Le renforcement de l'État franquiste : fondements idéologiques et soutien social
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TEMA 23 .- Renforcement de l'État franquiste : Fondements idéologiques et soutien social.
Introduction.
Franco est le nom donné dans l'histoire au régime établi par le général Franco à la suite de sa victoire dans la guerre civile. Il s'agit d'une dictature, appelée de différentes manières selon les époques, mais où le franquisme a toujours détenu tous les pouvoirs. Aucun autre gouverneur n'a accumulé autant de pouvoir en Espagne, n'ayant à répondre qu'à "Dieu et à l'histoire". La dictature de Franco n'était pas strictement fasciste ou totalitaire, ni une dictature militaire ; il s'agissait d'une licence personnelle, avec des traits de tous ces régimes, s'appuyant sur "d'autres familles politiques" qui fournissaient le bagage idéologique. Le nouveau régime issu de la guerre civile représentait une rupture radicale avec la Seconde République.
I. - Nature politique et idéologique du franquisme. Politiques. Familles
Le franquisme présente les caractéristiques principales d'un régime autoritaire et national :
- Le déni des droits individuels des citoyens.
- L'État représente les intérêts suprêmes de la patrie : un État centralisé qui supprime les différences d'opinion, l'usage des langues vernaculaires ou toute forme de corporatisme syndical vertical. Le syndicat vertical est formé par les employeurs et les travailleurs, contrôlé par la FE de las JONS.
- Parti unique, le Mouvement, qui agit à la fois comme une plateforme pour promouvoir et contrôler la vie sociale au niveau municipal.
- Domination de l'opinion publique par la censure. Toute déclaration défendant la démocratie est un crime.
- La défense du catholicisme comme fondement du pays. Tous les actes publics (civils et militaires) sont imprégnés de religiosité.
Les groupes politiques et idéologiques qui ont participé à la rébellion de 1936 constituent le fondement du nouveau système, basé sur la répartition équilibrée du pouvoir que le général Franco mettait en œuvre. Ils sont appelés "familles" réunies autour de la défense du régime, en concurrence pour acquérir différentes parts du pouvoir.
L'Armée.
Défenseur du régime et de son système juridique, son activité se limitait à la défense du territoire espagnol, mais elle avait compétence sur les crimes politiques par le "Conseil de Guerre". Ce n'est que dans les dernières années du régime qu'apparut l'Union Démocratique Militaire (UDM), dont certains membres furent poursuivis et déportés en 1986.
La Phalange.
D'inspiration fasciste, le régime en a fait son principal arsenal idéologique. Franco profita de la mort de José Antonio Primo de Rivera pour unifier tous les groupes qui soutenaient le soulèvement, sous son commandement, malgré l'opposition de nombreux phalangistes.
La Phalange, en plus de recevoir un certain nombre de privilèges, sera responsable de la presse et de la propagande, et dès 1939, du contrôle des syndicats officiels. Elle disposait ainsi d'un journal, "Pueblo", et d'autres médias tels que "La Jeunesse du Front", "Les Femmes" et la "Section du SEU". Cependant, elle était très contrôlée par le chef et ne se voyait pas confier les responsabilités les plus importantes. Sa chute fut précipitée par la chute du fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale.
L'Église Catholique.
Elle fut l'élément de sanction de la légitimité de Franco. Le Concordat de 1953 renforça la présence de l'Église dans l'enseignement secondaire et la vie intellectuelle, en faisant un propagateur de l'idéologie du régime. De plus, deux organisations ecclésiastiques exerçaient une puissante influence politique : l'Association Catholique Nationale des Propagandistes et l'Opus Dei, dont certains membres parvinrent à dominer le gouvernement dans les années soixante.
Les Monarchistes.
Ils ne furent jamais un groupe d'opposition très militant et étaient divisés entre les carlistes et "Don Juan". Les carlistes reçurent des charges dans le système. Les partisans de Don Juan de Bourbon soutinrent le régime pendant la guerre, mais dans les années 40, Don Juan adopta des positions libérales et lui, ainsi que ses adeptes, recherchèrent la restauration de la monarchie constitutionnelle (après plusieurs rencontres et malentendus, Don Juan signa le Manifeste de Lausanne). Depuis son exil à Estoril, il fut convenu que l'éducation de Juan Carlos, fils aîné de D. Juan, se déroulerait en Espagne. Le doute fut levé en 1969, lorsque Franco décida de nommer M. Juan Carlos de Bourbon comme son successeur en tant que roi.
Les Technocrates.
Ils firent leur apparition dans les années 60, généralement membres de l'Opus Dei, formés dans les universités, et favorables à des approches économiques plus libérales. Pour eux, le développement économique créerait un "bien-être" qui remplacerait les luttes idéologiques et l'opposition ; ces changements ne pouvaient se produire que dans un régime autoritaire, mais modernisé.
La "Pureté Franquiste".
Sa caractéristique principale était le "soutien inconditionnel" à la figure du Caudillo. Le représentant le plus éminent en était l'amiral Carrero Blanco. Pour ce groupe, Franco semblait immuable et éternel. Il se forma dans les dernières années du régime et au début de la transition, le soi-disant "bunker".
