La Société Française depuis 1945 : Mutations et Défis
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Introduction : La France en mutation depuis 1945
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la société française s'est radicalement transformée : elle est entrée de plain-pied dans la modernité, a subi les répercussions des mutations économiques profondes qui ont révolutionné la France, est partie en quête de nouvelles valeurs pour remplacer celles qu'elle a délaissées. Urbanisation, élévation générale du niveau de vie, mutation des rapports entre les différentes catégories socioprofessionnelles, sont autant de défis que la société française a dû affronter dans ce demi-siècle. Comment a-t-elle traversé ces bouleversements ?
Les trois piliers du renouveau
L'essor démographique
C'est une des causes majeures du renouveau de la société française. La guerre et l'occupation ont affaibli le potentiel démographique français : la France a perdu 600 000 hommes pendant la guerre. La démographie a donc été indirectement amputée d'un million d'âmes. 800 000 invalides attendaient d'être secourus.
La natalité se redresse très vite et se maintient à 18-19 pour mille jusqu'au début des années 1960 : c'est le baby-boom, on dépasse alors les 800 000 naissances par an. Parallèlement, la mortalité baisse. Le baby-boom a cessé depuis 1964 et fait place au baby-flop en 1974. Pourtant, la France reste sous-peuplée et fait de nouveau appel à l'immigration de travailleurs. La politique d'immigration a pour résultat le triplement des entrées (150 000 entrées de 1955 à 1960) et l'immigration est renforcée par l'arrivée des 900 000 Algériens fuyant leur territoire et les massacres (les Pieds-noirs).
Le rôle de l'État
Un deuxième facteur important dans les mutations de la société française depuis 1945 réside sans aucun doute dans le rôle grandissant de l'État et des prestations sociales. L'État français s'est fait de plus en plus à la fois gérant et garant.
- Gérant à travers toute son intervention dans les mécanismes économiques (l'État interventionniste) : ce sont les nationalisations de 1945 et de 1982, la planification avec le plan Monnet (1947-1952), la modernisation agricole (Pisani, 1960), l'aménagement du territoire (1963).
- Garant avec l'essor de la Protection Sociale (l'État-Providence) : la Sécurité sociale (créée en 1945, généralisée par Giscard d'Estaing), le soutien aux plus défavorisés par la création du SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) en 1950, les allocations familiales, les retraites, les congés payés (3 semaines en 1956, 4 en 1969 et 5 en 1981).
Les mutations économiques et techniques
Elles ont naturellement considérablement accéléré les mutations de la société française : la modernisation de l'appareil de production, la mécanisation, la révolution de l'électronique, puis celle de l'informatique ont ainsi bouleversé et remodelé les structures existantes. De même, l'essor économique des Trente Glorieuses a permis la progression rapide du niveau de vie et l'avènement de la société de consommation de masse.
La nouvelle ouverture au monde
Elle conditionne également les grandes mutations françaises (on peut ici prendre à témoin les événements de Mai 68 et le rôle déterminant qu'a joué l'environnement international).
Les mutations liées à la croissance
La redistribution des activités et spatiale
La nouvelle répartition spatiale de la population française résulte des profondes mutations professionnelles. La France, ancien pays rural, n'a presque plus de paysans au début des années 1970. Ils ne sont plus que 2 millions en 1975. En face, le monde urbain connaît un fort développement à la faveur de l'exode rural. Il représente 53% des Français en 1956 et 73% en 1975. Au sein de ce monde urbain, le secteur secondaire reste assez stable avec une très légère augmentation. Le monde ouvrier se dissocie entre techniciens et ouvriers qualifiés dont le genre de vie se rapproche de celui des classes moyennes.
L'amélioration des niveaux de vie
Le niveau de vie général s'améliore de façon considérable (le revenu moyen des Français est multiplié par quatre pendant les Trente Glorieuses). Les Français accèdent à la société de consommation : confort électroménager, automobile, propriété du logement se généralisent. Les dépenses de biens de consommation durables, liées à l'hygiène et la santé, aux loisirs augmentent aux dépens de l'alimentation et de l'habillement.
Les genres de vie s'homogénéisent grâce au tiercé, à la télévision, au supermarché. Les valeurs traditionnelles sont remises en cause : la pratique religieuse recule alors que la libération des mœurs s'opère (contraception autorisée en 1967, légalisation de l'avortement en 1975). La conscience de classe décline et le calme social règne de 1948 à 1968. Le travail féminin se généralise de façon irréversible. Mais les femmes sont professionnellement défavorisées.
