Théories Mixtes de la Peine en Droit Pénal
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Théories Mixtes ou de l'Union en Droit Pénal
Conciliation des Fonctions de la Peine
Contrairement aux théories monistes (qui privilégient une seule fonction de la peine), plusieurs auteurs, notamment au XXe siècle, ont cherché à concilier les différentes finalités attribuées à la sanction pénale. Ces théories mixtes (ou de l'union) considèrent qu'il est possible de viser simultanément la rétribution (punir proportionnellement à la faute), la prévention générale (dissuader la collectivité) et la prévention spéciale (dissuader et réhabiliter l'individu condamné).
La plupart des codes pénaux contemporains, y compris le nôtre, adoptent une approche mixte. Aujourd'hui, personne ne soutient plus une théorie purement moniste, bien que l'accent puisse varier. Ces auteurs affirment que la peine doit être proportionnelle à la culpabilité pour le crime commis (rétribution), mais qu'elle vise également à prévenir de futurs crimes (prévention) et, si possible, à réhabiliter le sujet (prévention spéciale).
Tendances Principales des Théories Mixtes
Il existe deux tendances principales, qui s'accordent sur le but général du droit pénal (protéger la société et prévenir les crimes) et sur le fait que le principe de culpabilité doit limiter l'intervention étatique, même pour des motifs de prévention. Cependant, elles divergent sur la priorité accordée aux différentes fonctions de la peine :
- Tendance conservatrice : Priorité à la rétribution.
- Tendance progressiste : Priorité à la prévention (générale et spéciale).
Deux textes importants illustrent ces tendances : le projet officiel du Code pénal allemand de 1962 (conservateur) et le projet alternatif de 1966, rédigé par la doctrine allemande (progressiste).
Tendance Conservatrice
Cette tendance, reflétée dans le projet officiel de 1962, place la culpabilité comme fondement de la peine. La fonction de la peine est double (rétribution et prévention), mais avec un accent sur la prévention générale, considérée comme inhérente à la juste rétribution (une peine juste est intimidante). L'apport principal est de maintenir la rétribution comme base tout en admettant des objectifs de prévention.
Tendance Progressiste
Issue de la doctrine allemande et reflétée dans le projet alternatif de 1966, cette tendance voit la culpabilité comme une limite aux objectifs de prévention. La fonction de la peine est liée à la nécessité de prévention spéciale, dans une perspective humaniste visant à réintégrer l'individu dans la société.
Critiques des Théories Mixtes
- Juxtaposition artificielle : On leur reproche de juxtaposer les différentes finalités de la peine sans cohérence interne, brisant la logique propre à chaque théorie moniste.
- Explication incomplète : Elles tenteraient en vain d'expliquer la finalité de la peine uniquement sous l'angle de la rétribution et de la prévention, oubliant qu'elle pourrait avoir un fondement qui la transcende.
Critiques des Théories Actuelles Basées sur la Culpabilité
Ces théories, fondées sur la culpabilité, reçoivent également des critiques issues de la politique criminelle :
- Postulat non scientifique : Le principe de culpabilité (supposant le libre arbitre) et le degré de culpabilité sont considérés comme non scientifiques et indémontrables. Si le postulat de base est faux, aucune conclusion scientifique ne peut en être tirée. La peine basée sur la culpabilité devrait être remplacée par d'autres sanctions, comme les mesures de sûreté.
- Incommensurabilité : La culpabilité ne peut être mesurée objectivement. Il n'existe pas d'instrument permettant de calculer avec certitude la juste mesure de la peine, ce qui remet en cause la possibilité même de la graduer.
- Redondance avec la dangerosité : La plupart des systèmes prévoient déjà des mesures de sûreté basées sur la dangerosité du sujet. Les critiques demandent alors à quoi sert le principe de culpabilité si l'on recourt déjà à la dangerosité. Ils recommandent le remplacement du système de peines par un système de mesures de sûreté.
Tendances Actuelles : Théories de Schmidhauser et Roxin
Les tendances actuelles s'inspirent largement des projets de code pénal allemand mentionnés. Deux théories mixtes influentes sont celles de Schmidhauser et de Roxin, toutes deux centrées sur le principe de culpabilité, mais intégrant fortement la prévention.
Théorie de Schmidhauser : Différenciation par Acteur
Schmidhauser distingue la perception de la peine selon l'acteur impliqué dans le processus pénal. Pour lui, la finalité ultime de la peine est de lutter contre la criminalité pour maintenir la vie sociale, en maintenant la délinquance dans des limites tolérables. Ceci est réalisé par la fonction principale de la peine : la prévention générale (dissuasion). La réinsertion (prévention spéciale) joue un rôle, mais n'est pas le but premier. On punit par nécessité (coercition psychologique, réaffirmation des normes) plutôt que par pure justice.
Le sens de la peine varie :
- Pour le législateur : Protection de la société (prévention générale).
- Pour les organes d'instruction : Clarification des faits, respect de l'égalité.
- Pour le juge : Évaluation des faits et du droit ; la signification fondamentale est la prévention générale.
- Pour l'institution judiciaire : Recherche de la justice, prise en compte de la prévention spéciale.
- Pour l'administration pénitentiaire : Réinsertion du condamné (prévention spéciale pure).
- Pour la société : Mécanisme de réconciliation avec le délinquant.
En résumé, selon Schmidhauser :
- Stade de la menace légale (loi) : Prédominance de la prévention générale.
- Stade judiciaire (jugement) : Prédominance de la prévention générale.
- Stade de l'exécution de la peine : Prédominance de la prévention spéciale (réinsertion).
Théorie Dialectique de Roxin : Différenciation par Stade
Roxin part de la même idée : la finalité de la peine varie selon le stade du processus pénal. Il distingue trois moments :
- Commination légale (la loi) : La finalité dominante est la prévention générale, à la fois négative (dissuasion) et positive (intégration, réaffirmation des valeurs sociales). La peine protège les biens juridiques essentiels.
- Application judiciaire (le jugement) : Le juge détermine la peine. Elle confirme le sérieux de la menace légale, mais dans le cadre fixé par la culpabilité du sujet. La culpabilité sert de limite infranchissable : la peine doit y être proportionnée et ne peut jamais la dépasser, même si les besoins de prévention étaient plus grands. Cela évite l'instrumentalisation de l'individu.
- Exécution de la peine : La peine, prononcée dans les limites de la culpabilité et conformément aux exigences de prévention générale, doit être exécutée de manière à favoriser la réinsertion sociale du condamné. C'est le domaine de la prévention spéciale.