Qu'est-ce qui unissait tous ces groupes ? La méfiance envers les systèmes politiques fondés sur l'idéologie, leur tempérament autoritaire, la fidélité à Franco et le catholicisme dans la vie publique et privée.
II. - Évolution institutionnelle.
La dynamique du franquisme explique que le processus d'institutionnalisation ait duré près de trois décennies, au cours desquelles plusieurs étapes peuvent être distinguées, influencées par les relations extérieures.
II.1 .- Construction du régime franquiste. 1937-1945.
Gouvernement.
Dès la guerre, Franco met en place un système politique doté d'une structure juridique. Fin septembre 1936, la Junte de Défense Nationale nomme Franco chef du gouvernement et chef de l'État espagnol, ainsi que généralissime des armées de Terre, Mer et Air.
En avril 1937, le Décret d'Unification mettrait fin aux différences idéologiques des divers groupes qui avaient soutenu le soulèvement et les rassembla au sein du Mouvement National (parti unique).
Début 1938, le Conseil du Mouvement National approuva la Loi sur l'Administration de l'État. Elle établit un régime autoritaire à caractère personnel. Franco est chef du gouvernement et chef de l'État, détient le pouvoir législatif et ses ministres lui sont fidèles et subordonnés. Après la guerre, Franco réaffirme ses pouvoirs, mais établit également sa longévité à la tête du pays.
En 1938, la Loi sur le Travail (influencée par les doctrines fascistes, notamment la Carta di Lavoro italienne) fut approuvée, abolissant la lutte des classes et les syndicats, remplacés par des "corporations" paternalistes à personnalité morale et politique. Elle instaura l'unicité syndicale verticale qui regroupait les professionnels, les techniciens et les employeurs des diverses activités de production sous la direction d'un phalangiste.
À partir de 1941, Franco donne une nouvelle dimension à sa politique. Influencé par les défaites de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon) dans la Seconde Guerre mondiale, il rejette le terme "totalitaire" pour décrire le système politique espagnol et commence à établir des distinctions avec le nazisme et le fascisme. L'objectif était de présenter une image externe non totalitaire, d'où la promulgation en 1942 de la loi sur la création des Cortes.
Les Cortes sont définies comme "l'organe suprême de participation du peuple espagnol aux travaux de l'État". Leur rôle était la préparation et la rédaction des lois, qui devaient ensuite être sanctionnées par le chef de l'État. En pratique, les Cortes avaient un avis et une approbation sur les projets de loi élaborés par le gouvernement. La majorité de leurs membres étaient nommés par les dirigeants du régime, c'est-à-dire contrôlés par le président.
II.2 .- Gouvernement autarcique et catholicisme national. 1945 - 1951
L'échec du fascisme dans la Seconde Guerre mondiale et la condamnation des vainqueurs entraînèrent l'isolement international de l'Espagne et une crise économique qui aggrava la misère de la population. En réponse, fut mise en place une économie de subsistance fortement intervenue par l'État, capable d'un degré élevé d'autosuffisance et de corruption. La répression de toute opposition fut brutale et l'isolement extérieur fut instrumentalisé comme une conspiration du communisme international. Le gouvernement était alors composé de phalangistes, excluant les militaires et les catholiques royalistes dont les contacts avec l'opposition républicaine et socialiste les rendaient plus suspects.
Dans ce contexte d'isolement international, Franco poursuivit son projet "libéral" pour l'Espagne avec le développement de la Charte des Espagnols en 1945. Cette loi est une sorte de déclaration de droits et de devoirs (par exemple, la liberté d'expression, mais à condition qu'elle n'atteigne pas les principes fondamentaux de l'État). Dans cette lignée, furent adoptées des lois comme la Loi sur le Gouvernement Local, la Loi sur l'Éducation Primaire, la Loi sur le Référendum National qui permettait de soumettre des questions importantes à la nation, etc.
Le 6 juillet 1947, fut institué le Droit de Succession au Chef de l'État, approuvé par référendum. Cette loi définit l'Espagne comme un État catholique, social et représentatif, établit un royaume, conformément à la tradition, et confère au chef de l'État, Franco, le pouvoir de proposer au Parlement, à tout moment, la personne qui doit lui succéder. Elle prévoyait la création du Conseil de Régence et du Conseil Privé.
II.3 .- L'institutionnalisation 1951-1957
Les années 1950 marquent une ouverture. Le gouvernement formé en juillet 1951 comptait deux ministres issus de la famille catholique : celui des Affaires Étrangères, Alberto Martín Artajo, et celui de l'Éducation, Joaquín Ruiz Giménez. L'ouverture au monde se concrétisa à trois reprises : le Concordat avec le Vatican en 1953, qui rendit Franco acceptable aux yeux du catholicisme ; les pactes avec les États-Unis signés en septembre de la même année ; et l'adhésion à l'ONU en décembre 1955.
