Le Système de la Restauration en Espagne (1874-1923)

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Le Bipartisme et le Turnisme (Alternance Politique)

Le créateur du système politique de la Restauration a été Cánovas del Castillo. Ce système reposait sur deux partis politiques (bipartisme), appelés les partis dynastiques, tous deux libéraux.

Les Partis Dynastiques et le Pacte du Pardo (1885)

En 1885, Cánovas et Sagasta ont signé le Pacte du Pardo pour renforcer la monarchie. Ils convinrent de se relayer au pouvoir (le turnismo).

Le Parti Conservateur (Antonio Cánovas del Castillo)

Il était formé par des représentants de la bourgeoisie des propriétaires fonciers et financiers, de l'aristocratie et de la hiérarchie catholique. Il intégrait des libéraux modérés, des syndicalistes et certains progressistes, évoluant vers un véritable autoritarisme.

Le Parti Libéral (Práxedes Mateo Sagasta)

Il consistait en une fusion de progressistes, de démocrates et d'ex-républicains modérés. Il représentait la bourgeoisie industrielle et commerciale, les professions libérales de la classe moyenne et les fonctionnaires. Son idéologie libérale préconisait des réformes sociales, l'éducation et un certain laïcisme.

Les Autres Forces Politiques (Hors Système)

Toutes les autres parties étaient en dehors du système politique :

  • Les Carlistes
  • Les Républicains
  • Les Partis Régionaux et Nationaux
  • Le Mouvement Syndical et Anarchiste

Le Caciquisme et la Fraude Électorale

Le caractère du turnismo (alternance) reposait sur la fraude électorale et le caciquisme. Ce système permettait l'alternance des partis dynastiques sans recourir à des coups d'État militaires. Il permettait également à la monarchie de ne pas s'identifier à un seul parti.

Mécanismes de la Fraude

Pour assurer le changement, on recourait à la fraude électorale en utilisant les chefs locaux ou provinciaux (les caciques) pour la réaliser. Le roi commandait la formation des gouvernements. Le chef de cabinet convoquait ensuite des élections afin de construire une majorité parlementaire pour gouverner de manière stable.

Le Rôle du Cacique

Les caciques recouraient à des élections frauduleuses. Ils pouvaient :

  • Modifier le recensement.
  • Inclure ou exclure des personnes.
  • Faire voter des morts à la place des vivants.

Le cacique exerçait le pouvoir nécessaire pour contraindre les électeurs par la violence et acheter des votes en échange de faveurs. Le régime de la Restauration assurait la stabilité politique et le maintien d'un ordre social où les classes dirigeantes (noblesse, gentry, église, financiers, industriels et militaires) participaient au système politique, laissant les classes dominées sans représentation.

La Question Sociale et le Mouvement Ouvrier

Pour protéger les travailleurs contre l'exploitation à laquelle ils étaient soumis, le mouvement ouvrier est né, canalisé sur deux fronts de lutte : la demande d'amélioration des conditions de travail (syndicats) et la voie des partis politiques.

Le Mouvement Ouvrier Socialiste (Marxiste)

Deux courants représentaient les intérêts de la classe ouvrière : l'anarchisme et le marxisme. La diffusion de la pensée marxiste (le communisme ou socialisme scientifique) en Espagne a commencé en 1871 lorsque Paul Lafargue, gendre de Marx, s'installa à Madrid. Il rallia un groupe d'internationalistes favorables à la théorie marxiste, contre la majorité anarchiste prédominante dans la Fédération Régionale Espagnole. De ce noyau est né le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol). Pour l'action syndicale, l'UGT (Union Générale des Travailleurs) fut fondée. Pablo Iglesias fut le fondateur du PSOE et de l'UGT.

Le Mouvement Ouvrier Anarchiste

L'anarchisme était majoritaire parmi la classe ouvrière et la paysannerie en Espagne, notamment à Barcelone. Les organisations libertaires en Espagne étaient :

  • La Fédération Régionale Espagnole de l'AIT (Association Internationale des Travailleurs)
  • La Fédération des Travailleurs de la Région Espagnole (FTRE)
  • Solidaridad Obrera
  • La Confédération Nationale du Travail (CNT)
  • La Fédération Anarchiste Ibérique (FAI)

Le Problème Militaire et l'Action au Maroc

L'Action Militaire au Maroc

À partir de 1906, le gouvernement espagnol développa une action coloniale en Afrique du Nord, sous l'égide des grandes puissances. Les intérêts économiques des grandes familles du régime rejoignaient la volonté politique de restaurer le prestige international de l'Espagne. L'Espagne rencontra l'opposition des tribus berbères qui harcelaient les positions espagnoles, y compris Ceuta et Melilla. La troupe était formée par des membres de la classe ouvrière qui accomplissaient un service militaire long et ardu en Afrique, tandis que les enfants de familles riches payaient pour éviter la conscription.

L'Intervention de l'Armée dans la Politique

Au cours du XIXe siècle, l'intervention de l'armée était devenue une alternative au changement politique. La Restauration tenta de soumettre les militaires au contrôle civil, une tâche difficile, comme en témoigna la dictature du général Primo de Rivera.

Les Implications de la Crise de 1898

La perte des dernières colonies (Cuba, Porto Rico, Philippines) fut une crise intellectuelle et morale. Elle révéla un pays sans poids dans le contexte international, sans domination coloniale, alors que les puissances européennes se partageaient l'Afrique et l'Asie. Elle mit en évidence la corruption du système politique et l'incompétence des hommes politiques espagnols.

Le Régénérationnisme et la Critique du Système

Joaquín Costa, dans son ouvrage Oligarchie et Caciquisme, décrivit les maux et les corruptions de la fin du siècle en Espagne. Il dénonça l'ignorance de la société espagnole, la décadence de l'oligarchie et la fin du caciquisme espagnol. Il fut envisagé de faciliter l'éducation de la population et de moderniser l'Espagne sur le modèle européen, mais cela ne fut pas réalisé. Sur le plan économique, il fut jugé essentiel d'élaborer une politique hydraulique (réservoirs) et de moderniser l'agriculture.

La Génération Littéraire de 98

L'émergence de la génération littéraire de 98 est liée à la catastrophe coloniale. Ce groupe d'écrivains avait une vision pessimiste de l'Espagne : Unamuno, Azorín, Pío Baroja, Maeztu, Valle-Inclán et Machado. Ils réfléchirent dans leurs œuvres sur le sens de l'Espagne et son rôle dans l'histoire. Ce mouvement régénérateur, intellectuel et littéraire, influença la vie politique espagnole du premier tiers du XXe siècle.

Les Guerres Coloniales et l'Opposition

L'insurrection armée à Cuba était dirigée par le Parti Révolutionnaire Cubain, mené par José Martí. La campagne de l'armée espagnole fut d'abord dirigée par Martínez Campos, qui fut ensuite remplacé par Weyler.

Aux Philippines (1896-1897), le leader de l'insurrection (Jose Rizal) fut fusillé par les autorités espagnoles. L'insurrection fut maîtrisée jusqu'à ce que l'intervention des États-Unis change la direction de la guerre.

L'Opposition Politique après 1898

Les politiques d'opposition (républicaine, nationaliste et ouvrière) présentèrent leurs revendications, allant de la grève générale révolutionnaire jusqu'à la république bourgeoise, grâce aux efforts de la bourgeoisie catalane pour participer au gouvernement de Madrid.

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