La Seconde République Espagnole : De sa Proclamation à la Guerre Civile
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Seconde République Espagnole (1931-1936)
I. La Proclamation de la République
Le 17 août 1930, des représentants de courants républicains et de droite modérée signent le Pacte de Saint-Sébastien, qui crée un comité exécutif pour former un gouvernement provisoire. Le soulèvement armé militaire de Jaca est prématuré le 12 décembre 1930. C'est la fin de la monarchie. Berenguer est nommé Premier ministre, mais sa démission intervient rapidement. Les élections municipales d'avril 1931 voient la victoire des républicains. La proclamation du nouveau régime a lieu le 14 avril 1931 à Madrid.
1. Le Premier Gouvernement Provisoire
Le roi et un gouvernement provisoire prennent forme. Ce dernier correspond au comité exécutif formé par le pacte. Le premier gouvernement de la IIe République espagnole est composé de personnalités allant de la gauche à la droite (Lerroux, Azaña, Zamora).
2. Une Nouvelle Constitution
Les principales tâches du gouvernement sont de convoquer des élections pour les Cortes constituantes afin d'officialiser et de légitimer le régime républicain. En juin 1931, la coalition gouvernementale est majoritaire. Le PSOE devient le principal groupe parlementaire. Les radicaux de Lerroux, les socialistes et le parti d'Azaña obtiennent de nombreux sièges. Ils débattent sur le texte de la nouvelle Constitution qui promulgue :
- Une république démocratique qui insiste sur la souveraineté du peuple et est définie comme une « République de travailleurs de toutes classes ».
- Un État intégral compatible avec l'autonomie des municipalités et des régions.
La Constitution reconnaît le droit de vote aux femmes, le mariage civil et le divorce. Les Espagnols deviennent de vrais citoyens selon la loi et les mouvements féminins se développent. Sur le plan religieux, la séparation de l'Église et de l'État est actée. Azaña déclare : « L'Espagne cesse d'être catholique », et une loi sur les congrégations est adoptée. Le pouvoir législatif appartient à une seule chambre et est prédominant. Les droits individuels sont réaffirmés et les droits sociaux sont reconnus ; sous l'influence des socialistes, la propriété privée est limitée. Le principe de nationalisation des services d'intérêt public est reconnu. La Constitution donne naissance à une république démocratique, parlementaire, laïque et décentralisée.
II. Les Différents Gouvernements de la Seconde République
Après les élections constitutionnelles de décembre 1931, Zamora est nommé président de la République et désigne Azaña à la tête du gouvernement (un gouvernement de gauche, proche des socialistes). Ce gouvernement se lance dans des réformes malgré une crise économique, l'opposition de l'Église et la méfiance de la bourgeoisie. Azaña entreprend une réforme militaire pour moderniser l'armée, ce qui provoque le mécontentement des généraux en 1932. Dans l'éducation, la construction d'écoles et la création de missions pédagogiques mettent fin à l'emprise de l'Église dans ce secteur. La Catalogne obtient son autonomie avec l'ERC, parti nationaliste de gauche dirigé par Maciá, devenant une région autonome au sein de l'État espagnol. Le ministère du Travail, dirigé par Largo Caballero, fait des avancées significatives avec des lois sur :
- La fixation d'un salaire minimum
- La journée de 8 heures
- L'assurance accidents et maladies
- L'amélioration de la condition ouvrière
La réforme agraire, attendue par les paysans, est lancée en 1932. Son but est de procéder à une redistribution des propriétés agricoles. La nouvelle réglementation rencontre l'opposition des propriétaires terriens. Cette réforme prévoit la confiscation des terres des Grands d'Espagne et l'expropriation partielle. La loi s'applique aux régions du « latifundio ». Cependant, la lenteur de l'inventaire des terres expropriables et la faible dotation budgétaire n'ont aucun effet en 1933. Cette grande déception des paysans mène à des révoltes pour l'accès à la terre et au travail. La CNT est à l'origine des soulèvements et occupations de terres, notamment en janvier 1933 à Casa Viejas. Cela déstabilise le gouvernement à cause de sa politique religieuse. Azaña démissionne, le président de la République dissout l'assemblée et convoque de nouvelles élections législatives pour novembre 1933.
