Société et Mouvements Ouvriers au XIXe Siècle

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Villes européennes et transformations urbaines

Le phénomène de la migration rurale-urbaine sous-tend la croissance des villes industrielles. Apparaissent les quartiers de la classe ouvrière à proximité des usines, et de nouvelles extensions bourgeoises. Les changements du paysage urbain résultent de l'introduction de l'eau courante et de l'assainissement, des transports publics collectifs. L'éclairage public, la gare de chemin de fer, les banques, les boulevards, le théâtre, le café... sont les scènes de la ville moderne, conçue par la bourgeoisie. La masse anonyme de la ville commence à prendre forme.

Vie et culture bourgeoises

La bourgeoisie, installée au pouvoir, prône des changements d'habitudes et l'émergence de nouvelles valeurs exemplaires pour l'ensemble de la société.

La grande bourgeoisie

Elle était constituée de grands banquiers, d'industriels et de grands entrepreneurs, de hauts fonctionnaires... Ils contrôlent l'influence sur les décisions de planification et le pouvoir de réforme urbaine.

Les classes moyennes urbaines

Elles sont composées de petits propriétaires, de commerçants, de fonctionnaires de l'administration et de l'armée, de professionnels... Elles aspirent à atteindre le « niveau de vie » du groupe supérieur.

La propriété privée, la plus haute aspiration de la bourgeoisie, est visible par les autres dans l'exposition de :

  • la « maison bourgeoise »
  • les vêtements
  • la consommation de loisirs
  • le mode de vie sain
  • l'importance de l'éducation (l'analphabétisme est un fléau)
  • les expositions

Conditions de vie de la classe ouvrière

Elle dépendait d'un salaire insuffisant pour subvenir à ses besoins. Les usines ou les mines, et les travailleurs urbains sont membres de la nouvelle classe ouvrière urbaine. L'économie dépend d'eux. Les quartiers de la classe ouvrière sont improvisés, à proximité du lieu de travail. Les autorités municipales négligeaient les besoins de ces zones. Le lieu de travail était dangereux, causant de nombreux décès parmi la classe ouvrière. L'invalidité précoce ou des maladies comme le rachitisme ou la tuberculose étaient courantes. Dans la famille ouvrière, la journée de travail moyenne était de plus de douze heures avec peu de jours de repos. Les femmes et les enfants travaillaient pour un salaire moindre. Les dépenses de base étaient la nourriture et le logement. La condition des travailleurs était celle de la pauvreté, marquée par la maladie, l'alcoolisme, la prostitution, le retard et l'ignorance. Cette situation a conduit à la construction d'une identité de classe ouvrière fondée sur des valeurs différentes de celles de la bourgeoisie.

Les origines du mouvement ouvrier

Configuration du mouvement ouvrier

Le mouvement ouvrier a été forgé par les migrations de la classe ouvrière de la campagne vers la ville et par sa disponibilité pour les nouveaux métiers de la révolution industrielle, changeant la perception du salaire. La main-d'œuvre est abondante et il n'existait pas encore de droit du travail. Les conditions d'emploi étaient très défavorables aux travailleurs. Cela a conduit à une prise de conscience de leur état d'exploitation et à la recherche de moyens pour s'organiser et lutter contre cette exploitation. Le mouvement syndical revendiquait l'amélioration des conditions de travail, la réduction du temps de travail et l'augmentation des salaires, mais revendiquait également pour les travailleurs le droit de vote, le droit de réunion et d'association, la liberté d'expression... Ces droits étaient essentiels pour obtenir les conditions nécessaires à la dignité des travailleurs, menacés et soumis à des formes de production déshumanisantes. Le travailleur était perçu comme une menace, une menace qui devait être contrôlée par la police. Le prolétariat, en tant que classe révolutionnaire, proposera des projets de nouvelles formes d'organisation sociale plus justes et inclusives.

Premières associations ouvrières

La Grande-Bretagne a vu naître les premières associations, mais il s'agissait surtout de réactions sans coordination apparente ou d'émeutes de subsistance incontrôlées, dues aux conditions d'exploitation qui se sont développées au début du processus industriel dans ce pays. La législation de la première révolution industrielle interdisait expressément toute forme d'association de travailleurs (Combination Acts). Ce n'est qu'en 1825 que le droit d'association fut reconnu. Les Unions (syndicats) auront pour but de défendre les intérêts fondamentaux de tous les travailleurs. 1834 : Première grève générale.

Le Luddisme

La destruction des machines, définies comme l'ennemi, est fréquente dans les premiers stades de l'industrialisation. En Grande-Bretagne, la loi prévoyait la peine capitale pour les responsables de ces attaques. Dans l'Angleterre de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, ces actes se répétèrent, souvent accompagnés de messages signés par Ned Ludd, symbolisant le travailleur qui hait la machine car elle élimine des emplois et rend inutiles les qualifications ou l'expertise du métier.

Le Chartisme

1838-1848. Première action ouvrière à orientation politique visant à obtenir l'égalité des droits pour tous les citoyens. Sans changement politique, le changement social n'est pas possible. La Charte populaire (Lovett) revendiquait :

  • le suffrage universel masculin
  • le scrutin secret
  • l'égalité des circonscriptions électorales

Elle fut rejetée par le Parlement et fortement réprimée. Réalisations : la limitation des heures de travail des femmes et des enfants à dix heures.

