Théories et concepts fondamentaux du droit
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Unité 7 : Le droit comme un fait social
Le droit et la motivation du comportement social
La morale sociale et la religion sont aussi des techniques de motivation, mais le droit, contrairement à elles, est une technique indirecte de motivation. Il est présenté comme ce qui devrait être, non pas par une liste de fonctions, mais par des sanctions.
Au lieu de promouvoir directement un comportement, il décourage une conduite contraire en imposant des sanctions. L'aspect particulier de cette méthode est de sanctionner un acte contraire par des mesures coercitives pour induire le comportement désiré. L'auteur de la règle de droit est que les hommes dont la conduite est réglementée considèrent ces actes de coercition comme mauvais et cherchent à les éviter. Son objectif est de canaliser un certain comportement chez les hommes en les menaçant d'un mal et, selon Kelsen, cette pression permet d'obtenir le résultat souhaité. Toutefois, Kelsen estime qu'il existe d'autres raisons pour lesquelles les gens conforment leur conduite aux normes. Il admet qu'il y a aussi des motifs religieux ou moraux. Si l'on considère sa technique, il est clair que le droit ne traite que l'homme. Les règles juridiques ne s'appliquent qu'aux comportements humains, car l'homme est doué de raison et peut être incité à agir par la représentation d'une règle.
La technique du droit peut être utilisée afin d'atteindre n'importe quel but. Le droit est un moyen de coercition sociale étroitement lié à un ordre social qui cherche à maintenir la cohérence de l'ordre juridique. Le comportement des individus constitue un facteur déterminant de la validité de l'ordre juridique, car l'efficacité de celui-ci est une condition de sa validité. Cet accord repose sur des idéologies dont la fonction est d'encourager ou de faciliter un tel consensus.
Le droit comme un fait de fonctionnaires, juges et citoyens
On pourrait dire que les fonctionnaires sont ceux qui dictent les règles générales : les législateurs, responsables de la création et de l'abrogation des règles.
Les « juges » sont chargés de déterminer les règles qui s'appliquent à des situations spécifiques et, si nécessaire, de mettre en œuvre les mesures coercitives que ces règles prescrivent. Par leurs jugements, ils précisent le droit.
Les « citoyens » sont ceux qui sont régis par les règles. Le droit peut ensuite être promoteur, limitatif ou bénéficiaire d'aide sociale, visant toujours à réglementer la conduite des citoyens.
Les relations entre le droit et la force
Le droit se distingue des autres systèmes normatifs en reliant des comportements spécifiques à un acte de coercition. D'où il suit que le droit réglemente la force. Dans la définition du droit comme un ordre de contrainte, le rôle du droit est de réglementer l'usage de la force dans les relations entre les hommes. La force ne doit être utilisée que par des personnes autorisées. Ainsi, les actes de coercition pris par ces personnes seront considérés comme « licites ». En vertu de la loi, ceux qui utilisent la force ne peuvent le faire eux-mêmes, mais agissent comme des organes de la communauté (police, armée, etc.).
En conclusion, le rôle du droit est d'établir un monopole de la force à l'appui du cadre juridique des différentes communautés.
La conception de Kelsen et la révolution juridique
Kelsen a dit qu'une révolution se produit lorsqu'il y a une rupture dans la logique normative antérieure principale, qui réside dans la constitution. Cela se produit lorsque la constitution est réformée d'une manière différente de celle prévue. Peu importe l'ampleur, la qualité ou la rapidité du changement, tant que la réforme de la constitution n'est pas effectuée par l'organisme qui en est responsable. La révolution est pour Kelsen une formalité, non une question de contenu.
Le concept de révolution juridique selon Cossio est l'émergence de normes non conformes à la procédure définie par la norme supérieure. Cette rupture de la logique de l'histoire peut affecter le système juridique de diverses manières.
La révolution juridique peut se résumer comme suit :
- Révolution personnelle : changement des individus.
- Révolution administrative : changement des individus et de l'administration.
- Révolution institutionnelle : changement des institutions.
- Révolution sociale : changement des institutions ainsi que des valeurs suprêmes qui régissent l'ordre juridique, les fins de l'État et de la communauté concernée.
Une révolution réussit s'il y a respect de la part de la société.
