La Résistance française (1940-1944): Histoire et Mémoire
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Entre 1940 et 1944, la France traverse une période de crise profonde et tragique. Après la défaite militaire face à l’Allemagne nazie, une grande partie du territoire est occupée, et le régime de Vichy, dirigé par le maréchal Pétain, impose un autoritarisme qui divise et déstabilise la nation. Cette époque, marquée par la soumission à l'occupant, la collaboration de certains avec l'ennemi, et la peur omniprésente, semble condamner la majorité des Français à l’inertie ou à la résignation. Toutefois, contre vents et marées, une poignée d'hommes et de femmes choisit de s’opposer à l'occupant et au régime de Vichy, en s’engageant dans la Résistance. Cette Résistance, aussi bien intérieure qu’extérieure, militaire ou civile, s’est déployée sous diverses formes, évoluant au fil des événements et des luttes. Longtemps exaltée par un récit national héroïque, qui tendait à faire de la France un modèle de résistance unanime, l’histoire de la Résistance est aujourd’hui l’objet de débats nourris sur son étendue, ses limites, et la manière dont elle est commémorée. Dès lors, il est crucial de s’interroger sur le véritable rôle joué par la Résistance dans l’histoire de la France, tant durant la Seconde Guerre mondiale que dans la mémoire collective qui en a été forgée.
La Résistance française entre 1940 et 1944 fut une réponse courageuse mais difficile à la défaite et à l’occupation. Minoritaire à ses débuts, elle s’est progressivement structurée, unifiée et renforcée face à la répression nazie et à la collaboration de Vichy. Grâce à l’engagement de civils, de militaires, de femmes, d’étrangers et de jeunes réfractaires, elle a joué un rôle clé dans la Libération de la France et dans la refondation de la République sur des bases démocratiques et sociales. Si la mémoire a longtemps idéalisé une France toute entière résistante, il est essentiel aujourd’hui de reconnaître la complexité de cette période, les sacrifices des véritables résistants, ainsi que les zones d’ombre de l’histoire nationale.
La naissance difficile de la Résistance (1940-1942)
Après la défaite militaire de juin 1940 face à l’Allemagne nazie, la France est partagée en deux zones : une zone occupée au nord et à l’ouest, et une zone dite "libre" au sud, dirigée depuis Vichy par le maréchal Pétain. Ce dernier met en place un régime autoritaire, nationaliste, et collabore avec Hitler (entretien à Montoire en octobre 1940). Dans un contexte de désarroi national, ce régime bénéficie d’un soutien non négligeable, car il promet ordre, sécurité et stabilité.
C’est dans ce climat difficile que naît la Résistance. Le 18 juin 1940, depuis Londres, le général de Gaulle lance un appel à poursuivre le combat contre l’Allemagne. Il incarne une "Résistance extérieure", en fondant la France Libre, qui rassemble des volontaires, des militaires exilés et des colonies fidèles.
Sur le territoire français, la Résistance intérieure émerge lentement. Elle est d’abord très minoritaire. Ses membres sont souvent :
- des intellectuels,
- des patriotes,
- des militaires isolés,
- ou de simples citoyens refusant la défaite et le déshonneur.
Les partis politiques traditionnels restent en retrait, surtout à cause de la répression et du contexte incertain. Le Parti communiste français, d’abord lié au pacte germano-soviétique, n’entre en résistance qu’après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne en juin 1941. Il forme les FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans – Main-d’œuvre immigrée), qui joueront un rôle important dans la lutte armée.
L’essor et l’unification de la Résistance (1942-1944)
L’année 1942 marque un tournant. Après le débarquement allié en Afrique du Nord, les Allemands occupent toute la France, y compris la zone libre. La répression s’aggrave, visant les résistants, les Juifs et les opposants par :
- des arrestations,
- des tortures,
- des exécutions sommaires,
- et des déportations.
En 1943, le Service du Travail Obligatoire (STO) contraint les jeunes Français à aller travailler en Allemagne. Beaucoup choisissent la clandestinité et rejoignent les maquis, des groupes de résistants installés dans les régions montagneuses ou forestières. Ce phénomène donne un nouvel élan à la lutte.
Conscient de la nécessité d’unifier les multiples mouvements, le général de Gaulle envoie Jean Moulin en mission. Celui-ci réussit à créer en 1943 le Conseil National de la Résistance (CNR), qui rassemble :
- les principaux mouvements (gaullistes, communistes, socialistes),
- les syndicats,
- et d’autres forces démocratiques.
Le CNR devient l’organe politique de la Résistance, préparant à la fois la libération militaire et l’avenir politique du pays.
Les actions des résistants se diversifient :
- sabotages de lignes ferroviaires,
- assassinats ciblés de collaborateurs,
- aide aux parachutistes alliés,
- impression et diffusion de journaux clandestins,
- fabrication de faux papiers pour les persécutés.
Des femmes, des immigrés (Espagnols antifascistes, FTP-MOI), et des réseaux civils jouent un rôle essentiel, bien que souvent oubliés après la guerre.
La Résistance: Libération et refondation de la République
En 1944, la Résistance participe activement à la Libération de la France, en coordination avec les Alliés. Elle contribue par :
- la fourniture de renseignements,
- le sabotage des infrastructures ennemies,
- l'organisation de soulèvements locaux (comme à Paris en août 1944),
- la préparation du terrain pour les troupes alliées.
Ces actions permettent de limiter l’influence des communistes étrangers et d’affirmer l’autorité française sur son propre territoire.
Cependant, la répression allemande est féroce jusqu’à la fin, se manifestant par :
- des villages massacrés (comme Oradour-sur-Glane),
- des déportations massives,
- des exécutions publiques.
Politiquement, la Résistance sort renforcée. Le général de Gaulle, chef de la France Libre, devient le symbole de l’unité nationale et le représentant légitime du nouveau pouvoir. Le programme du CNR (mars 1944) prévoit des réformes majeures, telles que :
- l'instauration de la Sécurité sociale,
- le droit de vote des femmes (accordé en 1944),
- des nationalisations stratégiques (Renault, EDF),
- l'éducation pour tous.
Ces mesures fondent la République sociale de l’après-guerre.
Après 1945, la mémoire officielle de la Résistance est glorifiée : la France serait unie dans la lutte contre l’occupant nazi. C’est le mythe résistancialiste, qui masque les réalités plus nuancées : en vérité, une petite minorité (1 à 2 % de la population) s’est engagée activement. À partir des années 1970, historiens et témoins remettent en question cette vision héroïque. On redécouvre alors les zones grises, incluant :
- la passivité, voire la collaboration d’une partie de la population,
- les choix complexes des individus,
- et le rôle longtemps oublié des femmes, des étrangers ou des groupes minoritaires comme les FTP-MOI.