Techniques narratives et structure du roman contemporain

Le Monologue Intérieur (Courant de Conscience)

Connu sous le nom de « courant de conscience », cette technique fut employée dans le roman après la publication d'Ulysse (1922). Elle confère le plus haut degré de subjectivité au roman, car elle se passe de la voix du narrateur. Le narrateur adopte le point de vue du personnage et attend que la pensée se dessine et se forme.

Le créateur du monologue intérieur est le Français du XIXe siècle, Dujardin. Il en a donné la meilleure définition : « Le monologue intérieur, comme chaque monologue, est un discours prononcé par le personnage en question et est destiné à introduire directement dans la vie intérieure de ce personnage, sans que l'auteur n'intervienne avec ses explications ou le dialogue. »

Il est proche de l'inconscient, c'est un discours antérieur à toute organisation logique, qui reproduit la pensée à l'état naissant. Il s'exprime par des phrases directes, avec une syntaxe minimisée.

Les deux types de monologues

• Monologue ordonné ou logique : Le flux de la conscience du personnage est ordonné logiquement par écrit.
• Soliloque chaotique : L'écrit reproduit fidèlement les associations mentales spontanées du personnage.

Le Contrepoint

Le contrepoint consiste à présenter le roman en plusieurs histoires qui se combinent et s'alternent. Le terme, initialement appliqué à la musique, s'applique à la littérature d'après le roman intitulé Contrepoint, de Huxley. C'est une technique qui donne plus d'élan au roman, introduisant la simultanéité du temps, des lieux ou des personnes sans préavis, ce qui peut causer de la confusion chez le lecteur peu familier avec cette technique.

La Conduite ou le Comportement (Behaviorisme)

Cette technique est basée sur l'objectivité de l'histoire. Le narrateur disparaît complètement, et ce sont les personnages, par leur conduite ou leur action, qui transmettent le message. Le récit se déroule dans un temps très strict, sans la moindre référence à un passé ou à un futur. Le caractère individuel est délaissé en faveur du caractère collectif, comme dans El Jarama.

La Perspective Multivisionnelle

Cette technique consiste à composer un même événement à partir de points de vue différents, par des personnages différents. Chacun nous donne l'interprétation qu'il peut fournir en fonction de sa connaissance partielle des faits. Ainsi, la somme des interprétations partielles donne le vrai sens de l'histoire racontée, ce qui évite la partialité d'un narrateur unique.

L'exemple le plus réussi est As I Lay Dying de Faulkner, où l'histoire est racontée par la conscience de sept enfants, dont les monologues intérieurs forment la structure du roman.

Le Flash Back

Le flash back est utilisé au cinéma pour désigner une ou plusieurs séquences rétrospectives. Appliquée au roman, cette technique est utilisée lorsqu'elle rompt l'ordre chronologique et narratif linéaire pour évoquer des événements antérieurs au temps de l'histoire. Cette technique s'est tellement étendue qu'on la retrouve même dans des romans actuels plus traditionnels.

Le Trouble Chronologique

Le trouble chronologique est devenu l'un des traits les plus caractéristiques du roman contemporain. Dans le roman traditionnel, la structure la plus commune était linéaire et par ordre chronologique ; il y avait une correspondance parfaite entre l'ordre des chapitres, les événements, les pages et le calendrier. Si une rupture dans le passé survenait, elle était justifiée par l'auteur avec un certain nombre de précisions.

Le roman contemporain se caractérise par le mélange des différents plans temporels, c'est-à-dire qu'il fausse ou comprime le temps requis par l'histoire.

Exemples de condensation temporelle

• Lors de la publication d'Ulysse, l'une des choses remarquées fut que l'action du roman ne durait qu'une seule journée, même si l'ouvrage comptait 900 pages. Cela produit une complexité dans le roman (Haute condensation = grande histoire).
• Dans le roman espagnol du XXe siècle, on trouve une manière particulière de traiter le facteur temps : dans Le Régent de Clarín, la première moitié du roman couvre trois jours et la deuxième partie, trois ans.
• Les romans à protagoniste collectif, comme La Ruche de Cela, compriment également le temps, car en peu de temps, on trouve les meilleurs modèles de personnages pour ce type de roman.

Le Concept de l'Espace

La transformation du temps a entraîné un changement dans le concept de l'espace. Aujourd'hui, l'espace est beaucoup plus limité et se réduit parfois à une maison, une chambre, ou aux espaces intérieurs du protagoniste lui-même, sans égard pour le contexte extérieur dans lequel il opère.

Le « Nouveau Roman » est capable de consacrer une page entière à la description d'une fenêtre.

La Structure Externe du Roman

La structure externe des chapitres tend souvent à disparaître complètement. Le roman est alors composé d'une série de séquences (un terme tiré du cinéma : la succession ininterrompue de plans, dans un film, qui se réfèrent à une partie ou un aspect de l'argument).

Ces séquences sont séparées par des espaces, non numérotées, comme dans Temps de silence de Martin Santos. La division traditionnelle en chapitres peut même être transformée en une seule phrase tout au long du livre, comme dans Une méditation de John Benet ou La saga de fuite JB de Torrente Ballester.

Fusion entre Poésie et Prose

Il y a une tendance à brouiller la séparation entre la poésie et la prose. Le roman, dans certains cas, ressemble à un poème : la phrase est découpée en plusieurs lignes, utilisant différents types de caractères, de ponctuation, des gravures insérées ou des articles de journaux. Le roman est ainsi de plus en plus compris comme un jeu.