Théories sociales et doctrines

Le socialisme utopique

Dans les années 1830, l'expression « socialisme » est associée à l'inégalité sociale. En lien avec les formulations théoriques des Lumières et du Romantisme, ce sont des propositions de réforme sociale. Le socialisme utopique est une réflexion théorique qui n'est pas née du mouvement ouvrier lui-même. Faits saillants :

  • Saint-Simon (1760-1825) : la science comme fondement pour tout changement social. Le bien-être de tous les groupes sociaux doit être la priorité des élites scientifiques et d'affaires.
  • Fourier (1772-1837) : l'organisation du travail et de la coexistence : le Phalanstère.
  • Cabet (1788-1856) : Voyage en Icarie.
  • Owen (1771-1858), Écossais : Les colonies ouvrières (New Harmony).

Après l'échec des révolutions de 1848, la classe ouvrière développe ses propres approches :

  • Remplacement du socialisme utopique par les doctrines de l'anarchisme et du socialisme scientifique (marxisme).
  • Conscience de classe : création de syndicats de classe et de partis politiques, indépendamment de la bourgeoisie.
  • Développement de l'action ouvrière au niveau international.
  • Revendications politiques telles que le droit de vote (suffrage universel) ou la demande d'une législation sociale quasi inexistante.

L'émergence du marxisme

En 1836, des exilés allemands fondent à Paris la Ligue des Justes. En 1848, Marx et Engels publient leur « Manifeste communiste » (« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »). Le marxisme est une idéologie révolutionnaire qui vise à transformer la société. Leurs bases sont les suivantes :

  • Le matérialisme historique : l'évolution des institutions et des idées (religion, droit, littérature, art... - les « superstructures ») est déterminée par la structure économique (« infrastructure ») et le mode de production. L'histoire de l'humanité est une succession d'étapes, avec l'arrivée inévitable de l'étape socialiste.
  • La plus-value : c'est la partie du travail de l'ouvrier que s'approprie l'employeur, l'ouvrier ne recevant jamais la pleine valeur de son travail.
  • La lutte des classes : moteur de l'histoire, car il y a toujours eu deux groupes opposés.
  • La dictature du prolétariat (DOP) : L'État sert les intérêts du groupe dominant. L'État doit devenir propriétaire des moyens de production. Il s'agit d'une phase de transition vers une société sans classes, qui serait la fin du cycle historique.

Les origines de l'anarchisme

Leurs aires de diffusion sont les pays à dominante agricole (pays méditerranéens comme l'Espagne, et Europe de l'Est). L'idée initiale est que l'État et les institutions détruisent la possibilité de la liberté humaine. La tâche principale est donc de retrouver l'homme libre, sans État, vivant en harmonie avec ses pairs. Les premières idées anarchistes furent avancées par Proudhon (1809-1865) : « Qu'est-ce que la propriété ? C'est le vol ! ». Le grand théoricien de l'anarchisme est Bakounine. Parmi ses contributions figurent l'idée que tout État, y compris révolutionnaire, est un instrument d'oppression ; les appels à l'élimination de l'héritage et de la propriété privée ; et la valorisation particulière du rôle de la paysannerie contre les fondements de la société bourgeoise. Au sein du mouvement anarchiste, il y a différentes tendances : de l'action directe au pacifisme. Face aux marxistes qui les accusent de collaborer avec l'État bourgeois, ils rejettent toute participation politique, privilégiant l'action syndicale.

Les Internationales ouvrières

La Première Internationale (AIT)

La Première Internationale (AIT) a été fondée en 1864 à Londres. C'est une organisation projetée à l'échelle mondiale, regroupant des associations ouvrières de toutes sortes. Elle visait à être un organe de coordination commun, prenant des décisions pour toutes les organisations qui s'y sentaient représentées. Des fédérations nationales furent établies dans les pays européens, assurant son expansion rapide. Son mode de fonctionnement reposait sur des congrès pour prendre des décisions. Contrôlée par les marxistes, ses propositions incluaient : l'émancipation devait être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes, et la classe ouvrière devait participer à la lutte politique pour atteindre le pouvoir. Résolutions importantes :

  • la grève comme outil révolutionnaire
  • la revendication des huit heures de travail par jour
  • l'élimination du travail des enfants

De vifs affrontements eurent lieu entre marxistes et anarchistes.

La Commune de Paris et la fin de l'AIT

En France, la défaite de la guerre franco-prussienne (1870-1871) avait entraîné la fin du Second Empire. Le gouvernement s'enfuit, ouvrant la voie à Paris à la première expérience de gouvernement ouvrier (1871), d'un caractère socialiste : la Commune de Paris. La nouvelle Troisième République française mena une répression sévère contre les participants à la Commune. Les divergences d'analyse de la défaite entre marxistes et anarchistes conduisirent à l'expulsion des anarchistes de l'AIT. À partir de ce moment, l'organisation déclina rapidement.

La Deuxième Internationale

À Paris, en 1889, la Deuxième Internationale (socialiste) fut fondée. Elle accepta le système démocratique. C'est une période différente de la précédente, dans une phase d'expansion du capitalisme, où le nombre d'adhérents, notamment syndicaux, augmente fortement. La revendication de la journée de 8 heures culmina avec la création de la journée du 1er mai. Le 8 mars devint la journée de la femme travailleuse. Elle prit fin suite à l'échec de ses mots d'ordre contre la participation de la classe ouvrière à la Première Guerre mondiale, considérée comme un conflit purement impérialiste.

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