Analyse de l'article 36 de la Constitution
Cet article stipule que la Constitution restera en vigueur, même si son observance est interrompue par des actes de force contre l'ordre constitutionnel et le système démocratique. Ces actes sont nuls. Cela se rapporte à la notion de révolution de Kelsen : si une telle révolution se produit, les actes sont nuls. Les auteurs de ces actes seront inaptes à occuper une charge publique, exclus de la grâce et de la commutation des peines, et aussi passibles d'une pénalité. Cela se rapporte à la connexion établie par Kelsen entre le droit et la force : toute personne non autorisée à exercer la force commet un acte illégal et est passible d'une pénalité. Cet article donne aux citoyens le droit de résister contre ceux qui se livrent à des actes de force sans autorisation. Il stipule aussi que ceux qui sapent le système démocratique en commettant une infraction intentionnelle contre l'État impliquant un enrichissement sans cause, ne doivent pas être admissibles à une fonction publique, tant que les lois le fixent.
Enfin, il donne au Congrès le pouvoir de promulguer une loi sur l'éthique publique pour l'exercice des fonctions.
Le réalisme juridique
Le réalisme affirme que le droit n'est pas seulement une question de logique, mais d'expérience. Les réalistes essaient de voir le phénomène juridique comme un fait, sans ignorer les règles, mais en gardant à l'esprit que cela ne suffit pas pour connaître le droit, car il régit la conduite des individus et ses normes sont appliquées par certains organes.
Ce courant a été développé aux États-Unis et en Scandinavie, avec des auteurs comme Holmes, Frank, Olivecrona, Illum. Les caractéristiques du réalisme sont les suivantes :
- Attitude négative envers les règles. Le réalisme perd une confiance aveugle en elles et estime que les faits sont plus importants que le système juridique.
- Plus d'importance est donnée à la norme individuelle (le cas) qu'à la règle générale. Il privilégie l'affaire sur la législation.
Réalisme américain et scandinave : Holmes et Alf Ross
Holmes résume sa pensée par la phrase : « Le droit n'est pas logique, mais expérience. » Holmes dit que pour trouver le droit, il faut regarder avec les yeux de l'homme mauvais, qui est intéressé de savoir ce qui se passera s'il agit de telle ou telle manière. En analysant cela, Holmes se rend compte que les règles générales adoptent une formation en droit, mais ce qui importe vraiment, c'est la sentence que rendrait le juge. Il déclare que le droit est la prophétie de ce que les tribunaux feront.
Holmes définit la science juridique comme la connaissance systématique de la conduite des juges. Cette connaissance est une sorte de synthèse sociologique, biologique, historique et psychologique, destinée à aider à l'interprétation et à la clarification des phénomènes juridiques.
Le réalisme scandinave est représenté par l'école d'Upsala, dont fait partie Alf Ross. Bien qu'il ait des points de contact avec le réalisme américain, ils diffèrent en ce que ce dernier néglige le problème des normes pour se référer uniquement aux faits, tandis que le premier traite du problème de la réglementation pour essayer de le réduire à une réalité.
Alf Ross est un réaliste modéré qui tente de surmonter le dualisme réalité-validité (la position logique considérant le droit comme un système de normes valables), car il estime qu'aucun des deux aspects ne peut à lui seul révéler la vérité.
Unité 11 : La construction du droit et les méthodes d'interprétation
Les méthodes d'interprétation : volontarisme et formalisme
La position volontariste soutient que le juge, dans l'interprétation des règles du droit, accomplit un acte d'intelligence (la connaissance) et un acte de volonté (l'intérêt).
Parmi les méthodes volontaristes, la variabilité de la jurisprudence (décisions de divers tribunaux) est autorisée. Le volontarisme structuré suppose que le travail du juge s'inscrit dans le cadre donné à l'avance par une structure réglementaire.
1. Théorie pure du droit (Kelsen)
Kelsen note que chaque fois qu'il est nécessaire d'appliquer une norme supérieure, le tribunal estime que cette règle prévoit non seulement le processus pour la production d'une norme inférieure, mais aussi son contenu. Mais cette détermination n'est jamais complète : il existe un cadre de possibilités au sein duquel le juge peut se mouvoir sans enfreindre la loi.