2. Le Bienio Rectificador (1933-1935)
La droite se ressaisit et s'organise en 1933. José María Gil Robles parvient à rassembler la CEDA autour de l'Action espagnole. Le retrait des socialistes du gouvernement et leur non-participation aux cabinets de transition portent un coup fatal à la gauche républicaine. La première dissolution des Cortes en 1933 est suivie d'une victoire de la droite aux élections du 19 novembre. La composition des Cortes rend difficile la formation de gouvernements stables. Les radicaux sont les premiers. Les mesures adoptées freinent les réformes du premier gouvernement républicain. Des formations d'extrême droite veulent renverser la République par la violence (fusion entre Ledesma et Redondo, donnant naissance aux JONS, Juntas de Ofensiva Nacional-Sindicalista). Le 29 octobre 1933, Rivera définit les aspirations de la Phalange espagnole. La Phalange est un mouvement anti-républicain. En 1934, un rapprochement entre Lerroux et Robles mène à l'entrée de trois ministres au gouvernement. Les partis de gauche recourent à l'insurrection. Une guerre intérieure est organisée pour mettre un terme à cette révolution. La gauche est déstructurée et ses dirigeants sont exilés. Les femmes des classes populaires commencent à jouer un rôle plus important. En octobre 1934, un recentrage de la République est impossible. Les positionnements politiques se polarisent et la droite et la gauche se constituent en blocs antagoniques irréconciliables. Un scandale financier ruine la popularité de Lerroux. En janvier 1936, le chef du parti majoritaire demande au président de la République de former un nouveau gouvernement. Alcalá Zamora dissout les Cortes.
III. Du Front Populaire au Coup d'État (Février-Juillet 1936)
Le 16 février 1936, des élections sont convoquées. Le président espère que la droite les remportera, mais la gauche sera favorisée. La montée des fascismes et la renonciation de l'Internationale communiste à une stricte application du principe de lutte des classes favorisent en Europe un regroupement des gauches. En Espagne, l'année 1935 est marquée par un rapprochement des forces antifascistes. En janvier 1936, un Front Populaire se forme. C'est une coalition dont les dirigeants acceptent également de jouer le jeu démocratique. Le programme annoncé le 15 janvier 1936 est réformiste plutôt que révolutionnaire : il s'agit de renouer avec la politique du premier bienio et de continuer la tâche interrompue par deux années de gouvernement radical. Cependant, il introduit des mesures de réparation à l'égard des victimes de la répression :
- Amnistie des délits politiques
- Réintégration des fonctionnaires dans leurs postes à la suite de l'insurrection d'octobre
- Indemnisation aux familles des victimes
Les promesses d'amnistie ne peuvent pas laisser indifférente une population sensibilisée par les affrontements de 1934. Les anarchistes ne peuvent pas faire d'engagements, et quelles que soient leurs réserves à l'égard de la coalition de gauche, ils vont lever leur consigne d'abstention. La droite ne semble pas avoir conscience du danger qui la menace. Il y a certes des alliances à droite, mais ces coalitions du premier moment ne sont pas toujours convenantes, et cachent l'opposition qui existe entre les partisans d'une solution parlementaire et d'un régime autoritaire, monarchique ou dictatorial. Gil Robles voulait faire une réforme de la Constitution pour la rendre plus autoritaire et corporatiste, tandis que Calvo voulait l'abolir. Le résultat des élections de février assure la victoire au Front Populaire, qui avait une majorité confortable qui donnait à ses détenteurs l'impression trompeuse d'être maîtres du pays. À droite, la CEDA restait la force principale et la Phalange n'obtenait pas un seul siège. Dès le 19 février, Azaña forme le nouveau gouvernement et prend un décret d'amnistie au bénéfice des condamnés de 1934, puis rétablit le statut de la Catalogne et donne un coup d'accélérateur à la réforme agraire. En mai, Azaña remplace Zamora à la présidence de la République. Il avait d'abord pensé au socialiste Prieto comme chef de gouvernement, mais il dut y renoncer à cause des divisions internes du parti socialiste. Finalement, il chargea Casares Quiroga de former le nouveau gouvernement. Au printemps, la conflictualité sociale monte d'un cran : dans les campagnes, les paysans exigent une prompte application de la réforme agraire, y compris au moyen d'occupations illégales de terrains. Le nombre des grèves augmente. L'ordre public est troublé : des églises sont brûlées, des rencontres sanglantes ont lieu entre militaires et phalangistes. Aux Cortes, Gil Robles et Calvo dénoncent l'incapacité du gouvernement. Le 13 juillet, Calvo Sotelo est assassiné. Le 17 juillet commence un soulèvement armé mené par les généraux qui avaient commencé à conspirer contre le Front Populaire et la République. C'est le début de la guerre civile espagnole et la fin de la République.