Au niveau national, cette étape fut marquée par la consolidation institutionnelle de la dictature à travers la Loi sur les Principes du Mouvement et la Loi de Succession. D'autre part, des protestations nationales éclatèrent contre la situation politique et économique ; les premières grèves eurent lieu en 1951 en Catalogne et au Pays Basque. Cinq ans plus tard, un secteur étudiant se mobilisa pour revendiquer la liberté. Dès lors, l'Université devint un des piliers de l'opposition interne. Une dissidence commença également à émerger au sein des milieux catholiques. Une opposition commença à prendre forme, et en 1956 eut lieu la première grève de masse du Mouvement.
II.4 .- Le développement 1957-1973
Une nouvelle étape marquée par la montée des technocrates. Cette période est caractérisée par la fin de l'autarcie grâce au Plan de Stabilisation. La septième et dernière des lois fondamentales de l'État, la Loi Organique de l'État, fut adoptée par référendum.
Cette pseudo-constitution reconnaît les six lois fondamentales précédentes et les coordonne, éliminant les vestiges de termes autoritaires ou fascistes. Pour beaucoup, cette marge de tolérance fut une tentative de moderniser le système en vue d'une éventuelle entrée dans la CEE et d'aligner la législation sur les propositions du Concile Vatican II. Les fonctions de chef de l'État et de chef du gouvernement furent séparées et distinctes ; le nombre de membres des Cortes fut augmenté et beaucoup seraient choisis par élection directe. Avec cette loi, le régime monarchique conduisit à la succession du Mouvement National des institutions créées par le régime franquiste à la monarchie ; Franco nomma Juan Carlos de Bourbon son successeur en tant que roi (le candidat de Carrero Blanco et des technocrates). La ligne dynastique fut ainsi contournée pour assurer la continuité du système après la mort du dictateur.
Bien que la domination politique de cette étape revienne aux technocrates émergents, d'autres groupes leur firent face. Parmi ces groupes, on trouve les "jusqu'au-boutistes" ou "bunker" (secteur dur du Mouvement) et les "aperturistes" du Mouvement, dirigés par Fraga et Solís. Les "aperturistes" adoptèrent des lois comme la Loi sur la Presse, qui abolit la censure et accorda un certain degré de liberté (avec des limitations concernant le chef de l'État ou les lois fondamentales). Un certain climat de renouveau et de libéralisation s'installa, malgré quelques tensions entre les technocrates et les phalangistes.
Le scandale Matesa et la "collusion de Munich" formèrent un gouvernement à prédominance technocratique, monochrome, où phalangistes et "aperturistes" furent réduits au minimum. La Loi sur l'Éducation fut adoptée en 1970, mais une puissante immobilité politique persistait.
II.5 .- Le Tardofranquismo 1973-1975.
Franco quitta ses fonctions exécutives en juin 1973, remplacé par Carrero Blanco, qui forma un gouvernement plus équilibré entre les différentes tendances, jusqu'à son assassinat en décembre. Le gouvernement suivant, dirigé par Arias Navarro, s'orienta vers une certaine ouverture (on envisageait l'élection des maires, l'autonomie gouvernementale pour les syndicats officiels, etc.) qui ne se concrétisa pas dans la loi et fut accompagnée d'une répression accrue contre la dissidence et d'une intense activité terroriste.
Certains membres du régime commencèrent à plaider pour une certaine ouverture au sein du régime, préparant le terrain avant la mort de Franco. La crise du régime fut marquée, et la mort de Franco le 20 novembre 1975 l'aggrava.
Politique d'institutionnalisation. Les Lois Fondamentales du Système.
Nom des Fonctions. Contexte historique.
- Loi du Travail. 1938. Réglementait les relations de travail et interdisait le droit de grève. Il s'agissait de la première loi fondamentale pendant la guerre civile, une tentative d'institutionnaliser le régime. La victoire était proche et son autorité au sein du bloc national était incontestable.
- Loi des Cortes. 1942. Création des Cortes, auxquelles était assigné un rôle consultatif, mais sans initiative parlementaire. Une tentative sérieuse d'institutionnaliser le régime.
- Fuero des Espagnols. 1945. Déclaration des devoirs et des droits des citoyens, mais ceux-ci pouvaient être suspendus lorsque le gouvernement le jugeait approprié. Les puissances de l'Axe avaient été vaincues. L'isolement du régime était un fait. Ces lois visaient à donner au régime une apparence de démocratie, la "démocratie organique".
- Loi sur la Consultation Nationale. 1945. Permettait de soumettre à référendum les questions que le chef de l'État jugeait appropriées.
- Loi de Succession. 1947. L'Espagne est un État catholique, social et représentatif ; en fonction de sa tradition historique, elle devient un royaume. Une autre tentative pour obtenir une légitimité extérieure, fondée sur le catholicisme et la monarchie. Don Juan réagit avec le Manifeste de Lausanne.
- Principes Fondamentaux du Mouvement. 1958. Le contenu phalangiste est remplacé par celui du "Mouvement", plus neutre et plus ambigu. L'autarcie est abandonnée au profit du développement économique. La bureaucratie et la technocratie dominent.
- Loi Organique de l'État. 1966. L'Espagne est une démocratie organique et reconnaît une forme bénigne de participation des citoyens à l'élection d'une partie des Cortes. Elle visait à perpétuer le régime.