En résumé, la théorie pure est une volonté formelle : l'acte sera interprété par l'interprète dans le cadre fourni par la norme juridique.
2. L'école égologique (Cossio)
Cossio fait valoir que les juristes n'interprètent pas la loi, mais le comportement à travers la loi. Le juriste doit interpréter la loi en se fondant sur la situation spécifique qui lui est présentée. Son activité n'est pas seulement logique, mais aussi axiologique, car il donne de la valeur aux normes qui, selon Cossio, régissent le comportement d'interférence intersubjective. Pour saisir la conduite, le juriste doit utiliser la méthode empirique dialectique, un processus circulaire qui va des faits à la réalisation de la compréhension. Ce qui importe est de savoir quels faits de conduite devraient être soumis à des normes juridiques, et ce n'est pas la tâche de la logique, mais de l'axiologie. La théorie égologique soutient que les juristes ne doivent pas seulement s'intéresser à la connaissance des références aux lois dogmatiques, aux concepts et aux significations, mais doivent aussi tenir compte de l'objet auquel ils se rapportent, à savoir la conduite d'interférence intersubjective.
Un modèle d'interprétation juridique
Dans la tâche du juge d'interpréter le comportement par les règles, l'axiologie entre en jeu. Mais cette fonctionnalité n'est pas l'unique travail d'interprétation des juges.
Il est possible d'établir une méthode juridique commune pour tous les juristes, à développer dans deux directions complémentaires : la systématique et l'interprétation.
L'interprétation est l'action de comprendre ce qu'un signe signifie. Les juges interprètent les règles, mais aussi le comportement des règles en utilisant une méthode empirique dialectique. Les législateurs, quant à eux, interprètent également le comportement qui doit être considéré dans ses phénomènes de masse.
La doctrine travaille aussi avec des concepts génériques concernant des phénomènes de masse. Ainsi, il est clair que la méthode d'interprétation du droit est empirique.
La logique dialectique
La dialectique aristotélicienne trouve sa formulation la plus claire dans la Topique. Elle stipule que toute discussion doit s'adapter selon les principes suivants :
- Aspect et conscience d'un problème (un point qui génère la discussion).
- La nécessité de deux « rivaux », chacun titulaire d'une autre raison (deux parties).
- La nécessité d'un arbitre ou d'un modérateur de la discussion (le juge).
- Accord sur les règles auxquelles tous doivent se soumettre (adversaires et arbitre) : les normes auxquelles doivent se soumettre le juge et les parties.
Le champ d'application de la méthode dialectique est très pratique et instrumentale.
Arguments utilisés par les juristes (Topique)
Aristote nous dit que la Topique est un art, une méthode de connaissance qui nous apprend à raisonner sans tomber dans des contradictions dans le domaine des questions discutables (doxa) et nous permet d'accéder à la connaissance du probable et du plausible. La Topique, dans le cadre de la justification, vise à connaître la vérité.
Le titre « Topique » vient de topoi, les lieux. Les topoi sont destinés à fournir des arguments pour la discussion dialectique. Cela se voit dans la perspective d'un dialogue qui doit être motivé. Le dialogue prend la forme d'un instrument qui montre de façon concrète ce qui pose un problème méthodologique, visant à obtenir le consentement de l'adversaire, de l'arbitre et du public. Aujourd'hui, l'accord recherché est d'abord celui du juge.
L'avocat veut parvenir à une conclusion particulière. Sur la base de la loi, il doit construire un argument formel contraignant. Son travail consiste à chercher la norme dans l'univers juridique. Lorsqu'elle est appuyée par les faits, ceux-ci doivent être prouvés comme spécifié par les règles adjectives (de procédure). Son travail l'amène à rechercher la norme et les éléments factuels qui correspondent à la conclusion souhaitée, et à les présenter par un argument convaincant pour convaincre le juge.
Enfin, la Topique est une machine à faire des hypothèses basées sur une conclusion donnée. Pour la dialectique, il faut connaître la conclusion à laquelle on veut arriver, et la tâche est de trouver les prémisses qui permettraient d'atteindre l'objectif poursuivi.
Dans le cas de l'application de la Topique à l'ordre juridique, les prémisses sont, en premier lieu, les règles et, en second lieu, les faits qui permettent de juger le comportement humain particulier.
