La Restauration en Espagne (1874-1931) : Le Système Canoviste

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La Restauration et le système canoviste

La Restauration de la monarchie des Bourbons, en la personne d'Alphonse XII, fut provoquée par un coup d'État militaire mené par le général Martínez Campos à Sagonte le 29 décembre 1874. La monarchie dura jusqu'à la proclamation de la Seconde République le 14 avril 1931.

La période de la Restauration fut marquée par le règne d'Alphonse XII, qui fut très court (1875-1885). À sa mort, la régence fut confiée à sa veuve, Marie-Christine de Habsbourg, jusqu'à la majorité d'Alphonse XIII en 1902, qui régna jusqu'en 1931.

L'étape qui commença en 1875 fut appelée la Restauration. Ce n'est pas seulement la monarchie qui fut restaurée en Espagne, mais aussi le libéralisme doctrinaire qui avait été vaincu en 1868. Cela permit le retour au pouvoir de la bourgeoisie conservatrice et des propriétaires fonciers qui avaient soutenu les *Modérés*.

La caractéristique la plus importante de la période 1875-1902 est la **stabilité** : il n'y eut pas de coup d'État militaire majeur, le Nord carliste fut pacifié et la Constitution de 1876 eut une longue durée de vie. En 1898, après la guerre de Cuba, commença la crise de ce régime, une crise qui s'approfondira durant le premier tiers du XXe siècle.

1. Les fondements du système de la Restauration (Canovisme)

L'architecte du système de la Restauration fut **Antonio Cánovas del Castillo**, qui rédigea le *Manifeste de Sandhurst*, un document signé par Alphonse XII et publié en Espagne quelques jours avant le coup d'État militaire de Martínez Campos. Cánovas était un homme politique pragmatique qui avait pris la tête des partisans d'Alphonse XII durant le *Sexennat Démocratique*.

Durant ces années, il rallia les élites politiques et sociales opposées à l'absolutisme carliste, aux excès de la Démocratie et au désordre de la République. Son principal mérite fut de doter la monarchie restaurée d'un système libéral et autoritaire qui permit l'alternance pacifique au gouvernement entre deux forces politiques (droite et gauche, toutes deux libérales), lesquelles n'utilisaient ni le soulèvement populaire ni l'armée pour se chasser mutuellement du pouvoir.

Les partis anti-système (carlistes, républicains, socialistes et nationalistes) furent exclus, tout comme les masses, car les résultats des élections étaient obtenus par la manipulation et la fraude.

Les éléments fondamentaux du système politique de la Restauration furent :

  • La pacification du pays ;
  • La Constitution de 1876 ;
  • La création de partis adaptés au jeu politique et capables d'alterner au pouvoir.

A) La pacification du pays

Le régime s'appuya sur l'armée pour prendre le pouvoir par un coup d'État, et par la suite, pour pacifier le pays. La Troisième Guerre Carliste se termina en 1876 et la guerre de Cuba en 1878, ce qui fut bénéfique pour Cánovas.

Ces deux conflits entraînèrent cependant une série de **problèmes** :

  • Le carlisme fut neutralisé en tant que force militaire, mais l'abolition des privilèges et des institutions basques alimenta le nationalisme basque, même si la région conserva l'autonomie établie par les *Concerts Économiques*.
  • La guerre de Cuba prit fin momentanément, mais elle resurgit en 1895 et conduisit à l'indépendance de l'île après la guerre contre les États-Unis.

B) La Constitution de 1876

Après l'arrivée d'Alphonse XII, un comité politique prépara un projet de constitution et des élections aux *Cortes Constituantes* eurent lieu. L'ensemble fut approuvé en février 1876. Cette Constitution resta en vigueur jusqu'en 1931, ce qui en fait la plus ancienne de notre histoire.

La Constitution de 1876, inspirée par Cánovas, copiait le modèle britannique de démocratie parlementaire : la souveraineté était partagée (résidant dans les *Cortes* avec le Roi), le Parlement disposait de deux chambres et il y avait deux partis politiques. Cependant, ce modèle fut ensuite invalidé par l'intervention excessive du Roi et, finalement, par la pluralité des partis.

Bien que la déclaration des droits (expression, réunion et association) fût très large et similaire à celle de la Constitution de 1869, elle limitait la liberté de religion à une simple tolérance et déclarait que la religion catholique était celle de l'État. Les *Cortes* avaient un rôle similaire à celui de la Constitution de 1845 (*Modérée*), notamment en raison de la participation importante accordée à la Couronne.

Le Congrès était élu, en principe, sur la base du suffrage censitaire, puis, plus tard, en 1890, par le suffrage universel masculin. Toutefois, le Sénat était choisi en partie par le Roi et en partie indirectement, par les plus gros contribuables du pays.

Il n'y avait pas de division claire des pouvoirs de l'État. Le Roi détenait le pouvoir exécutif (il élisait le chef du gouvernement) et le pouvoir législatif (il pouvait opposer son veto aux lois, prendre des initiatives juridiques et dissoudre les *Cortes*). Il était également le commandant suprême de l'armée.

C) Les partis politiques et le Bipartisme

Afin de respecter le modèle britannique à deux partis, Cánovas créa un parti politique et encouragea la formation d'un autre, tous deux acceptant les règles établies par la Constitution et pouvant alterner au gouvernement :

  • Le **Parti Conservateur**, dirigé par Cánovas, héritait des *Unionistes Modérés*. S'appuyant sur les classes supérieures (noblesse et bourgeoisie), il représentait la droite libérale modérée.
  • Le **Parti Libéral**, dirigé par Práxedes Mateo Sagasta, intégrait les idéaux progressistes et démocratiques. Basé sur la bourgeoisie industrielle et une partie de la population urbaine, il représentait la gauche libérale.

Leurs différences idéologiques n'étaient pas très bien définies. Les deux partis représentaient l'éclectisme politique et la volonté d'établir un changement pacifique, produisant une alternance entre les partis qui contribua à la stabilité de l'Espagne. Lorsqu'un parti rencontrait des problèmes et perdait la confiance des *Cortes*, il cédait sa place.

D) Le *Turnismo* (Alternance au gouvernement)

Pendant la Restauration, le Premier ministre devait être nommé par le Roi et obtenir la majorité au Parlement pour gouverner. S'il n'avait pas assez de soutien parlementaire, le Roi décrétait la dissolution du Parlement et convoquait des élections, que le parti au pouvoir était assuré de gagner, lui permettant de continuer à gouverner.

Le processus était donc l'inverse d'une véritable démocratie, où l'on obtient d'abord la majorité aux élections avant de former le gouvernement. Pour assurer sa victoire électorale, le gouvernement manipulait les élections. L'opposition acceptait d'attendre son tour pour accéder au pouvoir, se contentant de critiquer les irrégularités.

Depuis Madrid, le ministère de l'Intérieur (aujourd'hui ministère de l'Intérieur) était l'organisme chargé de suivre le processus électoral, via les gouverneurs civils de chaque province et les **caciques** (chefs locaux). Chaque *cacique* contrôlait une situation ou une région. Lors des élections, il mobilisait ses clients pour obtenir le nombre maximum de votes.

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