Mutations religieuses et culturelles
La religion catholique a toujours été très ancrée en France dans l'immédiat après-guerre : l'Église baptise 9 enfants sur 10 et marie 8 couples sur 10 dans les années 1950. L'importance de l'enseignement du catéchisme était notable.
Mais on peut voir quelques signes d'un déclin religieux rapide dans les années 1960 :
- La baisse très forte du recrutement des vocations (le nombre de prêtres en forte diminution et des prêtres de plus en plus âgés par conséquent).
- La baisse de la pratique religieuse, y compris une pratique quotidienne régulière.
- La baisse des actes marquant des étapes de vie (baptême, mariage, etc.).
Plusieurs facteurs expliquent ce déclin :
- La laïcité de l'école (absence de transmission de l'enseignement religieux).
- Le changement de rythme et de mode de vie (individualisme, consommation, loisirs, société plus matérialiste).
- L'urbanisation (moins de place pour un encadrement de la vie par l'Église en ville que dans les villages où la place du curé était majeure).
Pourtant, 62 % des Français se déclarent catholiques en 2003 : cela témoigne d'un attachement à une culture, à des traditions historiques familiales plus qu'à une pratique et une croyance réelle. La religion reste présente dans un registre plus caritatif (Secours Catholique par exemple) ; les grands événements de la vie sont toujours marqués par des cérémonies religieuses (enterrement).
Par contre, on peut voir un changement religieux avec l'essor et la vitalité de la deuxième religion de France désormais : l'islam. Celui-ci a été majoritairement importé par les émigrés du Maghreb venus répondre à la forte demande en main-d'œuvre en France dans la période de croissance économique jusqu'aux années 1970.
Cet islam de France est largement intégré avec le Conseil Français du Culte Musulman. Il a contribué tout de même à relancer le débat sur la laïcité car la pratique est forte dans les jeunes générations depuis les années 1990 : par exemple, la loi de 2004 sur le port des signes ostentatoires d'une appartenance religieuse à l'école. La communauté juive, très diversifiée, représente environ 1 % de la population française.
Les nouveaux enjeux de la crise
La crise qui s'ouvre en 1973 va encore accroître les inégalités de la société française et accélérer ses divisions : inégalités entre riches et pauvres bien sûr, mais aussi entre hommes et femmes, entre travailleurs et chômeurs, entre jeunes et vieux. Les clivages et l'individualisme se renforcent alors que la France se doit de faire face à de nouveaux enjeux.
Une évolution démographique problématique
La crise fait chuter brutalement la natalité. La population française vieillit et les déséquilibres apparaissent. Ainsi, le vieillissement de la population (le papy-boom) compromet l'équilibre de la Sécurité sociale et la réduction du temps de travail. Coïncident l'arrivée à la retraite des baby-boomers et la décroissance de la population active liée à la baisse de la natalité depuis 1965.
Les modifications de la structure familiale
Deuxième enjeu d'importance après la question des retraites, celle de la refonte de la politique familiale. En effet, outre la baisse de la natalité, d'autres modifications ont profondément affecté la structure familiale :
- Le recul du nombre de mariages.
- L'augmentation considérable du nombre de divorces.
- L'essor du concubinage.
- L'augmentation du nombre de familles monoparentales.
L'ensemble de ces mutations de la structure familiale pose naturellement l'enjeu d'une réorganisation de la politique familiale pour répondre à ces évolutions. De plus, ces mutations appellent également un changement de mentalités au sein de la famille elle-même. Étant donné la proportion qu'a désormais pris l'activité féminine, une réorganisation des tâches est nécessaire au sein de la cellule familiale.
Le problème de l'emploi
Mais l'enjeu premier que pose la crise, c'est surtout celui de l'emploi. Les racines du mal sont la récession générale de l'activité, l'absence de qualification ou une formation professionnelle inadaptée au marché du travail. Ce mal touche surtout les couches les plus fragiles de la société : jeunes, immigrés, femmes, ouvriers en sont les victimes hétérogènes.
L'accroissement des inégalités régionales
De la même façon qu'il touche les couches de la société française de manière inégale, le chômage affecte les régions françaises avec la même inégalité. Certaines régions sont littéralement sinistrées. Ce sont les régions où le déclin du secteur secondaire fait des ravages. Les grands bassins sidérurgiques comme les pôles de l'activité textile ou minière n'arrivent pas à se reconvertir (par exemple, le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine, le Bassin de la Loire). De même, des régions agricoles entières sont à l'abandon (la moyenne montagne française notamment).