Du point de vue matériel, cette dialectique est conditionnée par son objet (le comportement humain).
La redécouverte de la Topique
Theodor Viehweg a réévalué la Topique d'Aristote, qui était au cœur de la dialectique. Avec lui, nous apprenons que la Topique est une technique qui met l'accent sur un problème, à savoir que nous devons développer une méthode qui nous permet de trouver des prémisses qui doivent être soutenues par des vues approuvées. Les voies actuellement ouvertes sont : a) la technique juridico-scientifique, b) le droit est aussi l'objet d'une science.
La rhétorique antique
Elle permet de construire une théorie de l'argumentation en utilisant le raisonnement dialectique. C'est un instrument de pensée qui vise à éclairer les décisions. Comme il existe une controverse, il faut être informé de ce qui est nécessaire à l'argument. Le but ultime de l'art de la rhétorique consiste à convaincre un tribunal que le motif invoqué est correct.
La nouvelle rhétorique de Perelman
Perelman voulait traiter scientifiquement les problèmes de valeur de manière rationnelle et acceptable, tels que : « Pourquoi préférer le bien au mal ? Ou la justice à l'injustice ? ».
L'enquête de Perelman a mené à une conclusion importante : il n'y a pas de jugements de valeur logiques spécifiques, mais ce qui s'en rapproche le plus a été développé dans la rhétorique.
Perelman note que la rhétorique aristotélicienne portait sur trois domaines :
- Une théorie de l'argumentation, qui est l'axe principal et assure la connexion avec la logique démonstrative et la philosophie.
- Une théorie de l'énonciation.
- Une théorie de la composition vocale.
La logique et le raisonnement
Tout argument utilise des concepts, des jugements et des raisonnements qui ne peuvent être étrangers aux règles logiques. Habituellement, lorsque nous argumentons, la logique est dite naturelle, instinctive, mais nous ne connaissons pas scientifiquement les lois qui régissent notre raisonnement. Un juge peut prendre une bonne décision, sans avoir jamais étudié la logique.
Les chercheurs en argumentation, même dans la logique naturelle, affirment que l'argument est acceptable lorsque :
- Il est conforme (non contradictoire).
- Il est aussi complet que possible.
- Il est contraignant.
La logique du raisonnable selon Recaséns Siches
La logique de l'interprétation du droit est opposée à la logique traditionnelle. Celle-ci étudie les idéaux (Aristote, Bacon) qui sont les connexions nécessaires pour trouver des idées ou des réalités naturelles. Ces systèmes ne constituent pas toute la logique, seulement une partie du logos. Il y a d'autres parties : la logique de la raison vitale, la raison historique, la logique expérimentale.
Dans l'interprétation juridique, la logique traditionnelle est insuffisante et conduit à un résultat absurde et irritant. Nous sentons et comprenons qu'il y a des raisons impérieuses de traiter le problème de manière à écarter cette logique traditionnelle. Si nous sentons qu'il y a des raisons, nous sommes dans le domaine du logos. Nous rejetons les raisons de la logique traditionnelle pour d'autres raisons qui devraient prendre le pas sur celles-ci. Par conséquent, nous sommes dans le champ de la raison. Il y a des arguments non traditionnels qui offrent la bonne façon de résoudre le problème et de trouver la solution juste.
Face à un problème juridique, un raisonnement d'un type différent est opposé, et c'est précisément ce qui nous met en contact avec la bonne solution. Ce raisonnement, qui nous fait trouver la solution juste et bonne, est la raison appliquée à l'affaire.
La position d'Alexy
L'argument juridique est un cas particulier de l'argumentation pratique générale. Le paradigme de la théorie de l'argumentation pratique générale est la théorie du discours rationnel. Selon cette théorie, une déclaration normative est correcte ou vraie si elle est le résultat d'une procédure, notamment le discours rationnel.
La théorie du discours, en tant que modèle théorique de l'argumentation, se caractérise par le fait que les croyances factuelles et normatives des individus peuvent être modifiées par les arguments présentés dans la procédure.
Les règles du discours pratique sont diverses. Elles comprennent des règles de la logique, des règles sur la participation et la présentation orale, etc.
