Les Révolutions et les Doctrines de la Liberté (Article 15)
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La culture des libertés que nous rencontrons d'abord dans l'histoire est individualiste et contractualiste. Les révolutions l'expriment différemment et à des degrés divers, lorsque le centre du système juridique place la personne comme unique sujet de droit, qui est désormais le propriétaire des droits en tant que tel, en tant qu'individu.
Cela s'applique aussi bien dans le domaine des libertés civiles, dites « négatives » (constituant un espace civilo-économique dans lequel les droits individuels revendiquent l'autonomie face aux autorités publiques), que dans le domaine des libertés politiques, dites « positives ».
L'individualisme peut entraîner un privatisme économique, c'est-à-dire une situation où la base politique commune de l'édifice est seulement et exclusivement un accord de sécurité ou une relation d'assurance mutuelle entre les propriétaires particuliers.
Encore plus évidente est la dégénérescence possible de l'individualisme, au sens volontariste et contractuel du terme, dans une direction qui finit par faire dépendre l'établissement public de la volonté variable des citoyens.
Il est préférable d'avoir une image optimale de la richesse d'une puissance publique souveraine et forte, capable de transcender dans le temps les volontés de ceux qui l'ont fondée ou sont parfois appelés à l'exercer.
1. La Révolution Française
Chronologie sommaire
- 1789: Du 20 au 26 août : L'Assemblée adopte les articles de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
- 1791: 13 septembre : La Constitution entre en vigueur à titre définitif.
- 1792: 10 août : Chute de la monarchie.
- 1793: 21 janvier : Exécution du roi. 10 octobre : Proclamation du gouvernement révolutionnaire.
- 1794: 27 juillet : Chute de Robespierre.
Dans le cas de la Révolution française, nous assistons à la formation d'une culture de la liberté qui résulte d'une combinaison : d'un modèle individualiste et contractualiste, d'une part, et, d'autre part, d'un modèle étatiste.
Pour s'en convaincre, il suffit de lire attentivement la Déclaration des Droits de 1789. Dans ce document, par opposition à l'Ancien Régime, il n'y a que deux valeurs politico-constitutionnelles : l'individu et la loi comme expression de la souveraineté de la Nation.
L'Article 2, qui stipule :
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme »
répond à l'Article 3, qui stipule :
« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »
Les droits individuels naturels et la souveraineté nationale sont tous deux considérés comme les fruits du même processus historique. Ce processus libère l'individu des anciennes obligations du juge ou du maître, et libère également l'exercice de l'autorité publique au nom de la Nation des influences négatives et du sentiment particulariste de désagrégation des autorités féodales et seigneuriales.
La concentration de l'imperium dans le législateur interprète de la volonté générale apparaît, en premier lieu, comme la plus haute garantie que nul ne peut exercer un pouvoir et une coercition sur les individus, si ce n'est au nom de la loi générale et abstraite.
Dans la Déclaration des Droits, le mot « loi » a le sens inséparable de limitation de l'exercice des libertés, de soumission, et d'assurance que les individus ne peuvent plus être liés par toute forme d'autorité légitime autre que celle du législateur interprète de la volonté générale. La même loi garantit ces libertés à tous les individus contre la discrimination de l'Ancien Régime.
L'Article 5 stipule :
« Tout ce qui n'est pas interdit par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. »
Ceci attribue à la loi une formidable puissance pour interdire, prévenir, engager et organiser.
La culture de la liberté et des droits de la Révolution française, ainsi que l'ensemble du projet révolutionnaire, sont construits sur le contraste radical avec le passé de l'Ancien Régime, dans la lutte contre la double dimension du privilège et du particularisme. Par conséquent, ils s'orientent vers les nouvelles valeurs constitutionnelles, à savoir : les droits individuels naturels et la souveraineté de la Nation.
Une telle philosophie de gouvernement et l'organisation conséquente n'étaient pas du tout possibles dans la situation de 1789, pour un certain nombre de motifs sur lesquels il convient de s'arrêter.
Premièrement : Le rejet du modèle britannique
Tout d'abord, il a fallu que les Constituants français conçoivent leur travail comme le travail de réforme de la monarchie dans le sens constitutionnel du terme, dans le sillage de la Glorieuse Révolution anglaise un siècle plus tôt. Il fut rapidement convenu que la monarchie ne pouvait être, comme dans le modèle britannique du Roi au Parlement, le premier élément du Parlement, flanqué par les Lords et les Communes, et à côté d'eux une expression de gouvernement équilibré et modéré.
Les Constituants français ont rejeté avec détermination l'hypothèse du veto absolu du roi sur les actes de la législature. Le caractère absolu du droit de veto impliquerait que le monarque serait nécessaire, au même titre que l'Assemblée, pour produire la source ultime du droit.
Au lieu de reproduire la logique britannique du veto absolu, un compromis fut choisi : un droit de veto suspensif que le monarque était appelé à exercer en dehors de l'Assemblée, à la tête d'un exécutif. Cet exécutif fut, à son tour, très affaibli par la Constitution de 1791, privé presque entièrement de l'indépendance des autorités de réglementation, visant à la mise en œuvre, aussi mécaniquement que possible, de la loi voulue par l'Assemblée.
Deuxièmement : Le rejet de l'élément aristocratique
Deuxièmement, les Constituants français ont été incapables d'intégrer au modèle constitutionnel le deuxième élément de la solution britannique de gouvernance équilibrée et modérée : l'élément aristocratique. La Révolution française a rapidement écarté l'hypothèse du bicaméralisme historique, à savoir un système bicaméral qui trouve son origine dans la nécessité d'équilibrer l'élément aristocratique et l'élément démocratique, en distinguant, dans cet esprit, les moyens d'accès aux deux chambres.
En bref, nous pouvons dire que l'approche historiciste du problème des droits et libertés a été impossible durant la Révolution française, car elle ne pouvait ou ne voulait pas construire une organisation du pouvoir correspondant à l'idéal historiciste britannique : le gouvernement équilibré et modéré.
Au lieu de cette solution, la Révolution impose une dimension verticale, qui se manifeste dans la relation, exactement verticale, entre l'unité de la Nation ou du Peuple et l'expression institutionnelle de cette unité dans les assemblées législatives. Cette logique française doit faire face également à la société d'individus politiquement actifs, c'est-à-dire une société qui apparaît cette fois comme une unité artificielle en tant que Peuple ou Nation, propriétaire souverain de l'Assemblée législative. Le premier objectif du gouvernement n'est donc pas l'équilibre, mais plutôt d'exprimer et de représenter la souveraineté du Peuple ou de la Nation.
La grande nouveauté apportée par la Révolution française était l'apparition, dans leur autonomie, d'une société civile unifiée dans la perspective de la volonté politique constitutionnelle, en tant que Peuple ou Nation.
Dans la Déclaration des Droits de 1789, l'idée de la pré-étaticité des droits individuels naturels est clairement contenue dans les deux premiers articles de la Déclaration, ainsi que dans l'Article 17, qui revendique la propriété comme « droit inviolable et sacré ».
L'Article 16, peut-être mieux connu, précise que l'individualisation de la « garantie des droits » est le noyau d'un système.