Amérique, ceux qui s'opposaient à Joseph Ier se sentirent également en droit de se constituer en force autonome.
L'émancipation présenta les caractéristiques suivantes :
- Dans chaque région, les révolutions éclatèrent sans lien entre elles, mais une certaine coordination apparut plus tard. Les forces politiques et sociales locales jouèrent un rôle dans l'élaboration de la carte hispano-américaine. En ce sens, les deux plus anciennes vice-royautés, la Nouvelle-Espagne (Mexique) et le Pérou, furent les régions les plus conservatrices et fidèles à la métropole. En revanche, la Nouvelle-Grenade et le Río de la Plata, nouvellement créées, furent les moteurs de l'indépendance. Parmi ces vice-royautés, les principaux chefs de guerre émergèrent : Simón Bolívar et José de San Martín, respectivement.
- Le processus fut long et complexe, il dura jusqu'en 1825. Aux rébellions, il faut ajouter les guerres civiles entre les Américains et les conflits entre les différentes régions. Les masses populaires et indigènes combattirent des deux côtés. Dans certains cas, la majeure partie des troupes espagnoles était composée d'Indiens.
- Le processus d'indépendance fut lié aux vicissitudes de la politique de la métropole : la première phase (1808-1814), compte tenu de la situation de guerre, fut utilisée pour déclarer l'indépendance ; puis la seconde (1814-1820) fut marquée par la lutte des dirigeants contre la Couronne absolutiste. Enfin, en 1820, les troupes espagnoles durent partir pour l'Amérique révoltée, car des renforts militaires arrivèrent dans les colonies. Le Triennat Libéral fut décisif pour l'achèvement de l'émancipation.
Les principaux foyers d'indépendance
- Dans la vice-royauté du Río de la Plata, Buenos Aires devint un foyer de rébellion. En 1810, un comité indépendant fut créé. Après diverses vicissitudes, en 1816, l'indépendance de l'Argentine fut proclamée. De Buenos Aires partit une expédition sous le commandement du général José de San Martín, qui conquit le Chili, lequel devint indépendant en 1818. La partie orientale, les territoires à l'est du fleuve Uruguay, fut annexée au Brésil, et l'Uruguay ne devint une nation indépendante qu'en 1828. Le Paraguay, quant à lui, déclara son indépendance en 1811.
- Dans la vice-royauté de Nouvelle-Grenade, depuis 1810, Caracas devint le principal foyer de la première rébellion, dirigée par Simón Bolívar et Francisco de Miranda. Face à divers projets, Bolívar proposa une solution militaire qui renversa la domination espagnole par une série de victoires décisives, menant à l'indépendance de l'actuelle Colombie (1819), du Venezuela (1821) et de l'Équateur (1822). Les trois régions formèrent la République de Grande Colombie, qui fut dissoute en 1830.
- La vice-royauté du Pérou devint le centre de la contre-révolution en Amérique du Sud, et ses troupes réprimèrent tout mouvement séparatiste qui émergea en Équateur et au Chili. San Martín arriva du sud et proclama l'indépendance du Pérou (1821), tandis que Bolívar, venant du nord, battit les troupes espagnoles à Ayacucho (1824). Le Haut-Pérou devint indépendant en 1825 sous le nom de Bolivie, en l'honneur de Simón Bolívar.
- La vice-royauté de Nouvelle-Espagne suivit un processus différent. Entre 1810 et 1815, un mouvement de masse à fort contenu social (distribution des terres, égalité des droits pour les groupes ethniques, etc.) se rebella au nom de Ferdinand VII. Il fut dirigé par des prêtres ruraux : d'abord Miguel Hidalgo, qui fut exécuté, puis José María Morelos, qui bénéficia du soutien des Indiens et des métis. La nature radicale et violente du mouvement effraya les Créoles et les propriétaires fonciers, qui collaborèrent avec les Espagnols pour la répression.
Plus tard, le général Agustín de Iturbide, royaliste, proclama l'indépendance du Mexique (1821), après avoir atteint un accord avec les élites mexicaines. Il fut proclamé empereur Agustín Ier, mais fut évincé pour faire place à la République fédérale (1824).
Dans ce processus, les régions du Guatemala, du Honduras, d'El Salvador et du Costa Rica se séparèrent du Mexique et formèrent la Confédération des Provinces-Unies d'Amérique Centrale (1823).
Conséquences de l'émancipation
Le processus d'émancipation ne résolut pas tous les problèmes en Amérique :
- Le rêve de Bolívar de créer une Amérique unie et forte fut impossible. Les intérêts des chefs de guerre locaux, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie commerçante conduisirent à de nombreuses guerres et à la division du territoire. Dans ce contexte, le pouvoir de l'armée dans la vie politique et son recours constant aux armes marquèrent l'histoire américaine.
- Les Créoles continuèrent de dominer la majorité de la population indienne, noire ou pauvre.
- Enfin, le processus d'indépendance ne conduisit pas à l'indépendance économique. La domination espagnole fut remplacée par celle de la Grande-Bretagne et des États-Unis, qui furent les premiers à reconnaître les nouvelles nations.