Le problème central de la théorie du discours est la formulation et la justification du système de règles. D'une part, il doit être aussi fort que possible pour exclure autant de décisions que possible afin d'augmenter sa signification. D'autre part, il devrait être aussi faible que possible pour qu'il puisse trouver une large acceptation. Les systèmes qui n'ont aucun contenu moral doivent satisfaire à la seconde exigence, mais pas à la première.
Le vaste domaine du discours ne peut pas correspondre à un champ aussi large que celui légalement autorisé. Sinon, les conflits sociaux pourraient être résolus sur la base de règles contradictoires.
L'acceptation d'une règle par tous les participants au discours n'entraîne pas nécessairement l'obéissance de tous. Dans une série de règles, lorsque certaines ne peuvent pas être remplies, nul ne peut être tenu à la conformité.
Unité 14 : Développement de la pensée juridique
Contexte de la pensée juridique contemporaine
L'histoire marque la fin de l'ère moderne et le début de l'ère contemporaine en 1789, année de la Révolution française, qui marque la fin de l'absolutisme et de l'Ancien Régime.
L'idée d'un contrat social dans lequel le peuple est le dépositaire de la souveraineté et en délègue une partie dans les règles est exprimée par Rousseau. Cette idée suppose deux conditions : l'égalité et la liberté, qui sont inscrites dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Depuis lors, l'homme et son droit à la liberté sont au centre de la philosophie du droit. Ce sera le postulat du XIXe siècle.
Le passage de l'ère moderne à la philosophie contemporaine est mis en œuvre par Immanuel Kant, qui parvient à surmonter le dogmatisme et le scepticisme entre empiriste et positiviste.
La Critique de la raison pure de Kant examine le problème de la connaissance et conclut qu'il n'est pas possible de connaître la chose en soi, mais nous connaissons les choses telles qu'elles nous apparaissent.
Le matérialisme historique (Marx)
C'est la manifestation la plus extrême du positivisme juridique et son représentant principal est Karl Marx. Marx est né en Allemagne en 1818 et est devenu un disciple de Hegel, tout en le critiquant.
Hegel croyait que l'État représentait les intérêts de chacun, mais Marx note que ce n'est pas le cas : l'État représente les intérêts de la classe dirigeante et est un instrument de domination.
Selon Marx, l'erreur dans la conception de Hegel venait du fait qu'il avait oublié d'étudier la société civile. Pour Marx, il y a une rupture, un fossé entre le monde des idées et la réalité matérielle.
C'est l'origine du matérialisme historique. Il est matérialiste car il repose sur une conception matérielle de la réalité, où les événements spatio-temporels se réfèrent aux mouvements requis de l'objet. Il est historique car c'est un outil pour expliquer l'histoire.
En étudiant la société du point de vue économique, Marx constate que les hommes, pour satisfaire leurs besoins existentiels, établissent ce qu'il appelle des rapports de production. Ces relations constituent pour Marx la base matérielle de la société, une structure qui va conditionner toutes les autres (politiques, religieuses, idéologiques, etc.), constituant une superstructure différée. C'est dans cette superstructure que se trouve le droit.
Marx montre comment tout est subordonné à l'économie en utilisant la dialectique hégélienne. Il dit que dans un monde capitaliste, il y a une classe dirigeante, la bourgeoisie (thèse), et une autre dominée, le prolétariat (antithèse). Lorsque le prolétariat prend conscience de lui-même et pour lui-même, il produit une lutte des classes (synthèse). Après une courte période de dictature du prolétariat, un nouveau modèle de production sera créé : le communisme, où il y aura une société sans classes, et donc plus besoin de lois ni d'État.
Le néo-kantisme et ses orientations
Le positivisme continue de croître jusqu'à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, où apparaît une réaction antipositiviste qui ramène Kant. Elle renvoie à la pensée kantienne : la Critique de la raison pure et la Critique de la raison pratique.
Le retour à Kant (néo-kantisme) se manifeste de deux manières :
- Le néo-kantisme de Marbourg (basé sur la Critique de la raison pure).
- Le néo-kantisme de Baden (basé sur la Critique de la raison pratique).
Le néo-kantisme de Baden
L'école de Baden a une critique éthique. Son représentant est Radbruch (relativiste). Elle distingue le domaine de la nature et celui de la culture, affirmant que l'homme porte la valeur du champ juridique.
Cet auteur dit que les valeurs changent avec la société et le temps (ce qui est relativiste) et que, pour comprendre, les gens doivent utiliser des valeurs.
Radbruch analyse de manière axiologique le problème du droit fondé sur des idéaux politiques. Il distingue trois concepts politiques :
- Individualistes : prévalence de la personnalité humaine, les valeurs servant les valeurs collectives et les œuvres.
- Supra-individuels : les valeurs de la personnalité et le travail au service de valeurs collectives.
- Transpersonnels : les valeurs individuelles et collectives sont au service de l'œuvre ou du travail.
Le néo-kantisme de Marbourg
Stammler et Kelsen sont des représentants de la critique logique.
1. Stammler
Stammler définit le droit comme une organisation permanente de la vie sociale, qui se manifeste comme une volonté contraignante, autosuffisante et inviolable. Il établit une distinction entre les sciences de la causalité (qui nous mettent en contact avec la nature) et la science téléologique ou finaliste. Cela place la science du droit dans le domaine de la science téléologique.
Stammler parle de norme. L'idée de Stammler et Kelsen est similaire, mais ils estiment que le droit s'applique à des choses différentes.
Cette idée de droit est l'idée de justice, qui a une conception formelle de la justice (suivant Kant).
La justice implique l'égalité de traitement pour les personnes ayant des situations et des possibilités similaires. L'idée de justice est formelle, car elle est la variante. L'homme n'atteint jamais la vraie justice, mais il peut s'en approcher, cela change.
2. Kelsen
Kelsen distingue les sciences normatives des sciences de la causalité.
- Division entre les sciences de la causalité et les sciences normatives :
- Sciences de la causalité : la nature (tous les éléments liés par un principe de causalité), lien de cause à effet. Chaîne infinie. Domaine de l'« être ».
- Sciences normatives : la société (relation entre l'antécédent et le conséquent). Principe de l'imputation ; domaine du « devoir-être ».
- Division entre la morale et le droit (deux sciences normatives) :
- Dans une société régie par le principe de l'imputation, la norme est formulée avec la copule « devoir-être ». Elle peut être logique (champ de valeur neutre du droit) ou axiologique (valeur, domaine de la morale).
- Définition de la norme :
- Un jugement hypothétique construit avec la copule « devoir-être » qui impute un conséquent (pénalité) à un antécédent (responsabilité délictuelle). Ce serait la règle primaire. La norme secondaire serait celle relative à l'obligation légale et à la responsabilité. Validité : une norme est valable lorsqu'elle appartient à un ordre valide. La validité d'un ordre est donnée par la norme fondamentale.
La philosophie analytique
Elle surgit en Angleterre comme un courant de la philosophie générale qui a acquis une grande importance en s'appliquant au droit. Elle est appelée analytique en raison de ses propriétés : elle aborde tous les petits problèmes.
Elle est proposée comme une méthode d'analyse linguistique. La langue, dans la conception de la philosophie analytique, est classique, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de bons ou de mauvais mots.
Austin
Austin apporte une contribution importante à la philosophie du droit anglais par l'école dite de la « Jurisprudence analytique » (pré-philosophie analytique). Il divise l'étude du droit en trois parties : les décisions générales, les décisions particulières de la Cour et la législation.
Le droit est un ordre normatif imposé par un organisateur. La norme juridique est l'expression d'un mandat du souverain. L'essence du droit est l'obligation pour les personnes de remplir ce mandat.
Il distingue deux types de mandats : les mandats principaux destinés aux particuliers, et les mandats secondaires, qui se réfèrent aux fonctionnaires qui doivent mettre en œuvre la sanction lorsque les mandats primaires ne sont pas remplis.
Hart
Hart propose une analyse de la notion de droit avec ses trois problèmes récurrents et d'autres concepts juridiques.
Le rôle du langage dans le domaine juridique se manifeste dans la définition des termes généraux et dans l'explication de la motivation de l'application des règles générales aux cas particuliers.
La pensée juridique argentine
Dans ce domaine, Cossio est remarquable et continue d'avoir de l'influence, ainsi que ses partisans de l'école égologique.
La chaire d'introduction au droit de La Plata est surtout influencée par le kelsénisme et l'égologie. L'école dite de La Plata a fondé le droit en Argentine.
Le droit naturel
Le droit naturel fait valoir que le droit positif est subordonné à la loi naturelle. Selon cette position, en cas de conflit entre eux, le droit positif doit être vérifié par le droit naturel.
Au contraire, le positivisme juridique estime que le droit véritable est le seul qui soit historiquement créé par les hommes.
Mais le droit naturel peut jouer un rôle conservateur et être au service de la préservation du statu quo, comme c'est le cas des écoles catholiques qui s'opposent au divorce. Dans ce cas, les idéaux favorisés par le droit naturel, en tant que modèle pour toutes les personnes morales, peuvent être étudiés comme un moyen de pouvoir politique pour la réforme de la loi actuelle.
La position du droit naturel a été attribuée à Aristote, car il introduit la distinction entre « droit naturel » et « droit légal ». Le droit naturel a partout la même force, tandis que le droit légal repose apparemment sur le droit des hommes et n'est juste que lorsque les gens l'ont établi.
Les idées des Lumières : Juan Bautista Alberdi
Juan Bautista Alberdi est considéré comme le père de la philosophie du droit argentine. Ses principes philosophiques se retrouvent dans notre Constitution.
Les tendances démocratiques ont une importance politique potentiellement décisive, ce qui rend nécessaire de discerner laquelle des formes républicaines pourrait répondre aux besoins du pays. Cette approche méthodique conduit Alberdi à aborder philosophiquement la question sous l'influence du rationalisme critique et du relativisme de l'école historique, représentée par Savigny.
Alberdi privilégie l'examen des phénomènes historiques. Il soutient l'idée d'ouverture et d'aide à l'immigration, la liberté effective de commerce, de navigation, d'éducation, de culte, la création d'industries, de capitaux, de technologie et de chemins de fer, ainsi que l'égalité des droits entre nationaux et étrangers.
Les principes philosophiques des Lumières du XVIIIe siècle supposent que l'homme est naturellement orienté vers le bien, la justice et la vérité. Alberdi affirme dans son livre que les constitutions ne doivent pas exprimer les besoins d'hier ou de demain, mais ceux d'aujourd'hui.
La néo-scolastique
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec le pape Léon XIII, l'Église catholique, tout comme le néo-kantisme, réagit également contre l'attitude anti-philosophique du positivisme dominant, en promouvant la recherche actuelle sur la pensée de Thomas d'Aquin et d'autres philosophes chrétiens.
Au début, ce nouveau courant n'est pas totalement opposé aux autres philosophies, mais tente d'en extraire le nécessaire et l'utile pour adapter les vieux concepts scolastiques aux problèmes d'un monde nouveau.
Pour cela, il était nécessaire de mettre le thomisme au service de la science.
Mais la néo-scolastique devrait également aborder les problèmes posés par l'attitude critique. En se référant à l'art de discuter des opinions afin de parvenir à une conclusion ferme (Aristote), elle était parvenue à formuler une théorie de la vérité.
Augustin a fait valoir que le chemin vers la vérité doit passer par l'individu et non pas seulement par l'intellect.
La conséquence a été l'abandon presque total de la métaphysique de l'être. Toute la philosophie de Saint Thomas est une philosophie de l'être, de ses besoins essentiels et de ses connexions ontologiques.
Le trialisme juridique
Selon Reale, le système juridique suppose un ordre objectif de valeurs auquel l'activité humaine est soumise pour des fins éthiques de coexistence. Ainsi, la règle de droit est une dynamique d'intégration entre le fait social et la valeur.
C'est pourquoi le droit est une unité intégrée en trois dimensions : le fait, la valeur et la norme, et doit être appréhendé par le juriste.
L'approche de base du courant tridimensionnel postule sur la réalité juridique une triple considération (logique normative, empirique et axiologique). Ces trois dimensions correspondent certainement à la méthode utilisée par la jusfilosofía contemporaine. Il n'y a pas d'originalité dans ce domaine, car aucune orientation philosophique actuelle ne néglige l'examen tridimensionnel du phénomène juridique.